GUICHON, JOSEPH, éleveur et entrepreneur, né le 22 octobre 1843 à Chambéry, France, dernier des cinq fils de Jean Guichon et d’Annette Veil ; le 11 novembre 1878, il épousa à Keating, Colombie-Britannique, Josephine Rey (décédée en 1929), et ils eurent quatre filles et trois fils ; décédé le 30 avril 1921 à Vancouver.
Joseph Guichon fut une figure importante aux premiers temps des ranchs en Colombie-Britannique au xixe siècle. Bien qu’ils aient été considérables, ses succès dans l’élevage du bétail et, surtout, dans le regroupement de vastes terres n’égalèrent pas ceux d’une entreprise voisine, la Douglas Lake Cattle Company, mais, en tant qu’indépendant dépourvu de gros moyens financiers, il était probablement plus représentatif des éleveurs de l’arrière-pays britanno-colombien.
Né en Savoie dans le Midi de la France, Guichon monta à l’âge de 14 ans à Paris, où il travailla pour un négociant ou un distillateur. En 1862, il suivit ses frères Charles, Laurent et Pierre dans les régions aurifères de Cariboo, en Colombie-Britannique, en passant par Londres, Liverpool, New York, Panama et San Francisco. Un cargo qui transportait des pionniers et des moutons le mena de la Californie à Portland, en Oregon, après quoi il poursuivit sa route jusqu’à l’île de Vancouver et la Colombie-Britannique. Arrivé dans ces colonies de la couronne en mars 1864, il se rendit à pied de la vallée du Fraser à Barkerville [V. William Barker*], où il se joignit à trois autres prospecteurs. Malgré quelques découvertes lucratives, cet épisode fut un échec. Après avoir passé l’hiver à Victoria, Guichon retourna dans l’arrière-pays en 1865. Il trouva du travail au ranch dirigé par Charles Augustus Semlin à Ashcroft et chez un autre éleveur du voisinage, un Basque nommé Minabarriet. L’année suivante, le Français Jean Caux l’embaucha. Surnommé Cataline, ce propriétaire d’animaux de bât approvisionnait les régions aurifères par les anciennes pistes de convoi de la Hudson’s Bay Company.
C’est en hivernant des chevaux dans la vallée de la Nicola en 1866–1867 que Guichon comprit que cette région était propice à l’élevage du bétail. Son propre petit troupeau prospéra sur une concession statutaire qu’il obtint en 1868 près de Savona’s Ferry (Savona). Par la suite, il se fixa plus au sud, au lac Mamit, sur une terre où il commença à exploiter une ferme avec son frère Laurent et quelques francophones venus de la province de Québec et de France. À l’automne de 1877, le géologue George Mercer Dawson* constata que, en dépit de l’altitude, Guichon « réussissait [à faire pousser] des céréales de toutes sortes et des pommes de terre ». Vers 1878, Laurent et Joseph Guichon s’installèrent au lac Chapperon, à environ 25 milles au sud-est du lac Mamit, et établirent la base de leurs activités au Home Ranch. Pendant les années 1870, chacun des deux frères acquit d’autres propriétés dans la vallée.
Joseph Guichon épousa Josephine Rey en 1878 à Keating, non loin de Victoria. Elle aussi était originaire de la Savoie, mais ils s’étaient rencontrés au lac Mamit par l’entremise d’amis communs. En 1879, elle quitta Victoria et rejoignit Joseph au Home Ranch avec leur premier-né, Lawrence Peter. Une sœur de Josephine épousa Laurent la même année. En mettant en commun leurs propriétés foncières de la vallée de la Nicola, les deux familles constituèrent une chaîne de pâturages qui allait du lac Mamit au lac Chapperon.
En l’espace de quelques années, le cœur du ranch de Guichon se déplaça vers l’est du lac Nicola, sur le lot 105 du canton 97 (qui fut arpenté en 1881 et où Guichon et sa famille s’établirent en 1882). Ce ranch connut une expansion quasi constante, quoique moins rapide ou prononcée que celle de la Douglas Lake Cattle Company. Une des premières propriétés acquises par le syndicat qui deviendrait la Douglas Lake Cattle Company fut le ranch des Guichon à Chapperon en 1883. Les frères se répartirent les bénéfices : Joseph garda environ 1 400 têtes de bétail et Laurent se retira sur la côte avec l’argent. Éleveur bien établi, Joseph Guichon put, avant 1885, profiter du fait qu’il fallait nourrir les équipes d’ouvriers affectés à la construction du chemin de fer canadien du Pacifique. Son ranch était situé à peu près à égale distance de deux points de service, Kamloops au nord et Spences Bridge à l’ouest. À compter de 1885, Guichon vendit son bétail surtout dans la localité de Kamloops, alors en pleine expansion. Ses relations avec la Douglas Lake Cattle Company n’étaient pas toujours faciles. Atteint d’une maladie pulmonaire dans les années 1880, Guichon alla se faire soigner à San Francisco. À son retour, peu de temps après, il découvrit que de nouvelles propriétés de la compagnie encerclaient ses 320 acres au lac White. Obstiné, il agrandit peu à peu ses propriétés de la vallée de la Nicola et obtint des baux sur d’immenses superficies de terres de la couronne. Il étendit sa superficie vers le nord dans les années 1890, acquit d’Edward O’Rourke le Quilchena Ranch avec un hôtel et un magasin général en 1904 et acheta le Triangle Ranch en 1911 avec 40 000 $ empruntés à Joseph Blackbourne Greaves, de la Douglas Lake Cattle Company. Au moment de sa mort, il possédait presque 40 000 acres et détenait des baux sur plus d’un demi-million d’acres de terres de la couronne.
Guichon se livra à plusieurs expériences de diversification. Vers 1880, il se procura des percherons et des pur-sang qu’il éleva pour la Police à cheval du Nord-Ouest (puis pour la Gendarmerie royale à cheval du Canada) et pour la police de Vancouver. En 1894, il fit venir de la province de Québec des herefords de race pure afin d’améliorer son troupeau. En 1908, il remplaça le vieil hôtel situé en bordure de la route à Quilchena par un opulent bâtiment édouardien qui existe toujours. Pour ce faire, il utilisa des poutres en sapin de Douglas qui font toute la hauteur du bâtiment. Plus tard, il incorpora des structures provenant du premier Hotel Vancouver, démoli en 1913. De plus, il construisit un magasin général (le premier édifice en pierre de la vallée), éleva des moutons et s’essaya à l’élevage du renard. Ses tentatives ne furent pas toutes couronnées de succès. Comme beaucoup de gens de la région, Guichon espérait que la présence de son hôtel convaincrait la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique de faire passer une ligne secondaire par Quilchena et que l’hôtel en bénéficierait. Cependant, le chemin de fer ne vint jamais et, en 1918, à cause de la prohibition, des changements d’itinéraire et de l’évolution des moyens de transport, l’hôtel ferma ses portes pour plus de 30 ans.
Lorsque Joseph Guichon prit sa retraite en 1918, il répartit ses biens entre ses sept enfants (selon la coutume française). Lui-même et sa femme passèrent quelque temps en Californie et revinrent s’installer en Colombie-Britannique en 1919. Il mourut à Vancouver le 30 avril 1921. Bien qu’il n’ait jamais été au centre du pouvoir économique et politique, il avait été proche de l’une des plus grosses entreprises agricoles de l’Amérique du Nord (la Douglas Lake Cattle Company) et avait eu des liens avec deux premiers ministres de la province (outre Semlin, il connaissait la famille de George Anthony Walkem*). Encore aujourd’hui, la richesse de ses installations de Quilchena témoigne de son ambition. Le nom de sa famille subsiste dans la raison sociale de la Gerard Guichon Ranch Limited ainsi que dans plusieurs toponymes de sa région : Little Guichon Field, le mont Guichon, l’énorme batholite Guichon, riche en minéraux, et le ruisseau Guichon, qui coule dans ce que l’on appelle joliment « la vallée de Guichon ».
Kamloops Museum and Arch. (Kamloops, C.-B.), Vertical files, Guichon, Dr L. P.— Inland Sentinel (Kamloops), 20 janv. 1881, 15 avril 1963.— H. S. Cleasby, The Nicola valley in review ([Merritt, C.-B., 1958]).— G. M. Dawson, The journals of George M. Dawson : British Columbia, 1875–1878, Douglas Cole et Bradley Lockner, édit. (2 vol., Vancouver, 1989), 2.— Sandra Klein et Gerard Guichon, « The Guichon family », Nicola Valley Hist. Quarterly (Merritt), 11 (1993–1994), nº 1 : 3–12.— Landmarks and branding irons : a guide to some historical ranches in the Nicola valley of British Columbia (s.l., [1988 ?]).— Nicola Valley Arch. Assoc., Merritt & the Nicola valley : an illustrated history (Merritt, 1989).— N. G. Woolliams, Cattle ranch : the story of the Douglas Lake Cattle Company (Vancouver, 1979).
John Douglas Belshaw, « GUICHON, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/guichon_joseph_15F.html.
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Auteur de l'article: | John Douglas Belshaw |
Titre de l'article: | GUICHON, JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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