HAMILTON, sir CHARLES, officier de marine et gouverneur de Terre-Neuve, né le 25 mai 1767, fils aîné de sir John Hamilton et de Cassandra Agnes Chamberlayne ; le 19 avril 1803, il épousa Henrietta Martha Drummond, et ils eurent un fils ; décédé le 14 septembre 1849 à Iping, Angleterre.

Dès son jeune âge, Charles Hamilton fut destiné à la marine. Son grand-père maternel avait été amiral et son père, capitaine, obtint un titre de baronnet en récompense de sa participation à la défense de Québec en 1775–1776. Charles s’embarqua à l’été de 1776 sur le navire de son père, le Hector, à titre d’ordonnance du capitaine. Il fréquenta la Royal Naval Academy de Portsmouth de 1777 à 1779 puis rembarqua sur le Hector à titre de midship. Entre 1780 et 1810, il servit aux Indes orientales, aux Antilles, sur la mer du Nord, dans la Méditerranée et au large des côtes de l’Afrique. Promu contre-amiral et commandant en chef sur la Tamise le 31 juillet 1810, il devint vice-amiral de l’escadre bleue le 4 juin 1814. On le nomma commandant en chef de la marine de Terre-Neuve et du Labrador le 25 avril 1818, puis gouverneur le 9 mai. Arrivé sur les lieux le 19 juillet, il prit la relève de l’administrateur intérimaire, le capitaine John Bowker.

Les historiens de Terre-Neuve ont critiqué la nomination d’amiraux au poste de gouverneur en citant des contemporains mécontents, notamment des pétitionnaires de St John’s, selon lesquels ces hommes avaient été « éduqués dès leur jeunesse dans un système qui leur était propre », ce qui les rendait inaptes à « l’exercice de cette discrimination et de cette patience si essentielles au gouvernement » des colonies. Dans le cas de Hamilton, cette critique n’est que partiellement justifiée. Il avait quelque expérience de la vie civile, puisque, pendant plus d’une douzaine d’années échelonnées entre 1790 et 1812, il avait représenté au Parlement diverses circonscriptions de l’Irlande et du sud de l’Angleterre, même si la plupart du temps il avait été en service actif. En outre, il pouvait prétendre « ne pas être tout à fait ignorant de l’histoire des débuts de la colonisation, [car il avait] passé une grande partie de [sa] vie dans les plantations ».

Malheureusement pour Hamilton, les institutions terre-neuviennes n’avaient pas évolué et ses instructions ressemblaient presque mot pour mot à celles que recevaient les gouverneurs du xviiie siècle. Il était profondément conservateur et tenait Terre-Neuve pour « une bonne pépinière de marins », mais il reconnaissait aussi qu’elle ne pouvait pas demeurer simplement « une station de pêche saisonnière ». Tel était d’ailleurs l’avis du ministère des Colonies, puisqu’il s’attendait à ce que Hamilton réside dans l’île toute l’année. Celui-ci fut d’ailleurs le premier gouverneur à se faire accompagner par sa femme.

Consterné par la pénurie d’édifices publics ainsi que par l’étroitesse des rues de St John’s et le surpeuplement de ses maisons de bois, Hamilton fit ériger un palais de justice, entreprit la construction d’une prison et tenta d’imposer un code du bâtiment à la ville, surtout après les incendies qui la dévastèrent de nouveau en 1818 et 1819. Il appuya également la construction d’églises par l’Église d’Angleterre, mais il refusa d’étendre le système d’éducation public et protesta quand, en 1823, le ministère des Colonies versa une subvention à la Newfoundland School Society, composée en majorité de non-conformistes et d’anglicans de la Basse Église. Cependant, la plupart des efforts qu’il déploya en vue d’améliorer la vie urbaine furent peu utiles, soit parce qu’il manquait de fonds ou qu’il ne pouvait faire respecter ses règlements. Même après que le Parlement eut élargi son pouvoir législatif, en 1820, il trouva difficile de réaliser des réformes : « ni mes efforts ni les pouvoirs que je détenais, précisa-t-il, ne purent amener les habitants à adopter de meilleures habitudes de propreté ». Cette situation n’empêcha pas les Hamilton de participer activement à la vie sociale de la capitale. Lady Hamilton, « la douce et fidèle amie de la veuve et de l’orphelin », était une artiste de talent et elle a laissé à la postérité un portrait de la Béothuk Demasduwit*.

Ironie du sort, Hamilton accéléra sans le vouloir l’extinction des Béothuks. En 1818, pressé d’« apporter à ce peuple misérable les bienfaits de la civilisation », il autorisa la mission irréfléchie de John Peyton qui, malgré son but premier de nouer des relations amicales, aboutit à la mort de deux Indiens et à la capture de Demasduwit. Hamilton ordonna une enquête, mais il la transforma en ce qui fut qualifié plus tard d’« entreprise de dissimulation ». Il fut responsable d’une autre expédition tout aussi infructueuse, celle du commander David Buchan, en 1819–1820. Cependant, il porta assistance à Shawnadithit* lorsqu’elle se livra à William Cull* en 1823.

Par ailleurs, Hamilton fut incapable de diversifier l’économie de Terre-Neuve. Le ministère des Colonies lui avait demandé de promouvoir l’agriculture, mais il rapporta bientôt que le sol était « tellement plus mauvais [qu’il] ne l’avait imaginé » que l’on pouvait tout juste y faire pousser « de l’herbe et des pommes de terre ». Même s’il était favorable au versement de petites subventions aux pêcheurs, il fit peu pour qu’ils touchent quoi que ce soit et refusa de faire construire des routes vers l’intérieur des terres en disant qu’elles étaient inutiles, puisque l’île dépendait irrémédiablement de la pêche. L’effondrement du marché de la morue, après les guerres napoléoniennes, le poussa à accorder plus d’importance à la chasse au phoque, qui connaissait alors un essor rapide, et à encourager la pêche à la baleine et au saumon du Labrador. Poussés par la crise économique, les pauvres avaient afflué à St John’s. Hamilton envisagea alors la solution suivante : consacrer aux démunis des sommes égales à celles qui étaient recueillies par souscription privée tout en déportant le plus grand nombre possible de pauvres dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique ou dans la mère patrie. En 1822, il alloua environ £370 à la distribution de rations de secours à St John’s, mais il versa plus de £468 pour faire transporter des miséreux hors de l’île. Le souci premier de Hamilton était d’accroître les recettes du gouvernement, mais le marasme économique et les décisions juridiques du juge en chef Francis Forbes affaiblissaient ses pouvoirs. Ce dernier avait déclaré, par exemple, que les proclamations du gouverneur, traditionnellement considérées comme ayant force de loi, étaient nulles.

Aiguillonné par les décisions de Forbes et par l’indignation croissante que soulevait la nomination d’officiers de la marine comme juges des tribunaux de surrogate, le ministère des Colonies résolut de modifier l’appareil judiciaire. Hamilton rentra donc à Londres le 18 octobre 1822 pour lui apporter son concours. Cependant, les dispositions du projet de loi de 1823 sur l’administration de la justice à Terre-Neuve furent davantage l’œuvre de Forbes et du conseiller juridique du ministère des Colonies, James Stephen, que de Hamilton. Bien à contrecœur, celui-ci retourna dans l’île en juillet 1823 pour prendre le pouls de la population et clôturer ses comptes. En novembre, il regagna la demeure familiale d’Iping. Il toucha une demi-solde jusqu’au 5 juillet 1824 mais ne détint plus d’autre charge, même si, à l’occasion, le ministère des Colonies le consulta. Promu amiral le 22 juillet 1830, il fut créé chevalier de l’ordre du Bain le 19 janvier 1833. Il était baronnet depuis la mort de son père, en 1784.

En défendant son gouvernement, en 1824, Hamilton avait allégué que « ce n’était pas [sa] faute si le système avait besoin de changement ». Pourtant on ne saurait l’absoudre tout à fait. Il fit preuve de myopie en s’opposant à la constitution de St John’s en municipalité ; il retarda l’abolition inévitable des tribunaux de surrogate en défendant ce système avec obstination, en partie parce qu’il justifiait le maintien d’un effectif naval plus nombreux. Fait ironique, il favorisa probablement l’émergence d’un courant réformiste en réagissant violemment au moindre signe d’opposition. Sa longue querelle avec William Dawe, l’unique avocat accrédité de l’île, lui nuisit particulièrement. Hamilton le congédia en 1818 à titre de notaire puis lui imposa une amende pour outrage pour avoir, à bon droit, contesté l’autorité d’un tribunal d’audition et de jugement des causes criminelles que le gouverneur lui-même avait établi et qu’il présidait toujours. Les violentes critiques de Dawe à l’égard de Hamilton poussèrent le réformiste anglais Joseph Hume à exiger en 1823 un examen des comptes du gouverneur. Stephen découvrit au cours de son enquête que Hamilton, malgré son salaire de gouverneur, sa solde et ses allocations de vice-amiral, avait revendu des surplus du charbon acheté pour Government House, mais il le disculpa en grande partie.

Sir Charles Hamilton ne mesura jamais la force des pressions en faveur de la réforme parce qu’il avait peu de respect pour ceux qui les faisaient – des « aventuriers dépourvus de principes (ou de biens...) » ou encore « une poignée d’agitateurs », disait-il. Il n’est donc guère étonnant que le dernier des amiraux-gouverneurs, même s’il résidait en permanence dans l’île, contribua peu à redorer la réputation de cette charge.

Phillip Buckner

PRO, CO 194/61–72 ; 195/7.— G.-B., Parl., The parliamentary debates (Londres), [2e] sér., 5 (1821) : 1015–1017 ; 8 (1823) : 702–704 ; 9 (1823) : 245–255.— DNB.— Marshall, Royal naval biog.— W. R. O’Byrne, A naval biographical dictionary : comprising the life and service of every living officer in Her Majesty’s navy [...] (Londres, 1849).— C. H. Currey, Sir Francis Forbes : the first chief justice of the Supreme Court of New South Wales (Sydney, Australie, 1968).— M. A. Lewis, A social history of the navy, 1793–1815 (Londres, 1960).— A. H. McLintock, The establishment of constitutional government in Newfoundland, 1783–1832 : a study of retarded colonisation (Londres et Toronto, 1941).— W. S. MacNutt, The Atlantic provinces : the emergence of colonial society, 1712–1857 (Toronto, 1965).— Paul O’Neill, The story of St. John’s, Newfoundland (2 vol., Erin, Ontario, 1975–1976).— Prowse, Hist. of Nfld. (1896).— F. W. Rowe, Extinction : the Beothuks of Newfoundland (Toronto, 1977).— Marjorie Smith, « Newfoundland, 1815–1840 : a study of a merchantocracy » (thèse de m.a., Memorial Univ. of Nfld., St John’s, 1968).

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Phillip Buckner, « HAMILTON, sir CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hamilton_charles_7F.html.

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Auteur de l'article:    Phillip Buckner
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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