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HARMAN, SAMUEL BICKERTON, avocat, comptable, homme politique et fonctionnaire, né le 20 décembre 1819 à Brompton (Londres), fils de Samuel Harman, fonctionnaire et planteur antillais, et de Dorothy Bruce Murray ; le 26 juillet 1842, il épousa Georgiana Huson, et ils eurent six fils et deux filles ; décédé le 26 mars 1892 à Toronto.
Après avoir fréquenté la King’s College School de Londres, Samuel Bickerton Harman commença sa carrière à titre de commis aux bureaux de la Colonial Bank, à la Barbade, en 1840. Deux ans plus tard, à Toronto, il épousait la fille du planteur barbadien George Huson. Son oncle, Davidson Munro Murray, qui avait épousé une autre fille de Huson, s’était établi vers 1835 à Toronto, où la famille Huson avait des intérêts financiers. Le premier fils des Harman, Samuel Bruce, naquit en 1843 à Grenade, où Harman était allé travailler en qualité de comptable et où il devint plus tard directeur de la succursale de la Colonial Bank.
Harman retourna en Angleterre en 1847, apparemment pour régler des affaires de famille. Il revint au Canada en 1848, avec sa femme et ses quatre fils, afin de récupérer un mauvais placement des Huson. Quelle qu’ail été la nature de ce placement, sa tentative de sauvetage ne fut probablement pas heureuse car, bien qu’il se soit établi dans un quartier chic de Toronto, il dut recommencer à travailler pour gagner sa vie. Au début des années 1850, il étudiait le droit auprès de John Hillyard Cameron*. Admis au barreau en 1855, après avoir passé l’examen qui menait à la licence en droit civil au Trinity College de Toronto, il commença à pratiquer comme associé en second de Cameron. Il travaillerait avec ce dernier durant 17 ans en qualité de clerc et d’associé. Huson William Munro Murray, neveu de Georgiana Harman et fils de Davidson Munro Murray, faisait également partie du cabinet de Cameron. Harman s’occupait de droit commercial et, vu sa bonne formation en comptabilité, se spécialisa dans les questions complexes d’arbitrage. En 1869, on le nomma membre du conseil de la Law Society of Upper Canada mais en 1871, lorsque l’assemblée générale des membres vota, il ne parvint pas à se faire élire.
Dès le début de sa carrière d’avocat, Harman s’était mêlé à l’élite torontoise et avait œuvré dans divers domaines. Anglican, il avait participé en 1851 à la malheureuse entreprise de la Church of England and Metropolitan Building Society. Il fut membre du premier synode diocésain en 1853, trésorier du diocèse de 1856 à 1858 et registraire de 1859 à 1877. Il fit aussi beaucoup de travail juridique pour le Trinity College, sans doute à cause des liens que Cameron entretenait avec sa faculté de droit. En 1852, il aida à mettre sur pied le Toronto Boat Club (qui deviendrait le Royal Canadian Yacht Club). Il gravit les échelons de la St Georges Society, dont il devint président en 1860, l’année de la visite du prince de Galles. Maître franc-maçon à compter de 1842, il fonda la section torontoise des Knights Templar en 1854 et continua de s’occuper de cet ordre à titre d’officier supérieur jusqu’en 1882. Entre 1850 et 1853, les Harman avaient eu trois autres enfants ; la dernière, Georgina Mary, née en 1856, mourut un peu plus tard la même année.
Harman fit son entrée sur la scène politique municipale en 1866 à titre d’échevin du quartier St Andrew, qu’il représenterait jusqu’en 1872. Élu maire deux fois, en 1869 et en 1870, à une époque où les affaires municipales n’étaient encore qu’une occupation à temps partiel, il entreprit avec ses associés, dont l’ancien maire James Edward Smith, de changer cet état de choses et de doter Toronto d’une véritable administration gérée par des gens de métier. Il avait lui-même présidé la commission qui avait produit, en 1868, le premier recueil de règlements municipaux. Au début des années 1870, les membres progressistes du conseil s’inquiétaient des imprécisions flagrantes qui existaient dans les méthodes d’évaluation employées à Toronto. Pour réaliser les améliorations nécessaires, on nomma Harman commissaire à l’évaluation en novembre 1872, au salaire annuel de 3 000 $ – ce qui en faisait le fonctionnaire le mieux payé qu’ait jamais eu la ville. (Le maire Joseph Sheard, lui, toucha 4 000 $ cette année-là.)
À titre de commissaire à l’évaluation, Harman fit valoir avantageusement ses talents d’organisateur et d’administrateur. Il recruta des évaluateurs, leur assura une formation, puis conçut et mit en application les méthodes qui permettraient d’évaluer de manière conséquente toute la ville, et ce à temps pour la préparation du rôle des contributions de 1873. Les résultats furent impressionnants : l’assiette de l’impôt passa de 32 à 44 millions de dollars entre 1872 et 1873, ce qui augmentait considérablement les recettes même après la réduction radicale du taux d’imposition. On croit également, sans pouvoir le prouver, que Harman a participé à la manœuvre qui, en 1874, força Andrew Taylor McCord* à quitter le poste de trésorier qu’il occupait depuis 40 ans. Harman se porta candidat pour le remplacer et obtint le poste.
C’est probablement son travail à l’Institute of Chartered Accountants of Ontario qui illustre le mieux les remarquables talents politiques de Harman. Fondé en 1879, l’institut avait, sans résultat, entrepris des démarches auprès du gouvernement provincial en vue d’obtenir sa constitution juridique. En février 1882, son conseil, qui reconnaissait avoir besoin d’aide, recruta Harman comme président. En un an, ce dernier réorganisa le conseil pour en faire un groupe politiquement important, allongea – gonfla même – la liste des membres, mit en scène une assemblée publique de l’élite du milieu torontois des affaires, qui exigeait la constitution, fit pression auprès des députés provinciaux de la région de Toronto et auprès des ministres appropriés, et retint les meilleurs avocats. L’institut fut constitué juridiquement en février 1883.
Issu d’un milieu fortuné, Harman avait connu les plantations de canne à sucre d’Antigua et la maison de campagne en Angleterre, mais il eut des problèmes d’argent dès son arrivée au Canada. Tout le temps qu’il vécut à Toronto, il habita avec sa famille dans des logements loués. En avril 1862, l’évêque John Strachan* avait écrit à sir Allan Napier MacNab*, alors membre du Conseil législatif, pour demander que l’on nomme Harman greffier au tribunal de comté. En 1870, Samuel Bruce Harman, parti combattre les rebelles de la Rivière-Rouge à titre de capitaine dans le 2nd Battalion des Queen’s Own Rifles, écrivait à sa mère : « J’essaierai le mois prochain de vous envoyer un chèque de 60 $ qui pourrait vous aider un peu en l’absence de papa. » Bruce savait qu’elle avait besoin d’aide pour soigner son jeune frère Lloyd Cusack Athill Murray, atteint d’une maladie débilitante. Au milieu des années 1870, les Harman furent durement éprouvés : ils perdirent la seule fille qui leur restait en 1874, Lloyd l’année suivante. Un autre de leur fils mourut six ans plus tard.
Malgré ses malheurs personnels, Harman parvint à réorganiser le service du trésor de la ville de Toronto et à y faire adopter de nouvelles méthodes. Il y attira du personnel compétent, dont son adjoint Richard Theodore Coady et John H. Menzies, qui étaient tous deux actifs aux comités de l’Institute of Chartered Accountants of Ontario. Toutefois, la ville continuait de grossir rapidement, expansion qui augmentait grandement la charge de travail du service que dirigeait Harman. Au milieu des années 1880, Harman tomba malade et devint incapable de bien faire son travail. On peut supposer que son incapacité de déléguer des pouvoirs ne faisait qu’aggraver la situation. Néanmoins, il s’accrocha à son poste parce qu’il avait besoin d’argent. Après un affrontement avec le comité exécutif de la municipalité à l’automne de 1888, il dut cependant démissionner, mais il reçut la superbe pension annuelle de 2 000 $, la plus forte que la ville ait jamais versée.
Samuel Bickerton Harman avait résumé sa vie dans sa lettre officielle de démission : « Il n’est pas trop de dire que la vie civique était devenue une seconde nature, et qu’il ne m’a pas été facile de l’abandonner. » Harman flâna chez lui quelque temps mais au début des années 1890, sa santé se détériora rapidement et il mourut le 26 mars 1892. Peut-être avait-il continué à dépenser comme les riches planteurs de sa jeunesse, car la succession qu’il laissa à ses héritiers valait moins de 1 465 $.
CTA, D. M. Harman, « Biographical memoirs of Samuel Bickerton Harman and the Harman family in Canada, 1849–1938 » (copie dactylographiée). — St Mary Abbots Church (Londres), Reg. of baptisms for the parish of Kensington, 1er févr. 1820. — York County Surrogate Court (Toronto), no 9061 (mfm aux AO). — Globe, 28 mars 1892. — Monetary Times, 1er avril 1892. — Chadwick, Ontarian families. — The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, Ontario, 1917). — Philip Creighton, A sum of yesterdays : being a history of the first one hundred years of the Institute of Chartered Accountants of Ontario (Toronto, 1984). — Robertson’s landmarks of Toronto, 3 : 480. — V. L. Russell, Mayors of Toronto (1 vol. paru, Erin, Ontario, 1982– ).
Philip Creighton, « HARMAN, SAMUEL BICKERTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harman_samuel_bickerton_12F.html.
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Auteur de l'article: | Philip Creighton |
Titre de l'article: | HARMAN, SAMUEL BICKERTON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 8 nov. 2024 |