HERON, SAMUEL, homme d’affaires, fonctionnaire et officier de milice, né en 1770 à Kirkcudbright, Écosse ; décédé en 1817 ou 1818 dans le canton d’York, Haut-Canada.
Samuel Heron émigra d’Écosse encore tout jeune et, après un court séjour à New York, il partit pour la presqu’île du Niagara, dans le Haut-Canada, où, en 1793, son frère Andrew était marchand dans la ville de Newark (Niagara-on-the-Lake). Au printemps de cette année, Samuel s’établit sur une terre de 200 acres, près de la baie Ashbridges, sur le lac Ontario. Le 14 décembre 1794, il épousa Sarah, fille de Mme Ashbridge, laquelle venait tout juste de s’installer avec sa famille au même endroit.
Le 3 septembre 1793, Heron adressa au Conseil exécutif une requête afin d’obtenir un emplacement urbain à York (Toronto) et 200 acres de terre, mais il ne parvint à se faire accorder qu’un emplacement urbain éloigné. On ne sait pas quand il s’établit à York ; mais, en janvier 1795, il y exploitait un magasin général et vendait des marchandises aux colons de William Berczy, dans le canton de Markham. Au mois de juin suivant, il figurait parmi les 14 chefs de famille d’ York.
Heron avait dû nouer des rapports étroits avec Berczy, car en 1795 ou 1796 il s’associa à ce dernier pour la construction d’un moulin sur la rivière Don ; il détenait la créance hypothécaire de la terre de Berczy et lui servit de mandataire dans plusieurs affaires, après que celui-ci eut quitté la province. En 1796, il inaugura un service de transport par terre entre York, Newark et la rivière Genesee, en société avec Abner Miles. Apparemment, les affaires de Heron prospéraient à York : en 1799, il possédait une taverne et, en 1800, un atelier pour deux tailleurs. Sa réussite lui permit, semble-t-il, de devenir un financier local de même qu’un mandataire ou fiduciaire pour la vente des terres ou des propriétés de beaucoup d’habitants d’York ou des environs.
Bien qu’il exerçât son activité sur une petite échelle, Heron fut un avide spéculateur foncier. Le 30 août 1794, il avait adressé au Conseil exécutif une pétition pour obtenir 200 acres de terre. On lui concéda un terrain rue Yonge, dans le canton de Vaughan, qu’il loua à John Lyons. En 1796, il se vit refuser à nouveau l’octroi de 200 acres, mais en 1797 et en 1799 il réussit à obtenir deux concessions de 200 acres chacune. Il espérait vendre ces terres rapidement pour réaliser un profit, plutôt que de s’y établir, comme le gouvernement l’escomptait. Heron acheta aussi beaucoup de terres, et en particulier un emplacement à moulin, sis sur le lot no 9, dans la rue Yonge, sur la rive ouest de la rivière Don (qu’on connaîtra plus tard sous le nom de Hogg’s Hollow ou de York Mills). En 1801, il annonçait la mise en vente de 3 000 acres, au total, dans les cantons de Scarborough, de Vaughan et de Norwich (Whitby et East Whitby).
Il semble qu’à la fin des années 1790 Heron était devenu un personnage respecté dans la société d’York : il fut percepteur des contributions municipales en 1797 et 1798, préfet de village en 1797 et 1799, puis estimateur en 1802. En 1797, il était devenu aussi maître franc-maçon et, l’année suivante, lieutenant dans la milice d’York. Heron était fort désireux que l’on reconnût la place qu’il occupait dans la société. Même s’il possédait déjà deux emplacements urbains, il signa deux requêtes en 1797 pour obtenir un emplacement prestigieux donnant sur le lac ; ses demandes furent refusées. En 1799, toutefois, à la suite de deux autres pétitions, la superficie de sa concession à York fut portée à une acre.
En 1800, en raison probablement de ses nombreux contacts avec les fermiers et avec ses concitoyens de la région d’York, Heron sollicita un siège à la chambre d’Assemblée, lors de la première élection dans la nouvelle circonscription de Durham, Simcoe, and the East Riding of York. Son nom fut proposé le 22 mars, dans l’Upper Canada Gazette, par « un fermier » préoccupé que le candidat élu « ne reçût ni directement ni indirectement des émoluments du gouvernement ou ne détînt un poste qui en relevât ». Admettant que Heron manquait de « raffinement dans son éducation », le correspondant faisait valoir qu’il était « un homme honnête, droit et juste », possédant « naturellement beaucoup d’intelligence et de bon sens ». La campagne prenait l’allure d’une lutte entre des gentlemen fonctionnaires et un homme plus modeste, en rapport plus étroit avec les colons. Curieusement, le 12 juillet, Heron annonça qu’il ne serait pas candidat. Mais quand débuta le vote, le 24 juillet, il était en plein dans la course. Lorsque les candidats, le juge Henry Allcock, le secrétaire de la province William Jarvis, John Small* et Heron amenèrent leurs partisans, Heron parut recueillir la faveur des gens de la campagne, et Jarvis donna son appui à Allcock. Des désordres s’étant produits par suite de l’arrestation d’un partisan de Heron en état d’ivresse, on ajourna la période allouée au scrutin. Mais à la demande instante du scrutateur d’Allcock, William Weekes, deux autres votes en faveur de son candidat furent enregistrés par la suite, donnant ainsi au juge une majorité de deux voix. Il demanda alors, avec succès, que l’on mît fin au scrutin. Heron protesta sur-le-champ, mais on lut la loi contre les attroupements et la foule se dispersa. Plus tard le même jour, Heron et 97 autres personnes adressèrent une pétition au lieutenant-gouverneur Peter Hunter, sollicitant une nouvelle élection ; mais Hunter les renvoya à la chambre d’Assemblée. En juin 1801, l’Assemblée priva Allcock de son siège et donna ordre de tenir une nouvelle élection ; Heron ne fut pas candidat, et l’avocat des pétitionnaires, Angus Macdonell (Collachie), fut élu.
La défaite électorale de Heron fut suivie, en février 1801, de la mort de sa femme. Son mariage à Sarah Conott (Connott), le 10 décembre 1802, lui a peut-être remonté le moral, mais il faisait face à de sérieuses difficultés financières. À l’instar de marchands comme Miles, Heron souffrit de la pénurie d’argent liquide dans la colonie, de même que des problèmes découlant de ses propres spéculations foncières. Chaque année, de 1799 à 1801, il fit paraître des annonces, demandant le paiement de créances échues et mettant en vente quelques-unes de ses « excellentes terres à bois » ; en fait, il annonça prématurément, en 1800, qu’il était « sur le point d’abandonner les affaires ». Plus tard au cours de la même année, il hypothéqua tous ses biens en faveur du marchand montréalais John Gray*, pour la somme de £1 875, dont la moitié payable au début de 1802. Le 12 février 1803, Gray saisit les biens hypothéqués – comme il l’avait fait pour un autre marchand, William Willcocks – et mit en vente les propriétés de Heron à York et dans les cantons de Scarborough, de Vaughan, d’York, de Crowland et de Norwich, soit plus de 2 500 acres au total, évaluées à £1 338.
Maintenant simple yeoman et souhaitant peut-être effectuer un nouveau départ, Heron obtint à l’été de 1804 un emplacement urbain à Niagara. En même temps, on faisait des arrangements pour le remboursement des dettes de Berczy, depuis longtemps en souffrance ; ses principaux créanciers étaient Heron, Willcocks et Gray. En remboursement des £1 937 qui lui étaient dues, Heron reçut 600 acres de terre d’une valeur de £550, la ferme de 400 acres de Berczy, qui valait £300, et £459 comptant. Cet afflux d’argent lui permit probablement de rester sur son emplacement à moulin de la rue Yonge, où il construisit un moulin à farine et une scierie. En 1805, il fut élu inspecteur des chemins et inspecteur des clôtures. Sa tentative pour obtenir un permis de taverne n’aboutit pas ; mais, en 1810, il exploitait une distillerie « d’une capacité de 18 gallons de whisky par jour » et une fabrique de potasse. Comme il avait encore des problèmes financiers, il essaya chaque année, entre 1809 et 1812, de vendre tout ou partie de ses propriétés. Après sa mort, il devait encore de l’argent à Gray. Le 5 janvier 1817, Heron avait obtenu un permis de taverne dans le canton d’York. Au printemps de 1819, selon le recensement annuel, la troisième femme de Heron, Lucy, était déjà veuve.
D’humble origine, l’Écossais Samuel Heron était parvenu à percer comme l’un des premiers marchands de la « frontière » du Haut-Canada. Pourtant, son ardent désir d’être reconnu socialement avait été contrecarré par la soi-disant gentry qui occupait les principaux postes du gouvernement de la province. La chute finale de Heron fut toutefois son œuvre. Après quelques années de réussite dans le commerce, son plongeon dans la spéculation foncière porta un coup fatal à ses affaires à York. Il finit sa vie dans une tranquille obscurité, habitant un coin perdu du canton d’York, sans jamais abandonner ses projets audacieux.
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Craig Heron, « HERON, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/heron_samuel_5F.html.
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Auteur de l'article: | Craig Heron |
Titre de l'article: | HERON, SAMUEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |