HORE (Hoore), RICHARD, marchand et navigateur qui amena un groupe d’Anglais de bonne famille visiter Terre-Neuve en 1536 ; circa 1507–1540.

Citoyen de Londres et marchand de cuir, Hore commerça avec l’Espagne entre 1536 et 1540, en société avec William Dolphyn, drapier londonien, et Sir Thomas Spert, fonctionnaire de la marine et armateur ; il signa une pétition en Espagne contre l’Inquisition espagnole en 1540. Hakluyt le décrit comme « un homme d’une belle prestance et d’un grand courage, adonné à l’étude de la cosmographie » ; quelques-unes de ses transactions commerciales révèlent cependant qu’il était peu scrupuleux.

Au début de 1536, il affréta de Dolphyn le William, de Londres (capitaine : Richard Elyot), pour faire un voyage à Terre-Neuve. Son pilote était un Breton, Alayne Moyne. À la fin d’août, au terme de son voyage, ce vaisseau était à l’ancre « à l’île de Spere » (Spear Island). On y terminait son chargement en poisson et on procédait aux réparations de sa coque, qui faisait eau à trois endroits « par suite d’avaries subies pendant son voyage dans des mers agitées et au cours de sa longue attente en rade, à Terre-Neuve ». On avait obtenu le bois nécessaire à ces réparations en abattant des arbres près du port. En dépit d’une autre voie d’eau qui se déclara pendant le voyage de retour, ce vaisseau était de nouveau dans la Tamise au début d’octobre. Les documents qui nous fournissent ces renseignements ne parlent ni de découvertes ni de passagers. Hakluyt, citant Thomas Butts, mentionne deux vaisseaux, le Trinity, de 140 tonneaux (capitaine : Hore), à bord duquel Butts avait fait le voyage, et le Minion (le William ?). Grâce à la bienveillance du roi, il emmenait 30 Anglais de la bonne société, dont John Rastell, fils, en « voyage d’exploration du Nord-Ouest de l’Amérique ». Hore conduisit ses navires au Cap-Breton et longea ensuite les côtes sud et est de Terre-Neuve jusqu’à l’île aux Pingouins (Funk), où ils firent la chasse au grand pingouin et à l’ours.

Jusqu’ici, l’histoire est vraisemblable. Mais à partir de ce point, Hakluyt rapporte un récit d’Oliver Dawbeny qui prétend avoir fait le voyage à bord du Minion. Il rappelle certaines rencontres avec les Béothuks et parle ensuite de la famine qui sévit dans un port non identifié où un des marins se serait livré au cannibalisme. Il ajoute que seule l’arrivée d’un navire français, aussitôt capturé par les Anglais, sut prévenir un désastre. Ayant abandonné leur navire pour monter à bord du navire français, ils arrivèrent enfin, tous fort amaigris, en Cornouailles, vers la fin d’octobre. Dawbeny et Butts racontèrent leur histoire, quelque 50 ans plus tard ; si toutefois le récit de Dawbeny s’applique au William, il n’est plus possible d’en soutenir la véracité. On ne sait rien de certain sur le sort du Trinity après son départ de l’île aux Pingouins.

On reconnaît généralement que Hore a remonté la côte est du Labrador, mais sans pouvoir démontrer qu’il a quitté les eaux de Terre-Neuve. Le fait qu’on avait retenu les services du pilote breton Alayne Moyne peut jeter quelque lumière sur l’itinéraire du voyage, dont le but semble avoir été de reprendre la route suivie par Jacques Cartier en 1534, par le détroit de Belle-Isle, puis la côte au sud du Labrador ou au nord-ouest de Terre-Neuve, en direction du golfe du Saint-Laurent. Le fait d’avoir capturé des oiseaux de mer à l’île aux Pingouins pour s’en nourrir semble confirmer qu’il s’agissait bien d’une reprise de l’expérience de Cartier, deux ans plus tôt. Il est fort possible que leurs provisions se soient épuisées par suite des retards causés par la réparation du navire qui faisait eau. La côte dénudée qu’ils longèrent a pu être celle du sud du Labrador. Finalement, l’arrivée du navire français qui fut pris et peut-être même confisqué semble faire pendant, dans le voyage de Cartier, à la rencontre d’un vaisseau de La Rochelle qui pêchait dans ces eaux. Le reste de l’histoire semble être une pure exagération des épreuves subies et de la durée du voyage. Il n’est fait aucune mention du voyage au sud de Terre-Neuve (par le détroit de Belle-Isle plutôt que par le détroit de Cabot) pour y faire la pêche et y effectuer des réparations. Cette interprétation du voyage est présentée sous toutes réserves, car il est impossible d’en faire la preuve pour le moment. Peut-être est-il inutile de tenter de concilier les deux récits de Hakluyt, si l’un des deux est en grande partie faux.

C’était la première fois en tout cas qu’on combinait le tourisme et la pêche avec le souci de l’exploration. Cette expédition donna à un certain nombre d’Anglais instruits l’occasion de voir pour la première fois une partie de l’Amérique du Nord ; c’est peut-être ce qui explique le regain d’intérêt que les intellectuels de l’époque d’Élisabeth manifestèrent pour Terre-Neuve à partir de 1575. Richard Hore a pu ainsi jouer un rôle de trait d’union entre les premières expéditions anglaises dans cette région et celles qui eurent lieu plus tard.

David B. Quinn

PRO, H.C.A. 13/2, ff.51–53, 61–65, 100–153v ; 24/2, 13 ; 30/542, 56–58.— Les relations de Thomas Butts, et d’Oliver Dawbeny se trouvent dans Hakluyt, Principal navigations (1903–05), VIII : 3–7.— E. G. R. Taylor Master Hore’s voyage of 1536, Geog. J., LXXVII (1933) :469s.— Voyages of Cartier (Bigoar), 273–277.— Williamson, Voyages of the Cabots (1929).

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David B. Quinn, « HORE (Hoore), RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hore_richard_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    5 déc. 2024