JOSEPH, JACOB HENRY (il ajouta Henry à son prénom en 1832), homme d’affaires, né le 14 septembre 1814 à Berthier-en-Haut (Berthierville, Québec), deuxième fils de Henry Joseph* et de Rachel Solomons (Solomon) ; le 3 mai 1848, il épousa à Philadelphie Sarah Gratz Moses, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 28 février 1907 à Montréal.

Jacob Henry Joseph naquit dans l’une des familles juives les plus importantes et les plus connues du Québec du xixe siècle. Son père, gros marchand de Berthier-en-Haut, vendait des produits manufacturés d’importation, faisait le commerce des fourrures et avait des intérêts dans une entreprise d’importation de tabac. En 1830, la famille élut domicile à Montréal. Deux ans plus tard, Henry Joseph et son fils aîné, Samuel, moururent du choléra. Pour honorer la mémoire de son père, Jacob prit alors aussi le prénom de Henry.

Après la mort du père, il y eut répartition des nombreux intérêts commerciaux de la famille. Jacob Henry hérita de l’entreprise de tabac, qu’il dirigea avec l’aide de sa mère et de son jeune frère Abraham*. Peu à peu, cette entreprise déclassa toutes les autres sociétés bas-canadiennes du même genre. En 1851, un agent de la R. G. Dun and Company nota qu’elle avait été « en difficulté », mais qu’elle était désormais « dans une bonne situation » et que son « crédit [était] bon ». L’année suivante, un autre agent signala que la société faisait « des affaires énormes et sembl[ait] toujours avoir de l’argent plein la caisse ». En octobre 1859, on disait de Jacob Henry Joseph qu’il était « l’un [des] citoyens les plus riches » de Montréal. « Vendez-lui tout ce que vous pouvez à cr[édit], notait l’agent, et ne posez pas de questions. » Quelques mois auparavant, Jacob Henry et Abraham avaient officiellement mis fin à leur association, qui durait depuis plus de 20 ans ; dans les faits, cependant, ils avaient peut-être cessé de collaborer bien plus tôt. Abraham, qui s’était fixé à Québec en 1836, y demeura. Jacob Henry continua d’exploiter la H. Joseph and Company à Montréal. Avec son frère Jesse, il allait acquérir un prestige considérable dans les cercles d’affaires montréalais.

Bien des entreprises pressaient Jacob Henry Joseph de faire partie de leur conseil d’administration, mais il préférait que son nom ne soit pas associé à des compagnies dans lesquelles il n’avait pas d’intérêts. Il contribua à l’installation des premières lignes télégraphiques au Canada et fut l’un des associés de la New York, Newfoundland and London Telegraph Company. Fondée en 1854, cette société acheva la pose du premier câble transatlantique en 1866 [V. Frederic Newton Gisborne*]. Pendant des années, Joseph fut étroitement associé à la Montreal Elevating Company ; il en fut à un moment donné le plus gros actionnaire et accéda à la présidence. Il eut également des liens avec les premières sociétés ferroviaires. Par exemple, il fut membre du conseil d’administration de la Compagnie du chemin à lisses de Champlain et du Saint-Laurent, qui acheva en 1851 un embranchement menant à Rouses Point, dans l’État de New York. Il eut aussi des intérêts dans le chemin de fer du village d’Industrie et Rawdon, entreprise constituée juridiquement en 1850.

Diverses sources rangent Joseph parmi les plus riches propriétaires immobiliers de Montréal. En 1860, la R. G. Dun and Company estimait à plus de 100 000 $ la valeur de son fonds de commerce et de ses biens immobiliers. Il contribua à la prospérité du quartier des affaires en construisant de nombreux édifices, surtout des maisons de gros. Selon son contemporain John Douglas Borthwick, il érigea « plus de bâtiments pour lui-même que tout autre citoyen ». Il fit bâtir l’édifice de l’Association de la bibliothèque de commerce et aménagea des propriétés près du port de Montréal. Membre actif du Bureau de commerce de Montréal, il en fut vice-président du milieu de l’année 1861 au milieu de l’année 1863. Ce fut grâce à lui que le bureau créa les postes de maître et d’inspecteur de port.

Intéressé par la finance, Joseph joua un rôle important dans la fondation de plusieurs banques canadiennes. À la création de la Banque d’Union du Bas-Canada en 1865, il acheta plus de 1 000 actions de capital non souscrit, ce qui permit à cet établissement financier de prendre un bon départ. Joseph fut aussi l’un des premiers actionnaires de la Banque de l’Amérique septentrionale britannique. Actionnaire important de la Banque d’Ontario durant de nombreuses années et cofondateur de la Banque d’épargne et de prévoyance de Montréal, il en vint à désapprouver leurs règles et se dissocia des deux banques, qui finirent par faire faillite. À la fin du xixe siècle, il était actif à la Banque de Montréal.

Joseph fut mêlé aux grands événements politiques de son temps. Officier de milice au cours de la rébellion de 1837–1838, il assura la liaison entre le commandant en chef des troupes britanniques, sir John Colborne*, et le lieutenant-colonel George Augustus Wetherall*, commandant des troupes au fort Chambly en novembre 1837, en livrant des dépêches. L’année suivante, son régiment fit partie de ceux que l’on envoya contrer une attaque provenant de la frontière américaine près de Lacolle.

Fervent disciple du Parti réformiste à l’époque de Robert Baldwin* et de Louis-Hippolyte La Fontaine*, puis du Parti libéral, Joseph se porta à la défense des autorités gouvernementales pendant l’incendie du Parlement de Montréal en 1849 [V. James Bruce*]. Malgré son goût pour la politique, il refusa plusieurs fois de se porter candidat dans la circonscription fédérale de Montréal-Ouest. De même, il déclina une invitation à siéger au Conseil législatif de la province. Au moment des élections générales fédérales de 1891, sa déception à l’égard de la politique partisane était telle qu’il se montra aussi critique à l’endroit du Parti libéral que du Parti conservateur.

Très religieux, les parents de Joseph avaient fait de grands efforts pour respecter la tradition judaïque et, comme il y avait très peu de familles juives à Berthier-en-Haut, ils avaient veillé soigneusement à ce que leurs enfants connaissent cette tradition. Joseph observait le sabbat et fréquenta durant plus de 75 ans la synagogue Spanish and Portuguese de Montréal. Durant de nombreuses années, il en fut trésorier et appartint au conseil d’administration. Il participa aussi à nombre d’œuvres philanthropiques, dont le Montreal General Hospital, l’Association de la bibliothèque de commerce, l’Association des beaux-arts de Montréal, l’Institut des artisans et la Société d’histoire naturelle de Montréal, dont il fut vice-président.

En 1848, Jacob Henry Joseph avait épousé Sarah Gratz Moses, nièce de la philanthrope de Philadelphie Rebecca Gratz. Walter Scott s’était inspiré de cette dernière en créant le personnage de Rebecca dans son célèbre roman Ivanhoé, paru à Édimbourg en 1819. Mme Joseph, philanthrope réputée de Montréal, mourut quelques années avant son mari. Quant à lui, il était encore dans une forme remarquable quelques semaines avant de mourir et ne s’éteignit qu’à l’âge de 92 ans.

Jack Jedwab

Baker Library, R. G. Dun & Co., credit ledger, Canada, 4 : 192.— Jewish Times (Montréal), 8 mars 1907.— Montreal Daily Star, 1er mars 1907.— Montreal Gazette, 12 mai 1848.— Borthwick, Hist. and biog. gazetteer.— Rebecca Gratz, Letters of Rebecca Gratz, David Philipson, édit. (Philadelphie, 1929).— « The house of Joseph in the history of Quebec », Congrès juif canadien, Congress Bull. (Montréal), 13 (1959), no 5 : 2.— E. C. Woodley, The house of Joseph in the life of Quebec : the record of a century and a half (Québec, 1946).

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Jack Jedwab, « JOSEPH, JACOB HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/joseph_jacob_henry_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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