Le Blanc, Édouard-Alfred (à sa naissance, il fut prénommé Edward A. ; il signait aussi Édouard), prêtre et évêque, né le 15 octobre 1870 dans la paroisse Saint-Bernard, à Clare, Nouvelle-Écosse, fils de Luke Le Blanc, cultivateur, et de Julia Beliveau ; décédé le 17 février 1935 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.

Édouard-Alfred Le Blanc est le cadet d’une famille de cinq enfants. Son père, cultivateur et exploitant de bois d’œuvre, dispose de moyens modestes. Édouard-Alfred fait tout de même une scolarité complète. Il fréquente une école primaire de Weaver Settlement, village situé à environ deux milles de sa paroisse natale. En 1889, il entreprend ses études classiques au collège Saint-Joseph de Memramcook, au Nouveau-Brunswick, sous l’égide des Pères de Sainte-Croix. Il y demeure deux ans, puis entre au collège Sainte-Anne de Church Point [V. Gustave Blanche*], en Nouvelle-Écosse, desservi par les eudistes. Il fait partie de la première cohorte d’élèves inscrits à cet établissement, qui ouvre ses portes à l’automne de 1891. Il y remporte plusieurs prix d’excellence, plus particulièrement en instruction religieuse. Son enthousiasme attire l’attention des autorités, qui encouragent les élèves méritants à prendre la soutane. Le Blanc termine son programme en 1895 et poursuit ses études religieuses au nouveau séminaire des eudistes à Halifax : le Holy Heart Seminary. Après trois ans dans cet établissement, il est ordonné prêtre à la cathédrale St Mary, au cours d’une cérémonie présidée par l’archevêque Cornelius O’Brien*.

Pendant les 14 prochaines années, Le Blanc demeurera dans l’archidiocèse de Halifax. D’abord vicaire dans la paroisse Stella Maris, à Meteghan (1898–1901), il est successivement curé des paroisses Saint-Jérôme, à West Caledonia (1901–1906), Saint-Vincent-de-Paul, à Salmon River (1906–1907), et Saint-Bernard, sa paroisse natale (1907–1912). À ce dernier endroit, il se distingue par son soutien au mouvement de tempérance et par son engagement dans la construction d’une nouvelle église en granit de style gothique (1910–1942). Il est aussi connu pour son amour des activités de plein air, telles la chasse et la pêche.

Le Blanc devient évêque du diocèse de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, en 1912. Les nationalistes acadiens réclamaient la nomination d’un Acadien dans la haute administration de l’Église catholique des Maritimes depuis déjà au moins deux décennies [V. sir Pierre-Amand Landry*]. La prudence semble toutefois avoir motivé les autorités ecclésiastiques dans leur choix. En effet, Le Blanc n’ayant pas participé, jusque-là, au mouvement national acadien, son élection était susceptible de rassurer le clergé irlandais, groupe dominant dans la hiérarchie ecclésiastique des Maritimes [V. Stanislas-Joseph Doucet*].

Les revendications nationales acadiennes interpellent cependant Le Blanc dès sa première année d’épiscopat. Déjà en 1908, par l’entremise d’une lettre d’Henri-P. Le Blanc, employé de chemin de fer, des militants acadiens de Moncton ont exprimé le souhait de soustraire la communauté franco-catholique de la paroisse Saint-Bernard, sous l’autorité de l’évêque de Saint-Jean, pour en créer une autre, qui serait entièrement francophone et desservie par un prêtre acadien. La hiérarchie ecclésiastique anglo-irlandaise du Nouveau-Brunswick et l’archevêque de Halifax, Mgr Edward Joseph McCarthy, contestent le projet. Mgr Le Blanc convoque la tenue d’une rencontre publique des paroissiens francophones de Saint-Bernard, sans la présence de leur curé, Edward Savage, aussi opposé à l’idée ; la réunion se déroule à l’église le 29 septembre 1913. Le vote qui suit accorde un appui quasi unanime à une telle création. Le 22 janvier 1914, Mgr Le Blanc donne son soutien à la volonté populaire, décrit la formule imposée pour séparer les avoirs entre les paroissiens et confirme la fondation de la paroisse L’Assomption. Les nationalistes acadiens – notamment des leaders de la succursale La Tour de la Société l’Assomption [V. Rémi Benoît*] – considèrent les actions de Mgr Le Blanc comme importantes, car elles établissent un précédent au sein de l’Église catholique des Maritimes : la reconnaissance du critère de la langue dans la conception des structures ecclésiastiques. Pendant le reste de son épiscopat, Mgr Le Blanc n’aura que très peu de contacts avec Mgr McCarthy sur la question de la représentation des francophones dans la hiérarchie catholique des Maritimes.

Les revendications nationalistes visent ensuite le diocèse de Chatham, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick. En 1917, le médecin Albert-Marie Sormany* et les curés francophones du diocèse de Chatham organisent une pétition pour demander aux autorités vaticanes qu’un évêque acadien dirige ce diocèse composé, selon le dernier recensement, d’environ 80 % d’Acadiens. Ils embauchent de plus un agent pour présenter leur requête. En 1920, la mort de l’évêque de Chatham, Mgr Thomas Francis Barry, fournit l’occasion à Mgr Le Blanc de les appuyer tout en respectant le protocole institutionnel. En février, Mgr Le Blanc écrit une lettre au cardinal Gaetano de Lai, où il soutient que les autorités ecclésiastiques des Maritimes « ne favorisent jamais la nomination d’un évêque français à moins d’y être forcé par le Saint-Siège ». Le mois suivant, il en adresse une autre au délégué apostolique du Canada et de Terre-Neuve, Mgr Pietro di Maria. Se présentant comme le « défenseur des Acadiens trop souvent ignorés et humiliés », il recommande fortement Patrice-Alexandre Chiasson. Puis, il entreprend un voyage à Rome pour expliquer en personne le bien-fondé de la requête des Acadiens. Les autorités vaticanes font rapidement savoir leur décision : Chiasson accède cette année-là à l’épiscopat du diocèse de Chatham.

Le Blanc bénéficie dorénavant d’un compatriote acadien au sein de la hiérarchie ecclésiastique des Maritimes. Ensemble, les deux évêques formulent une stratégie pour réaliser le projet si cher des nationalistes acadiens depuis les années 1880 : la création d’un archidiocèse avec titulaire acadien à Moncton. Celle-ci est présentée comme un excellent moyen de prévenir l’assimilation linguistique et religieuse. En 1933, leur proposition est soumise aux autorités romaines par l’intermédiaire du délégué apostolique du Canada et de Terre-Neuve, Mgr Andrea Cassulo.

Édouard-Alfred Le Blanc, premier évêque acadien, meurt à la suite d’une thrombose à Saint-Jean, le 17 février 1935, sans connaître le dénouement de cette requête qui mènera l’année suivante à la fondation de l’archidiocèse de Moncton, que dirigera Mgr Louis-Joseph-Arthur Melanson jusqu’en 1941. À titre d’évêque, Mgr Le Blanc a traduit son engagement dans les luttes pour la reconnaissance des droits de la communauté acadienne par des prises de position et des actions concrètes : son dévouement à réaliser les ambitions acadiennes au sein de l’Église catholique des Maritimes est en effet incontesté. L’université Laval à Québec lui a décerné un doctorat honorifique en théologie en 1912.

Phyllis E. LeBlanc

APNB, MC290 (fonds Diocèse catholique romain de Bathurst), F7668, 30 mars 1933 ; RS141C5, F18995, 17 févr. 1935.— Arch. du Centre acadien (Church Point, N.-É.), MG 1 ; MG 26.— Arch. of the Archdiocese of Halifax-Yarmouth (Halifax), J. M. McCarthy papers, vol. 1, no 9 (Mgr McCarthy, archevêque de Halifax, à Mgr Peregrine Stagni, délégué apostolique du Canada, 17 mai 1912) ; vol. 3, no 301 (lettre de Mgr Édouard Le Blanc et de Mgr Patrice Chiasson à Thomas O’Donnell, archevêque de Halifax, le 20 mars 1933).— Arch. of the Diocese of Saint John (Saint-Jean, N.-B.), Le Blanc papers.— NSA, « Arch. des actes de l’état civil de la N.-É. », Digby County, 1871 : www.novascotiagenealogy.com (consulté le 16 avril 2015).— Univ. de Moncton, Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (N.-B.), 1. 58-13 ; 24. 20.3 ; 25. 1-3, 25. 5-2A ; F2115, 2 juill. 1907.— L’Action catholique (Québec), 18 févr. 1935.— L’Évangéline (Weymouth, N.-É.), 30 juin 1892, 29 juin 1893, 20 juin 1901, 21 févr. 1935, 3 sept. 1936.— N. J. Boucher, « Acadian nationalism and the episcopacy of Msgr. Édouard-Alfred LeBlanc, bishop of Saint John, New Brunswick (1912–1935) : a Maritime chapter of Canadian ethno-religious history » (thèse de ph.d., Dalhousie Univ., Halifax, 1992).— P. P. Gaudet, « Arbre généalogique de Mgr Edouard LeBlanc, évêque de Saint-Jean, N.-B. [Premier évêque acadien] », BRH, 18 (1912) : 357–363.— LeBlanc, DBECC.— [Élie LeBlanc], Église Saint Bernard : commencée en 1910, complétée en 1942 ([Yarmouth, N.-É., 1942 ?]).— P. E. LeBlanc, « The Vatican and the Roman Catholic Church in Atlantic Canada : policies regarding ethnicity and language, 1878–1922 », dans Papal diplomacy in the modern age, P. C. Kent et J. F. Pollard, édit. (Westport, Conn., et Londres, 1994), 65–74.— Edward Savage, Thirty years in Moncton ([Moncton ?, 1934 ?]).— Séminaire du Saint Cœur de Marie : album préparé à l’occasion du cinquantenaire, 1895–1945 (Halifax, 1946).— M. S. Spigelman, « Race et Religion : les Acadiens et la hiérarchie catholique irlandaise du Nouveau-Brunswick », RHAF, 29 (1975–1976) : 69–85.— Léon Thériault, « l’Acadianisation de l’Église catholique en Acadie, 1763–1953 », dans les Acadiens des Maritimes : études thématiques, sous la dir. de Jean Daigle (Moncton, 1980), 293–369.

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Phyllis E. LeBlanc, « LE BLANC, ÉDOUARD-ALFRED (Edward A., Édouard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/le_blanc_edouard_alfred_16F.html.

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Auteur de l'article:    Phyllis E. LeBlanc
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2021
Année de la révision:    2021
Date de consultation:    3 déc. 2024