LEEDY, JOHN WHITNAH, soldat, commis, fermier, homme politique, avocat et organisateur politique, né le 8 mars 1849 à Bellville, Ohio, fils de Samuel Keith Leedy, fermier, et de Margaret Whitnah ; le 4 novembre 1875, il épousa dans le comté de Knox, Ohio, Sarah (Sadie) Jane Boyd (1851–1941), et ils eurent deux filles et un fils ; décédé le 24 mars 1935 à Edmonton.

John Whitnah Leedy reçut une éducation basée sur les principes stricts des Frères dans le Christ (aussi connus sous le nom de tunkers) [V. Johannes Wenger*]. Il était encore petit garçon quand il perdit son père. Conséquemment, il dut travailler à la ferme dans sa jeunesse pour aider à subvenir aux besoins de sa famille et ne reçut qu’une instruction extrêmement limitée. Il s’enrôla à l’âge de 14 ans comme simple soldat dans le 163rd Ohio Infantry Regiment de l’armée de l’Union et participa à la guerre de Sécession. Il obtint ensuite un poste de commis dans un magasin en Indiana, puis, autour de 1868, d’ouvrier agricole en Illinois. Au début des années 1880, il s’installa à Le Roy, au Kansas, où il exploita une ferme et un élevage de chevaux initialement prospères. Républicain devenu démocrate, il adhéra, au début des années 1890, au People’s Party of the United States of America (aussi nommé Populist Party), organisation radicale de fermiers. La perte de ses propriétés, à la suite d’un marasme économique, avait peut-être provoqué son changement d’allégeance. En 1892, il remporta un siège au Sénat du Kansas ; quatre ans plus tard, profitant d’une vague de mécontentement au sein de la communauté agricole, il fut élu gouverneur.

Pendant son mandat, de janvier 1897 à janvier 1899, le gouverneur Leedy prouva son populisme en échangeant son bureau contre celui de sa secrétaire, plus accessible. La promulgation d’une loi qui facilitait la fondation de petites banques régionales constitua sa plus grande source de fierté. Selon lui, ces institutions détenaient un avantage important contre leurs concurrentes de taille supérieure, car les employés des petites banques apprenaient à connaître leurs clients et pouvaient ainsi leur accorder des prêts en se fiant à leur caractère plutôt que simplement à leur profil de risque. Des années plus tard, Leedy déclarerait que cette loi avait sorti le Kansas de la pauvreté et en avait fait l’État le plus prospère de l’Union. Il essaya également, sans grand succès, de forcer les compagnies ferroviaires à cesser ce qu’il considérait comme un comportement monopolistique et à mieux servir le public. En outre, en réponse à la montée du patriotisme qui suivit le déclenchement de la guerre hispano-américaine en avril 1898, Leedy organisa quatre régiments d’État, dont l’un comprenait des soldats noirs. En novembre de la même année, il perdit l’élection pour le poste de gouverneur, principalement à cause de la chute libre du mouvement populiste. Son expérience en politique l’avait cependant profondément convaincu que le pouvoir des entreprises, y compris celui des grandes banques, était essentiellement responsable des difficultés financières du peuple.

Après sa défaite, Leedy pratiqua le droit et s’investit dans des activités minières. Il passa plusieurs années en Alaska, où il servit à titre de procureur de district et de maire de Valdez (1901–1903). En 1908, il partit en Alberta et s’installa sur une concession statutaire près de Whitecourt, minuscule colonie au nord-ouest d’Edmonton. Il obtint sa naturalisation comme sujet britannique et se joignit aux Fermiers unis de l’Alberta (FUA) en 1915, année de l’accession de James Speakman* à la présidence de l’organisation. Leedy, grâce à sa notoriété d’ex-gouverneur, eut la chance de s’exprimer devant le congrès annuel de 1916 des FUA au sujet du système de petites banques qu’il avait aidé à mettre sur pied au Kansas. Son discours fit sensation parmi les fermiers albertains, qui avaient un besoin urgent de prêts, et parut dans le périodique au vaste lectorat Grain GrowersGuide.

Cette année-là, la Non-Partisan League (NPL), parti socialiste agricole très influent dans le Dakota du Nord, fit son apparition en Alberta. La NPL, qui réclamait la nationalisation des banques, des services et des grandes industries, ainsi qu’une action politique indépendante de la part de la communauté agrarienne, attira immédiatement Leedy. Il participa à la fondation de l’aile albertaine et se présenta aux élections fédérales du 7 juin 1917 comme candidat à Gleichen, où, peu connu, il essuya une cuisante défaite. Nullement découragé, l’ex-populiste vieillissant brigua la circonscription albertaine de Victoria aux élections provinciales du 17 décembre ; il subit un revers encore plus accablant. Au congrès annuel des FUA de 1918, il fut élu troisième vice-président, rôle qu’il exécuterait consciencieusement, sans plus. Il appuya cette année-là une résolution du conseil d’administration qui approuvait la décision du gouvernement unioniste de sir Robert Laird Borden d’enrôler des fils de fermiers pour le service militaire pendant la Première Guerre mondiale, même si cela provoqua un ressentiment important parmi les militants de base des FUA.

L’intransigeance de Leedy se heurta à celle d’un autre Américain expatrié, Henry Wise Wood*, président des FUA devenu figure emblématique au sein de l’organisation. Une rupture définitive se produisit entre eux lorsque surgit la question de l’entrée en politique de l’organisation. Sachant que, aux États-Unis, la Farmers’ Alliance (organe comparable aux FUA) avait entraîné sa propre ruine en s’affiliant aux populistes, Wood insista pour que l’organisation n’appuie ni ne forme un parti politique traditionnel. Selon lui, les associations de district des FUA, composées de membres locaux de l’organisation, devaient plutôt nommer et financer leurs propres candidats, sans intervention des niveaux supérieurs. En revanche, Leedy croyait que les FUA devaient former un tiers parti ou en soutenir un, comme la NPL, et devaient peut-être se joindre au mouvement ouvrier, à l’instar des populistes. En raison de ce différend avec Wood, Leedy refusa de se présenter à l’élection du conseil d’administration en 1919 et à celle de la présidence l’année suivante.

Malgré tout, Leedy continua de travailler au sein des FUA pour instaurer une réforme de la politique monétaire. Au congrès de l’organisation de 1919, il débattit vivement des valeurs des banques canadiennes avec Vere Cecil Brown, directeur de la Banque canadienne de commerce de sir Byron Edmund Walker*. Leedy instigua également une résolution de congrès, approuvée par les délégués, qui réclamait l’établissement de petites banques régionales. Plus tard dans l’année, il écrivit Whats the matter with Canada ?, pamphlet qui démolissait le système bancaire du pays, et louangeait ceux du Kansas et de la Nouvelle-Zélande. À l’assemblée des FUA de 1921, il approuva une requête pour la nationalisation du régime bancaire et du système de crédit. À cette époque, néanmoins, Leedy se marginalisait progressivement au sein des FUA. Son antipathie à l’endroit de Wood l’amènerait, à l’âge de 77 ans, à briguer la circonscription d’Edmonton comme candidat indépendant aux élections provinciales de 1926. Le vieil homme arriva au dernier rang, très loin derrière ses adversaires. Sa dernière intervention publique notable eut lieu en 1934, quand il témoigna à titre de spécialiste du système bancaire devant un comité législatif des FUA, alors au pouvoir sous la direction de John Edward Brownlee*.

L’appréciation de la modeste influence de John Whitnah Leedy au Canada demeure difficile. Son rôle d’organisateur et de candidat de la NPL aida peut-être à éveiller chez les fermiers albertains le désir de l’action politique directe, qui finit par conduire les FUA dans l’arène électorale. De plus, ses critiques constantes des banques peuvent avoir contribué à répandre en milieu rural albertain une opinion publique générale selon laquelle la misère des fermiers provenait largement d’un système de crédit défavorable à leur égard. À son tour, ce consensus favorisa l’intérêt populaire pour un personnage charismatique aux idées monétaires bien différentes de celles de Leedy, William Aberhart*. Le Crédit social de ce dernier pulvérisa les FUA aux élections provinciales du 22 août 1935 grâce à ses discours de campagne où il martela la question des intérêts financiers et promit une solution de crédit radicale, que Leedy, ironiquement, avait condamnée dans l’Edmonton Journal deux semaines seulement avant sa mort, le 24 mars. « De sa propre vie de militantisme acharné, il ne mit presque rien de côté pour lui-même, remarqua le Winnipeg Free Press. Il mourut pauvre. » En apprenant l’agonie de Leedy et le dénuement de sa famille, l’Assemblée législative du Kansas vota une loi spéciale qui affecta 1 000 $ à l’enterrement de l’ancien gouverneur et à l’installation d’une plaque commémorative en bronze sur sa pierre tombale à Edmonton.

Bradford J. Rennie

John Whitnah Leedy est l’auteur de What’s the matter with Canada ? […] (Edmonton, [1919 ?]), accessible à : archive.org. Le message du gouverneur qu’il a délivré en 1897 se trouve sur le site Web de la Kans. State Library : « John Whitnah Leedy (1897–1899) » : kslib.info/915/John-Whitnah-Leedy-1897-1899 (consulté le 1er août 2018). Le discours qu’il a prononcé en 1916 au congrès annuel des Fermiers unis de l’Alberta, « Banks that serve the farmer […] », figure dans le Grain Growers’ Guide (Winnipeg), 8 mars 1916 : 7, 33–36. Un guide sur l’histoire de sa famille, « The Leedy family » : www.leedyfamily.com/index.htm (consulté le 1er août 2018), comporte la série complète numérisée du Leedy Chronicle (Ashland, Ohio), 1897–1927, dans lequel on parle souvent de lui, en particulier dans l’article S. C. Schenck, « A farmer governor : the new executive of Kansas an interesting character », Leedy Chronicle, 1 (juillet 1897–juillet 1899) : 6–7. La bibliographie présentée ci-après est sélective ; le DCB possède une liste complète des sources utilisées.

Alaska State Library, Hist. Coll. (Juneau), MS 238 (John W. Leedy papers and photographs, 1901–1941).— BAC, « Concessions des terres de l’Ouest canadien, 1870–1930 », John W Leedy : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/terres/concessions-terres-ouest-1870-1930/Pages/concessions-terres-ouest.aspx (consulté le 1er août 2018).— GA, Jack Ford fonds, dossiers M-7366-28 et M-7366-43 ; United Farmers of Alberta fonds, sér. 2, Micro/ufa, Official minutes of the UFA Executive and Board – 1913–1929 ; Official minutes and reports of the UFA annual conventions – 1910–1949.— Alberta Non-Partisan (Calgary), 29 mars 1918, 30 janv. 1919.— Calgary Herald, 25 mars 1935.— Edmonton Journal, 24 juin 1926, 8 mars 1935.— Grain Growers’ Guide (Winnipeg), 5 sept. 1917, 28 janv. 1920.— Winnipeg Free Press, 2 juill. 1936.— K. D. Bicha, « John W. Leedy : continental commoner », Alberta Hist. Rev. (Calgary), 22 (1974), no 3 : 13–23.— Kansas : a cyclopedia of state history, embracing events, institutions, industries, counties, cities, towns, prominent persons, etc., F. W. Blackmar, édit. (3 vol., Chicago, 1912), 2.— B. J. Rennie, The rise of agrarian democracy : the United Farmers and Farm Women of Alberta, 1909–1921 (Toronto, 2000).— Nelson Wiseman, « The American imprint on Alberta politics », Great Plains Quarterly (Lincoln, Nebr.), 31 (2011) : 39–53.

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Bradford J. Rennie, « LEEDY, JOHN WHITNAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/leedy_john_whitnah_16F.html.

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Auteur de l'article:    Bradford J. Rennie
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
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