Venu d’Écosse pour exploiter une terre en Amérique du Nord, John M’Alpine (1748–1827) fut pris dans une lutte entre les colonies du New Hampshire et de New York. Quand la guerre d’Indépendance américaine éclata, il perdit sa propriété et ses biens, fut plus tard capturé, puis, à sa libération, ne tarda pas à être de nouveau en conflit avec les rebelles. (Il décrivit ses aventures de manière saisissante dans une notice biographique.) Il s’installa à Liverpool, en Nouvelle-Écosse, où il souleva la controverse en tant qu’intendant adjoint du commerce maritime. Se consacrant à de nombreuses activités à Halifax, il se trouva encore mêlé à des litiges.

M’ALPINE (McAlpine), JOHN, fonctionnaire, arpenteur et homme d’affaires, né en 1748 dans les Highlands, Écosse, fils de Peter M’Alpine et d’une prénommée Christian ; il épousa d’abord une prénommée Jane, puis le 29 janvier 1784, à Liverpool, Nouvelle-Écosse, Rebecca Barss, née Gammon, ensuite vers le 4 décembre 1790 à Halifax Sarah Hills, née Caverly, et finalement le 25 février 1796 Sarah Walker à Wilmot, Nouvelle-Écosse ; deux enfants naquirent de chacun de ces mariages ; décédé le 26 mai 1827 à Halifax.

La carrière de John M’Alpine se déroula en trois étapes. Alors qu’il était colon dans la partie nord de la colonie de New York, il fut par deux fois victime d’un concours de circonstances : la rivalité entre les colonies du New Hampshire et de New York qui se disputaient la région qu’il habitait, et le conflit de loyauté suscité par l’avènement de la Révolution américaine. À l’âge de 35 ans, M’Alpine, qui habitait alors la Nouvelle-Écosse, fut pris dans la lutte entre les colons américains établis avant la révolution et les nouveaux venus loyalistes. Plus tard dans sa vie, il dut exercer mille métiers pour subvenir à ses besoins.

La première exploitation agricole de M’Alpine en Amérique du Nord était située sur une terre de 600 acres achetée d’un certain colonel Reid. À peine était-il arrivé, en 1773, qu’il fut chassé par les Green Mountain Boys, un groupe de miliciens qui revendiquaient les droits de la colonie du New Hampshire sur la région située à l’est du lac Champlain, dans ce qui deviendrait le Vermont. M’Alpine dut aller habiter une ferme plus petite, près de Crown Point, dans la colonie de New York. Quand la Révolution américaine éclata, il perdit sa ferme, sa maison et son cheptel, puis il se réfugia au fort Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) et à Chambly, dans la province de Québec. Après avoir pendant un certain temps approvisionné en bétail l’expédition de 1777 de John Burgoyne* en territoire américain, M’Alpine fut capturé par des soldats américains près du fort Ticonderoga. Une fois remis en liberté, il fut envoyé à Long Island, dans l’État de New York, où il ne tarda pas à se trouver de nouveau en conflit avec les Américains : en 1779, à Lloyd Neck (Lloyd Harbor), des rebelles du Connecticut s’étaient emparés du bateau et des meubles de M’Alpine, ainsi que d’un Africain réduit en esclavage qu’il décrivait comme un « travailleur manuel exceptionnel » et dont la valeur était supérieure à cent guinées d’or. M’Alpine retourna en Écosse plus tard cette année-là.

L’année suivante, M’Alpine publia une notice biographique dans laquelle il racontait avec force détails et de façon vivante les aventures qu’il avait vécues de 1773 à 1779. S’il laissait libre cours à sa colère lorsqu’il parlait des Américains en les traitant de rebelles et de pilleurs, il ne ménageait pas non plus les Britanniques pour la façon dont ils avaient mené la guerre. Il était d’avis que ces derniers avaient mis « une trop grande confiance [...] dans des hommes qui [avaient] trompé ou trahi [le] peuple, tandis que [les] chefs militaires s’ [étaient] méfiés de leurs loyaux partisans et de leurs véritables amis et les [avaient] méprisés ».

C’est un M’Alpine mécontent qui arriva en Nouvelle-Écosse en 1783 et qui s’installa à Shelburne, dans un milieu de colons loyalistes. Mais il eut tôt fait d’aller vivre à Liverpool, localité mieux organisée. Le 11 février 1785, les commissaires chargés d’examiner les réclamations des loyalistes recueillirent la déposition de M’Alpine. Celui-ci leur raconta son histoire et réclama £5 000 pour les pertes qu’il avait subies. Les commissaires jugèrent sa demande de compensation injustifiée et la qualifièrent de « fort inexacte » et de « frauduleuse ». Ils ajoutèrent même que c’était « ainsi qu’elle [devait] être rapportée aux lords de la Trésorerie ». Cependant, le 28 novembre 1786, Simeon Perkins* notait dans son journal que le capitaine M’Alpine était « gratifié d’un montant annuel de £70 sur une liste militaire, pour services rendus pendant la récente guerre ». Il faisait aussi la remarque suivante : « Trois ans de solde [lui] seront dus le 24 du mois prochain. » On ne connaît ni la raison qui valut à M’Alpine cette commission de capitaine, ni les véritables motifs du changement d’attitude des autorités.

À Liverpool, M’Alpine gagna sa vie en tenant une maison de divertissements, en exploitant un service de traversier, en transportant du ravitaillement, en réparant des routes et en remplissant les fonctions de sous-inspecteur des forêts du roi. Au début, grâce à sa situation et à ses liens avec la famille Barss, qui jouissait du respect de la population, M’Alpine entretint de bons rapports avec les habitants de la ville. Puis, en juillet 1789, il fut nommé intendant adjoint du commerce maritime dans le comté de Queens et chargé de veiller à ce que les pêcheurs de Liverpool détiennent les permis exigés. En tentant de s’acquitter de ses responsabilités, M’Alpine s’aliéna les colons de Liverpool. En moins de deux mois, deux vaisseaux de la marine quittèrent Halifax avec mission de fouiller tous les bâtiments qui se trouvaient dans le port de Liverpool. Les citoyens de l’endroit réclamèrent à maintes reprises la destitution de M’Alpine, mais sans succès.

Un des voisins de M’Alpine, Elkanah Freeman, qui était un vieux colon de Liverpool, tenta de faire pression sur lui en élevant une clôture qui l’isolait de la rue. Par deux fois au moins, une foule en colère s’en prit à la demeure de M’Alpine. Hannah Barss, l’aînée de ses belles-filles, âgée de 17 ans, fut accusée en outre d’avoir enlevé les pieux de la clôture de Freeman, mais elle fut relâchée sous caution en attendant de comparaître devant le tribunal du comté. En avril 1790, la jeune fille fut lavée de toute accusation, mais M’Alpine, comme d’autres intendants adjoints du commerce maritime à travers la province, fut destitué. Par cette mesure, le gouvernement essayait d’apaiser l’hostilité générale que soulevait le travail de ces fonctionnaires. La mort de la femme de M’Alpine en mai vint rompre le dernier lien qui le retenait à Liverpool ; en décembre, il avait déjà quitté cette ville pour se fixer à Halifax. Quand sa propriété fut mise aux enchères, Freeman s’en porta acquéreur pour la modique somme de £28.

Lorsque M’Alpine quitta Liverpool, son seul revenu était la pension qu’il touchait du gouvernement. Au cours de ses premières années à Halifax, il dut chercher des expédients pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il exerça donc de nombreux métiers : vendeur de chevaux et de pommes de terre, travailleur de la voirie, transporteur d’approvisionnements, d’argent et de passagers, conducteur de bestiaux, boucher et entrepreneur de pompes funèbres. En 1792 et 1795, il fut tenu pour responsable dans cinq causes de voies de fait et fut cité comme témoin principal dans une autre affaire d’agression. Il fit au moins un séjour en prison et il ne fut libéré qu’après qu’on eut payé l’amende qui lui avait été imposée.

Dès 1797, John M’Alpine avait construit l’Edward’s Valley Inn qui dominait le bassin de Bedford, près de Halifax. Cette auberge était très fréquentée à l’époque où le prince Edward* Augustus habitait Halifax, ainsi que pendant toute la période des guerres napoléoniennes. Une partie de cette propriété fut occupée par les militaires après l’incident entre le Leopard et le Chesapeake en 1807 [V. sir George Cranfield Berkeley*]. En outre, un blockhaus pentagonal, le fort McAlpine, y fut construit afin de protéger les voies d’accès au nord de Halifax contre une attaque des Américains. Après la guerre de 1812, M’Alpine reprit possession de ses terres. En 1819, un incendie rasa sa maison et, pendant la reconstruction, il vécut dans son auberge. Durant les années 1820, il loua son hôtellerie à des personnes qui en assurèrent l’exploitation. Dans les dernières années de sa vie, il mena une existence tranquille et travailla comme inspecteur des routes de la région. À sa mort, on parla de lui comme d’« un vieux citoyen respectable ».

Terrence M. Punch

John M’Alpine est l’auteur de : Genuine narratives, and concise memoirs of some of the most interesting exploits & singular adventures, of J. McAlpine [...] (Greenock, Écosse, 1780 ; réimpr., 1883 ; 2e éd., s.l., 1788).

PANS, Places, Great Britain, half-pay officers, 18071813 (mfm) ; RG 1, 225, doc. 69 ; RG 34–312, P, 7.— Perkins, Diary, 1780–89 (Harvey et Fergusson) ; 1790–96 (Fergusson).— Acadian Recorder, 13 oct. 1821.— Halifax Journal, 16 sept. 1811, 22 févr. 1819.— Novascotian, or Colonial Herald, 7 juin 1837.— Royal Gazette and the Nova-Scotia Advertiser, 26 mars 1793, 19 juill. 1796, 15 mai 1798.— Weekly Chronicle, 19 nov. 1791, 10 oct. 1795.— T. M. Punch, « Loyalists are stuffy, eh ? », N.S. Hist. Quarterly (Halifax), 8 (1978) : 319–343.

Bibliographie de la version modifiée :
FamilySearch, « Canada, Nova Scotia marriages, 1711–1909 », John McAlpine et Sarah Walker, Wilmot, 25 févr. 1796 : www.familysearch.org/ark:/61903/1:1:XL5K-18J (consulté le 13 févr. 2024).— N.S. Arch., « Nova Scotia births, marriages, and deaths », John McAlpine et Sarah Hills, Halifax County, marriage bond, 4 déc. 1790 : archives.novascotia.ca/vital-statistics/marriage/?ID=817 (consulté le 13 févr. 2024).

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Terrence M. Punch, « M’ALPINE (McAlpine), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/m_alpine_john_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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Date de consultation:    11 nov. 2024