MACKENZIE, ISABEL GRACE (King), mère d’homme politique, née le 6 février 1843 à New York, treizième enfant de William Lyon Mackenzie* et d’Isabel Baxter ; le 12 décembre 1872, elle épousa à Toronto John King (décédé le 30 août 1916), et ils eurent deux filles et deux fils ; décédée le 18 décembre 1917 à Ottawa.

Jugée d’après ses propres réalisations, Isabel Grace Mackenzie sombrerait dans l’oubli. En tant que fille d’un homme extraordinaire et mère d’un homme éminent, elle mérite l’intérêt. William Lyon Mackenzie avait été le principal instigateur de la rébellion de 1837–1838 dans le Haut-Canada. Isabel Grace avait une attitude ambivalente par rapport à cet héritage. Elle s’enorgueillissait d’être la fille de Mackenzie : sa vie prenait de ce fait une importance qu’elle n’aurait pas eue autrement. Elle donnerait le nom de son père à son fils aîné et tiendrait toujours à ce que les activités de son père soient rapportées fidèlement. (Son mari publierait un petit volume en 1886 dans ce but.)

Cependant, Mackenzie n’était pas plus un soutien de famille sûr qu’il n’avait été un rebelle victorieux. Isabel Grace ne connut pas les lendemains de la rébellion (elle naquit en 1843 à New York, où son père s’était réfugié), mais les années subséquentes de la vie familiale, marquées tour à tour par des périodes d’abondance et de privations et par la mort de 6 de ses 12 frères et sœurs, engendrèrent en elle un mal-être permanent. Elle rechercha la sécurité et l’avancement avec une passion qui fit ressortir certains des traits les moins attachants de sa personnalité. Le contexte social l’empêchant de se créer elle-même une situation, elle dut s’en remettre aux hommes de sa vie.

Isabel Grace avait sept ans lorsque, en 1850, les Mackenzie retournèrent à Toronto, où elle fréquenta l’école des Sisters of Loretto. Après la mort de son père en 1861, elle-même, sa mère et ses sœurs tinrent une école pendant un certain temps. Son mariage en 1872 avec un avocat plein de promesses et de belle prestance, John King, et leur installation dans une maison de Berlin (Kitchener, Ontario) parurent d’abord combler son besoin de mener grand train. Vive, jolie, portée sur les beaux vêtements et les bijoux, elle était bonne hôtesse, œuvrait à l’église presbytérienne St Andrew, participait aux cercles locaux de musique et encourageait John à développer les capacités intellectuelles de leurs enfants. Ses espoirs se mirent à fondre lorsqu’elle vit que John ne se distinguait pas dans sa carrière d’avocat et ne connaissait pas la réussite, mais tous deux purent envoyer leurs fils, William Lyon Mackenzie* et Dougall Macdougall (Max), à l’université et marier leur fille Janet Lindsey (Jennie) à un bon parti. Quand même, la vie n’était pas facile. Leur fille aînée, Isabel Christina Grace (Bella), ne fut jamais en bonne santé ; elle mourrait en 1915. À compter de 1886, les King habitèrent dans une maison louée, Woodside, près de Berlin. En 1893, ils s’installèrent à Toronto, où John avait accepté un poste de maître de conférences à l’Osgoode Hall. Cependant, il ne faisait pas de percée dans sa pratique privée, si bien que, parvenue à l’âge mûr, Isabel Grace connaissait les difficultés financières, les fréquents déplacements et les déceptions qui avaient marqué son enfance. Elle reporta ses craintes et ses espoirs sur son fils aîné, William Lyon Mackenzie.

Selon la correspondance familiale, il est évident qu’Isabel Grace King craignait constamment de découvrir chez William Lyon Mackenzie deux traits de caractère qui avaient mené son propre père à la ruine : l’imprudence et l’indifférence à l’égard de son avancement. En même temps, elle espérait que le jeune homme, qui manifestait bon nombre des qualités de son grand-père, sauverait la famille. Elle tentait de le guider à chacune des étapes de sa vie avec des mots tendres, certes, mais où s’exprimait sans équivoque le souhait de le voir emprunter une voie où il pourrait tirer parti du favoritisme et leur apporter à tous la sécurité financière. Ces pressions ne se faisaient pas sentir uniquement pour ce qui était du choix de carrière. En 1892–1893, un béguin d’adolescent provoqua une crise familiale qui devint épique lorsque William Lyon Mackenzie parut décidé à faire un mariage peu judicieux. En 1895, Mme King exprima sa déception parce qu’il ne se joignait pas au cabinet d’avocat de son père. Elle fut d’abord troublée par sa décision d’entrer en politique (il fut élu pour la première fois en 1908), tout comme elle avait été malheureuse de voir son mari s’intéresser à ce domaine. Mais en même temps, quelqu’un dans la famille semblait devoir prendre la succession de Mackenzie. Accompagner son fils à des manifestations officielles emplissait Mme King de fierté et d’excitation ; elle le couvrait d’éloges quand il fréquentait de grands personnages. Elle s’était installée à Ottawa avec William Lyon Mackenzie à la fin de 1916 mais, hélas, elle mourut pendant qu’il faisait campagne pour reconquérir un siège aux Communes et ne le vit pas devenir premier ministre du Canada. Elle fut inhumée dans le lot familial au cimetière Mount Pleasant de Toronto.

La vision que l’on a d’Isabel Grace King provient en grande partie de l’image idéalisée que créa William Lyon Mackenzie King. Il était ce qu’elle avait fait de lui, et il reconnaissait son apport. Il avait placé bien en vue, dans son bureau, le portrait que John Wycliffe Lowes Forster* avait fait d’elle. L’image sans défaut que l’on trouve dans les papiers et les journaux personnels de Mackenzie King a été reprise par ses biographes, de sorte qu’il est devenu nécessaire de mettre les choses au point. Ce n’est pas déprécier Isabel Grace King que de suggérer qu’elle était une femme comme bien d’autres. Malgré des conditions difficiles, elle éleva une famille et lança l’un de ses fils dans une belle carrière, ce qui est peu négligeable. Si, en cours de route, elle fut parfois amère, vaine, égocentrique, il faut surtout retenir sa puissante influence sur la personnalité de son fils aîné.

À l’instar de tant de filles, d’épouses et de mères qui ont vécu avant et après elle, Isabel Grace Mackenzie King a survécu dans les mémoires uniquement parce qu’elle avait été dans l’ombre de gens illustres. L’épitaphe de ces femmes est sans éclat, mais ne doit pas inspirer le mépris.

J. E. Esberey

La collection de documents et de correspondance de famille conservée dans les papiers W. L. Mackenzie King* aux AN, MG 26, 1, constitue la principale source d’archives sur Isabel Mackenzie King. On trouve aussi d’autres détails sur la famille Mackenzie dans les papiers Mackenzie-Lindsey aux AO, F 37. Ce sont surtout ces documents qui ont servi à la préparation d’études, notamment R. MacG. Dawson et H. B. Neatby, William Lyon Mackenzie King : a political biography (3 vol., Toronto, 1958–1976), J. E. Esberey, Knight of the Holy Spirit : a study of William Lyon Mackenzie King (Toronto, 1980), et M. W. Nicolson, Woodside and the Victorian family of John King ([Ottawa], 1984).

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J. E. Esberey, « MACKENZIE, ISABEL GRACE (King) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mackenzie_isabel_grace_14F.html.

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Auteur de l'article:    J. E. Esberey
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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