MONTGOMERY, DONALD, éducateur et homme politique, né le 3 mai 1848 à Valleyfield, Île-du-Prince-Édouard, fils de Malcolm Montgomery et de Christine MacDonald, décédé le 14 mai 1890 à Charlottetown.

Dernier enfant d’un fermier qui avait émigré d’Écosse en 1840, Donald Montgomery fit ses premières études dans la communauté écossaise et presbytérienne de Valleyfield, comté de Queens, dans laquelle l’on parlait surtout le gaélique. En 1865 et 1866, il enseigna dans des écoles rurales du sud du comté de Kings, puis entra au Prince of Wales College de Charlottetown pour au moins une année d’études, pendant laquelle il remporta plusieurs prix et arriva premier de sa classe. À un certain moment avant le milieu de 1868, il fréquenta aussi la Normal School de la colonie, et, au début des années 1870, il était directeur de l’école secondaire de Harrington, près de Charlottetown.

Le 25 août 1874, Montgomery fut nommé directeur de la Normal School and Model School, au salaire annuel de $650. Il ne tarda pas à réorganiser l’établissement, qui était devenu plus ou moins une école secondaire pour les élèves de Charlottetown, et il essaya de faire en sorte que son principal objectif redevînt la formation des instituteurs. Montgomery avait un assistant à la Normal School et il en eut un ou deux, à certains moments, à la section de la Model School. Le rôle de la religion dans le système scolaire public constituait une question située au cœur de la vie politique de l’Île-du-Prince-Édouard à cette époque et, en avril 1876, Montgomery affirma devant un comité parlementaire d’enquête sur l’éducation que son établissement était entièrement laïque dans la pratique et qu’il était organisé sur le modèle de l’Albany Normal School de l’état de New York. Le comité, dont Montgomery avait recommandé plus tôt la création, rapporta que l’école normale de ce dernier, bien qu’étant une excellente école de niveau secondaire, ne fournissait pas encore une formation professionnelle uniforme pour les instituteurs de l’île. On ne pouvait en imputer la faute à Montgomery, car ceux qui désiraient obtenir un brevet d’enseignement n’étaient pas tenus de fréquenter la Normal School et, en fait, les dispositions de la loi de 1868 sur l’éducation les incitaient peu à le faire. Le travail de Montgomery avait déjà été loué par la presse locale et par William McPhail*, consciencieux inspecteur d’écoles du comté de Queens.

En septembre 1876, le gouvernement de Louis Henry Davies* arriva au pouvoir après avoir promis d’établir un système scolaire entièrement non confessionnel. Même si Montgomery semblait approuver le dynamisme réformateur du Public Schools Act adopté par le nouveau gouvernement en 1877, il fut congédié en juillet de cette année-là. L’explication la plus vraisemblable est que le gouvernement voulait donner à la Normal School un caractère beaucoup plus professionnel et qu’il croyait que Montgomery ne possédait pas la compétence nécessaire pour en occuper le poste de directeur. Des rumeurs circulèrent voulant qu’on lui ait peut-être fait une autre offre, mais peu après son renvoi il quitta l’île pour s’inscrire à l’école de droit rattachée au McGill College. Il n’avait jamais complètement abandonné ses études ; en effet, pendant la première année où il dirigea la Normal School, il prit des cours de latin et de grec au Prince of Wales College.

Le gouvernement de coalition de Davies se désintégra rapidement, et Montgomery, qui était retourné à l’île à l’été de 1878, remporta une élection complémentaire au mois de septembre suivant dans la circonscription de Belfast, qui comprenait son district natal. Il fut réélu aux élections générales du 9 avril 1879 et, bien qu’orangiste, il appuya pendant les deux sessions de l’Assemblée cette année-là les conservateurs dirigés par le catholique William Wilfred Sullivan*. Même s’il était, « par nature, remarquablement tranquille, réservé et peu communicatif », il s’imposa immédiatement comme un redoutable orateur qui brillait dans les débats. Le 25 septembre, le gouvernement de Sullivan le nomma, à l’âge de 31 ans, surintendant en chef de l’Éducation (au salaire de $1 200), ce qui l’obligea à quitter son siège à l’Assemblée. Pendant les audiences tenues par le comité d’enquête en 1876, Montgomery avait recommandé la création d’un tel poste, que Davies institua l’année suivante. En tant que surintendant en chef, il devait faire appliquer le Public Schools Act de 1877, préparer des rapports annuels, suggérer des améliorations au système scolaire et, sous la direction du bureau d’Éducation, composé des membres du cabinet, du principal du Prince of Wales College et de lui-même, surveiller en général l’éducation subventionnée à même les fonds publics.

De tous les documents qui subsistent, il ressort que Montgomery constitua un excellent choix pour le poste de surintendant en chef, malgré les critiques des milieux politiques auxquelles on pouvait s’attendre au moment de sa nomination. Il possédait un bon jugement, des dons remarquables d’administrateur et une grande énergie. Il entreprit aussitôt de classer toutes les écoles de l’île en trois groupes, selon le niveau du travail réalisé dans chacune d’elles. Au début des années 1880, il mit aussi sur pied un programme uniforme d’études pour chaque classe ; le 24 janvier 1883, il écrivit : « Je considère son adoption comme la mesure la plus importante prise jusqu’ici dans l’administration de notre système scolaire public. » Ayant commencé à enseigner à l’échelon le plus bas et ayant acquis de l’expérience à tous les niveaux d’enseignement dans la province, Montgomery laissait peu de choses lui échapper. Il favorisa l’amélioration des locaux, des fournitures, de l’aspect ainsi que des abords des écoles, et, pendant qu’il exerça ses fonctions, le problème des écoles vacantes disparut en pratique. Une de ses préoccupations constantes était de « donner à l’instituteur une plus haute idée de son métier », et, à cette fin, il mit tout le poids de son poste pour amener la fondation du « Provincial Educational Institute », sorte de congrès tenu tous les ans en octobre pour les instituteurs qui bénéficiaient alors de deux jours de congé. Montgomery fut le premier président de l’institut et selon toute apparence c’est lui qui invita des professeurs du Prince of Wales College et d’autres instituteurs éminents à y faire des exposés. L’institut tint lieu d’association volontaire des enseignants et il semble que Montgomery songeait à un tel mouvement depuis plusieurs années : en effet, en 1875, William McPhail et lui-même avaient organisé la Queens County Teachers Association dont l’existence fut éphémère. Cependant, Montgomery ne connut pas le succès dans toutes ses entreprises : la moyenne de l’assiduité scolaire quotidienne, calculée en pourcentage par rapport au nombre des inscriptions, demeurait, à son avis, beaucoup trop basse (bien que certainement comparable à celle de la plupart des provinces) ; sa proposition d’engager au Prince of Wales College un professeur acadien qui se serait spécialisé dans la formation des instituteurs francophones ne reçut pas de suite de la part du gouvernement, et il semble qu’il ait été frustré dans son désir d’établir un programme d’études « plus pratique ».

Même s’il n’était pas un homme communicatif, Montgomery manifesta un intérêt personnel et évident pour le fonctionnement et les résultats du système d’enseignement. Il tenta de faire en sorte que les élèves originaires des régions rurales fréquentant le Prince of Wales College et la Normal School (fusionnés en 1879) se sentissent les bienvenus dans la capitale ; il parraina personnellement un prix de français au collège et encouragea les élèves et anciens instituteurs qui poursuivaient leurs études ailleurs ; on imagine aisément qu’il accorda une attention particulière à ceux qui étaient d’ascendance écossaise et venaient de la même région de l’île que lui. Il inspectait lui-même les écoles des niveaux plus élevés, mais, dans ses dernières années, il confiait parfois la tâche à de jeunes diplômés universitaires qu’il connaissait bien. De plus, il joua un rôle de premier plan dans la vie intellectuelle de Charlottetown en organisant la Natural History Society et en participant activement au Shakespeare Club.

Montgomery, dont le cœur s’était affaibli après qu’il eut reçu un vaccin contre la variole à la fin de 1885, mourut en 1890, à l’âge de 42 ans. Il laissait dans le deuil sa femme, Mary Isabella McPhail (fille de l’ancien inspecteur d’écoles) qu’il avait épousée le 10 août 1887 ; le couple n’avait pas eu d’enfants. Dans une notice nécrologique, l’Examiner de Charlottetown rapporta des rumeurs selon lesquelles Montgomery « avait entretenu un certain temps des doutes concernant la divinité de Notre-Seigneur [...] doutes [...] dissipés depuis longtemps ». Le beau-père de Montgomery, dans une lettre à sa famille, raconta : « M. Montgomery était « satisfait » de quitter cette vie. Je dis satisfait parce que c’[est] le mot qu’il a utilisé. »

Donald Montgomery, en sa qualité de directeur de la Normal School et particulièrement de surintendant en chef de l’Éducation, appartenait à un groupe d’origine écossaise et de religion protestante qui exerça son hégémonie sur le système d’enseignement de l’Île-du-Prince-Édouard et il fut l’une des premières grandes figures de cette tradition à avoir vu le jour dans le Nouveau Monde. Il joua peut-être à lui seul le rôle le plus important dans la mise en œuvre intelligente de la solide législation scolaire de 1877. À sa mort, l’île possédait un excellent système d’enseignement pour une province rurale de cette époque, source de fierté dans les années difficiles qui suivirent la Confédération. Ses relations politiques antérieures furent évidemment considérées comme n’ayant rien à voir avec la carrière qu’il poursuivit dans le domaine de l’éducation, et la presse donna libre cours à l’opinion que, à cause de ses qualités exceptionnelles d’administrateur, il avait été exactement l’homme de l’emploi et avait établi une norme selon laquelle les réalisations de ses successeurs seraient jugées.

Ian Ross Robertson

On trouve les rapports annuels que Donald Montgomery a écrits à titre de surintendant en chef de l’Éducation dans : Î.-P.-É., Legislative Council, Journal, 1880, app.7 ; House of Assembly, Journal, 1881, app.C ; 1882, app.D ; 1883, app.B ; 1884, app.B ; 1885, app.F ; 1886, app.A ; 1887, app.A ; 1888, app.A ; 1889, app.A ; 1890, app.C. Ses rapports au bureau d’Éducation à titre de directeur de la Normal School ne furent pas publiés, mais on doit consulter les Reports of the visitors of schools, for the three counties of Prince Edward Island (Charlottetown), pour l’année 1874 (particulièrement la p.36) et pour 1875 (pp.6s.), ainsi que le Report of the parliamentary committee appointed to investigate and report upon the manner in which the education law has been and is being carried on in the public educational establishments of this Island (Charlottetown, [1876]), 4, 15, 19s., 22, publié aussi dans Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1876, app.AA. Au sujet de sa brève carrière à l’Assemblée, V. Î.-P.-É., House of Assembly, Debates and proc., 1879.  [i. r. r.]

Arch. privées, Mme Dorothy Lindsay (Montréal), Andrew Macphail papers ; Lindsay-Macphail scrapbook I. Les premiers contiennent des documents intéressants pour la rédaction de cette biographie : lettres de J. H. Good à Macphail, 20 avril 1884 ; de Montgomery à Macphail, 3 nov., 15 déc. 1883, 5 mars 1886 ; de William McPhail à Andrew Macphail, 17 mai 1890 ; un album de découpures « Music and drama » et un court article, non daté (probablement 1888), sur Montgomery. Quant au Lindsay-Macphail scrapbook I, il renferme une lettre qui nous fut utile : Andrew Macphail à Catherine McPhail, 29 sept. 1884.— PAPEI, Natural Hist. Soc. for P.E.I., Letters ; Minute book : 1–19 ; RG 5, Minutes, 25 août 1874, 30 sept., 24 nov., 22 déc. 1876, 25 sept. 1879 ; RG 16, Land registry records, Conveyance registers, liber 16 : f.96 ; liber 26 : f.784.— Supreme Court of Prince Edward Island (Charlottetown), Estates division, liber 12 : f.415 (testament de Donald Montgomery, 10 mai 1890) (mfm aux PAPEI).— Educational Rev. (Saint-Jean, N.-B.), 1 (1887–1888).— Grand Orange Lodge of Prince Edward Island, Annual report, 1879 : 6, 17, 22 (copie en la possession de la Grand Orange Lodge of P.E.I. (Charlottetown).— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1868, app.BB ; 1875, app.CC ; 1881, app.C : 34 ; 1891, app.A : xxii, 72 ; Legislative Council, Journal, 1866, app.13 : 284 ; 1867, app.6a, mandats nos 481, 1 802 ; app.7 ; 1880, app.7 : 23.— Daily Patriot (Charlottetown), 15 mai 1890.— Examiner (Charlottetown), 7 déc. 1874, 28 juin 1875, 24 avril, 25 déc. 1876, 30 juin, 11 juill., 17 déc. 1877, 18 avril, 1er mai, 8 juin, 25 juill., 19, 20, 26 sept. 1878, 29 sept., 3 oct. 1879, 10 août 1887, 15, 16 mai 1890.— Herald (Charlottetown), 13 févr., 11 sept., 9 oct. 1889.— Island Argus (Charlottetown), 13 avril, 28 déc. 1875.— Island Farmer (Summerside, Î.-P.-É.), 8, 15, 22 mai 1890.— Island Guardian and Christian Chronicle (Charlottetown), 16 mai 1890.— Patriot (Charlottetown), 12 juill. 1877, 13, 19, 21, 28 sept. 1878, 13, 27 sept., 2 oct. 1879.— Pioneer (Alberton, Î.-P.-É. ; Montague, Î.-P.-É.), 11 juill. 1877, 6 mars 1878, 1er oct 1879, 5 mars 1880.— Prince Edward Island Agriculturist (Summerside), 19 mai 1890.— Summerside Journal and Western Pioneer, 22 mai 1890.— A. [J.] Leard, « The historical development of the Prince Edward Island Teachers’ Federation to 1969 » (thèse de m.ed., Univ. of New Brunswick, Fredericton, 1971), 26s.— M. O. McKenna, « The impact of cultural forces on commitment to education in the province of Prince Edward Island » (thèse de ph.d., Boston College, Chestnut Hill, Mass., 1964), 171s., 263.— Robertson, « Religion, politics, and education in P.E.I. », c.9–11 ; épilogue ; « Sir Andrew Macphail as a social critic » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1974), 22, 29.— S. N. Robertson, « The public school system », Past and present of P.E.I. (MacKinnon et Warburton), 381a–389a.

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Ian Ross Robertson, « MONTGOMERY, DONALD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/montgomery_donald_11F.html.

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Auteur de l'article:    Ian Ross Robertson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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