MORTIMER, JOHN T., ouvrier tailleur et dirigeant syndical, né en Écosse, fils de James Mortimer ; le 2 septembre 1901, il épousa Lena Cameron, et ils eurent plusieurs enfants ; mort par noyade le 26 novembre 1908 près d’Emerson, Manitoba.

On ne sait rien de la vie de John T. Mortimer avant septembre 1896, moment où il commença à se faire remarquer dans le mouvement ouvrier de Winnipeg en aidant à rebâtir la section locale 70 du Journeymen Tailors’ Union of America, affilié à l’American Federation of Labor. Ce syndicat local des tailleurs de Winnipeg, fondé en 1892 après deux vaines tentatives, s’était mis en grève en février 1893 quand les marchands tailleurs – propriétaires de boutiques de vêtements sur mesure pour hommes – avaient cherché à faire réduire les salaires pour la confection de complets de moins bonne qualité. Trois mois plus tard, les propriétaires et les briseurs de grève du centre du pays lui avaient infligé une cuisante défaite et, depuis lors, le syndicat local était à la dérive.

Élu président de la section locale 70 en 1897, Mortimer chercha avec énergie à persuader le conseil municipal d’imposer, dans ses contrats de fourniture de vêtements, des clauses exigeant l’étiquette syndicale, et prit la direction d’autres mouvements de protestation contre les ateliers où l’on exploitait la main-d’œuvre. Il intervint en faveur de couturières lors d’une grève qui, en 1899, mena à la création de l’un des premiers syndicats de femmes salariées de l’Ouest, et fit pression pour l’adoption de lois améliorant les conditions de travail. Il préconisa aussi l’établissement de liens entre le mouvement ouvrier et les producteurs agricoles.

En 1899–1900, Mortimer assuma la présidence du Trades and Labour Council de Winnipeg. Il représenta celui-ci à deux assemblées du Congrès des métiers et du travail du Canada ; il fut également vice-président du comité du Manitoba de cet organisme national. Mortimer agit en qualité de représentant du candidat Arthur W. Puttee* qui, élu dans la circonscription de Winnipeg à l’élection partielle du 25 janvier 1900, devenait le premier député ouvrier indépendant du Canada. Son amitié pour Puttee, qui, l’année suivante, fut témoin à son mariage le jour de la Fête du travail, marqua les années qu’il passa à Winnipeg. Malgré les différends idéologiques que les deux hommes connurent par la suite, Puttee eut toujours pour « l’impossible » tailleur la plus grande estime.

Au printemps de 1900, Mortimer travaillait dans un atelier établi par un membre fondateur de la section locale 70 qui était resté favorable au Journeymen Tailors’ Union of America. Il était lui-même bien vu dans les milieux syndicaux et politiques ouvriers de Winnipeg, et sa situation financière était suffisamment bonne, semble-t-il, pour qu’il envisage un voyage dans son Écosse natale. Toutefois, les circonstances changèrent radicalement en mai, avec le déclenchement de la grève du Journeymen Tailors’ Union of America, qui souhaitait déterminer la répartition des tâches, faire accepter la majoration pour heures supplémentaires et empêcher le travail à domicile. Pendant cette grève qui se solderait par un échec en septembre, Mortimer fut insulté dans les quotidiens, congédié par son employeur et secrètement interdit de travail à Winnipeg. Sa réputation de militant ouvrier semble l’avoir précédé, car on lui défendit de travailler dans au moins un autre centre industriel après son départ vers l’Ouest. Ayant épuisé la plupart de ses économies, il dut pendant une courte période s’essayer à l’agriculture.

Mortimer vécut à Vancouver de 1902 environ à 1906. Candidat socialiste défait dans la circonscription provinciale de Vancouver City aux élections générales de 1903, il adhéra l’année suivante au nouveau Parti socialiste du Canada. Aux élections fédérales de 1904, il obtint 741 voix dans Vancouver City, se classant derrière le libéral Robert George Macpherson (2 938 voix) et le conservateur R. B. Ellis (2 080 voix). Actif tant au Parti socialiste qu’à la section locale 178 du Journeymen Tailors’ Union of America, Mortimer organisa la résistance contre les candidats plus modérés, dont Christopher Foley, du Provincial Progressive Party. Il s’opposa également aux interventions de l’État qui, selon lui, avantageaient certaines classes lors des conflits de travail et à ceux qui, disait-il dans ses moments sombres, avaient causé le « lamentable échec » du syndicalisme en en réservant les bénéfices à des « sections favorisées » de la classe ouvrière. Son radicalisme l’amena à d’âpres échanges publics avec des figures plus modérées, comme le leader travailliste britannique Keir Hardie et le lieutenant de l’American Federation of Labor dans l’Ouest, Ed Stephenson. Néanmoins, cette réputation de querelleur ne déplaisait pas du tout au « loquace » Mortimer. « Il fut un temps où, admettrait-il en 1908, si je voyais dans la presse ouvrière quelqu’un ayant une opinion contraire à la mienne, je ne trouvais le repos qu’après l’avoir fait taire ou, ce qui se produisait plus souvent, qu’il m’ait lui-même envoyé paître. »

Après 1906, Mortimer revint travailler dans les ateliers de Winnipeg ; il reprit ses fonctions de délégué du Journeymen Tailors’ Union of America et continua à éveiller les consciences au Trades and Labour Council. Le 2 septembre 1901, il avait épousé Lena Cameron, de St Vincent, au Minnesota, une fille de fermier qui deviendrait bientôt militante du Parti socialiste du Canada et avec laquelle il aurait plusieurs enfants. À l’automne de 1908, il vivait avec sa famille à St Vincent, juste au sud de la frontière canado-américaine, près des parents de sa femme. C’est en se rendant à Winnipeg pour y chercher une photographie de l’une de ses filles, décédée le jour de son septième anniversaire de mariage, qu’il disparut sous la glace de la rivière Rouge, en aval d’ Emerson.

Peu avant sa mort, l’effondrement du marché du blé l’avait amené à craindre – ce en quoi il n’avait pas tout à fait tort – que « les travailleurs doivent souffrir et mourir de faim jusqu’à ce que leurs seigneurs et maîtres consomment le surplus ou le gaspillent dans une guerre sanglante [...] pour lui trouver des débouchés ». Mais, manifestement, le legs de Mortimer ne se résume pas à ses accès de mélancolie, ainsi qu’on en témoigna au moment de la création du Mortimer Memorial Fund, par le Trades and Labour Council, après que son corps fut retrouvé. En exhortant les hommes et les femmes de sa classe à comprendre leurs conditions de vie et à entreprendre de les transformer, Mortimer était devenu, sur une tribune ou au tableau noir, une figure familière parmi les militants de la ville. Durant les dernières semaines de sa vie, il fut probablement heureux d’apprendre que ses appels avaient incité d’autres salariés à affirmer leurs droits. Dans l’éloge qu’il fit de lui, le Western Clarion le décrivit comme un étudiant « sincère et consciencieux » de l’économique et de l’histoire, et souligna « la finesse de ses analyses et la clarté de ses exposés ainsi que son profond mépris pour l’imposture, l’hypocrisie, les préjugés et le conformisme de la société, fondée sur les distinctions sociales ». Il considérait le camarade Mortimer comme « l’un des hommes les plus efficaces [...] que le mouvement socialiste ait produit ».

Par son opposition énergique, John T. Mortimer avait eu un effet stimulant sur son syndicat local, et sa disparition se fit sentir là comme au Journeymen Tailors’ Union of America. En 1911, un auteur anonyme déplora à juste titre dans le Tailor, journal du syndicat international, que la section locale 70, refermée sur elle-même, fût de nouveau à la dérive. Ce syndicat avait été « une organisation dynamique à l’époque où Winnipeg était le royaume du défunt Jack Mortimer, mais, disait-il, nous n’avons rien entendu de Winnipeg depuis passablement longtemps ». Cependant, l’avenir rendrait mieux justice à John T. Mortimer : en 1913, la section locale 70 referait ses forces et un observateur qualifierait ses leaders de « socialistes à tendance radicale ».

John E. Hample

AN, RG 27, 301, Lawrence Pickup à R. H. Coats, 11 déc. 1913.— Manitoba Morning Free Press, 25 juin 1900.— Voice (Winnipeg), 5 août, 7 oct. 1898, 24 mars, 8 déc. 1899, 19 janv. 1900, 30 août, 6 sept. 1901, 19 juill. 1902, 20 févr. 1903, 7 févr., 14 août, 4, 11, 18 déc. 1908, 30 avril, 18 juin 1909.— Western Clarion (Vancouver), 12, 26 déc. 1908.— Western Socialist (Vancouver), 11, 18 oct. 1902.— CPG, 1905.— Eugene Forsey, Trade unions in Canada, 1812–1902 (Toronto, 1982).— J. E. Hample, « In the buzzard’s shadow : craft subculture, working-class activism, and Winnipeg’s custom tailoring trade, c.1882–1892 » (thèse de m.a., Univ. of Manitoba/Univ. of Winnipeg, Winnipeg, 1989) ; « Workplace conflict in Winnipeg’s custom tailoring trade, c.1887–1921 », Manitoba Hist. (Winnipeg), n° 22 (automne 1991) : 2–15.— Labour Gazette (Ottawa), 1 (1900–1901) : 217.— McCormack, Reformers, rebels, and revolutionaries.— Tailor (Chicago, etc.), sept. 1896, juin 1909, mars 1911.

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John E. Hample, « MORTIMER, JOHN T », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mortimer_john_t_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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