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MOUNTAIN HORSE, ALBERT, soldat, né le 25 décembre 1893 dans la réserve indienne Blood (Alberta), fils de Mountain Horse et de Sikski : décédé célibataire le 19 novembre 1915 à Québec et inhumé dans la réserve Blood.
Albert Mountain Horse vint au monde au lever du soleil, et sa mère, Sikski, sut que la magie était liée à sa naissance. Selon la coutume tribale, une sorcière guérisseuse proclama sa venue et annonça son nom, Kukutosi-poota (Étoile volante). Pendant la nuit, expliqua-t-elle, on avait vu beaucoup d’étoiles filantes, et c’était un présage. Ensuite, Sikski, convaincue que son fils avait une mission spirituelle à remplir, le voua à l’Être-d’en-haut.
En grandissant, Albert se familiarisa avec les diverses sociétés des Gens-du-Sang, qui englobaient chaque membre de la tribu, et, bientôt, l’une d’entre elles l’initia. Il en apprit beaucoup sur les coutumes anciennes parce que sa mère appartenait à la Holy Women’s Society (Motokix) et son père, à la puissante Horn Society. Bien que son père ait soutenu la mission anglicane St Paul, située près de la réserve, Sikski prenait soin d’enseigner à Albert les croyances traditionnelles des Gens-du-Sang.
Albert fit ses études au St Paul’s Boarding School, où on le tenait pour « l’un des garçons les plus brillants et les plus éclairés de la réserve ». Il s’intéressa tôt à la vie militaire et entra dans le corps de cadets organisé en 1911 par le révérend Samuel Henry Middleton, directeur de St Paul’s. Dans un certain nombre de pensionnats, les élèves autochtones s’initièrent au métier de soldat en recevant une formation de cadet. Pour eux, c’était le meilleur moyen de renouer avec la tradition « guerrière » de leurs ancêtres. Toutefois, l’intention de Middleton était plutôt d’enseigner la coopération à ses élèves et de vaincre leur naturel individualiste.
Lorsque Mountain Horse eut atteint l’âge requis, on l’envoya dans une école militaire d’été à Calgary, où il réussit l’examen donnant droit à une commission de lieutenant dans la milice. Au début de la guerre en 1914, il était instructeur des cadets auprès du 23rd Alberta Rangers et suivait un cours d’instructeur de tir à Calgary. Au début de septembre, après en avoir obtenu la permission, il se porta volontaire dans le Corps expéditionnaire canadien. On croit qu’il fut la première recrue autochtone en Alberta. Il s’enrôla le 23 septembre à Valcartier, dans la province de Québec, et s’intégra à la No. 4 Company du train divisionnaire du Corps d’infanterie, où il servirait à titre de chauffeur. Il s’était enrôlé comme simple soldat afin d’être accepté plus vite : moins d’un mois après, on l’envoya outre-mer avec le 10th Infantry Battalion. Dans une lettre à Middleton, il déclara qu’il s’en allait « combattre pour [son] Roi et [sa] patrie ».
La guerre engendrait beaucoup de confusion parmi les Gens-du-Sang. Une génération plus tôt, au moment de la signature du traité no 7, on leur avait dit d’abandonner leurs fusils parce que la reine les protégerait. En voyant qu’un des leurs s’enrôlait, en partie à cause des encouragements de Middleton, certains considérèrent le missionnaire comme un traître qui avait rompu le traité en envoyant un membre de la tribu combattre outre-Atlantique. Ils prévinrent Middleton que, s’il arrivait malheur à Albert Mountain Horse, ils l’en tiendraient responsable.
Les lettres que Mountain Horse écrivit pendant qu’il était dans l’armée furent d’abord optimistes et enthousiastes. « Je pense que les Allemands n’auront aucune chance une fois que nous serons là-bas [...], nota-t-il pendant qu’il était en Angleterre. J’ai très hâte d’aller au combat. » Cependant, dès avril 1915, il participa à la deuxième bataille d’Ypres. « J’ai été dans la mêlée à Ypres, raconta-t-il, et nous avons dû nous tirer de là. Les Allemands se sont servis des gaz empoisonnés contre nos hommes – oh c’était horrible – je ne connais rien de pire. Le tir des fusils et les obus qui éclatent autour de nous, ça peut aller, mais ce gaz, c’est trop. » À l’issue de la bataille, Mountain Horse n’avait aucune blessure grave, mais il fut gazé deux fois par la suite et dut être hospitalisé. Le croyant en voie de guérison, l’armée le renvoya au Canada, mais ses poumons étaient si atteints que la tuberculose s’installa. Il mourut le 19 novembre 1915, le lendemain même de son arrivée à Québec. Plus tard, William J. Dilworth, agent dans la réserve Blood, remit en question l’enrôlement des autochtones, non pas pour des raisons éthiques, mais à cause de « leur tendance à contracter la consomption ». Le cas d’Albert Mountain Horse lui servit à étayer son avis. « Il avait passé seulement environ trois semaines dans les tranchées quand il a été gazé et il a attrapé la tuberculose tout de suite, [maladie] soignée depuis mai dans les hôpitaux. Ce jeune homme était aussi résistant que les autres jeunes gars de la réserve. »
La nouvelle de la mort de Mountain Horse surprit tout le monde dans la réserve Blood. En outre, elle causa beaucoup d’amertume parmi ses amis et sa famille : d’après eux, il aurait pu être sauvé si on l’avait renvoyé au pays plus tôt. Accablée de chagrin, Sikski attaqua Middleton avec un couteau. Sans l’intervention d’un autre de ses fils, peut-être l’aurait-elle tué. Pendant des semaines, elle se rendit chez Middleton dans l’espoir de se venger. Sa colère s’éteignit seulement quand elle comprit qu’Albert avait choisi librement d’aller à la guerre et était prêt à mourir en guerrier. Dans une lettre, il avait rapporté ce qu’il avait répondu à un médecin qui proposait de l’envoyer à l’hôpital : « Je lui ai dit que j’aimais mieux mourir dans les tranchées, comme un homme, plutôt qu’on creuse une tombe pour moi. »
L’archidiacre John William Tims célébra les obsèques de ce héros de la guerre. Bon nombre des Gens-du-Sang suivirent le cortège à cheval : des anciens entonnèrent leurs chants guerriers à l’approche du cercueil. Middleton dit à ses fidèles : « un des plus grands fils de l’Empire [...] en gagnant tous les honneurs et tout le respect qui peuvent être montrés à un soldat et à un homme, a fait rejaillir beaucoup d’éclat sur les Gens-du-Sang de l’Alberta et prouvé au monde entier qu’il était un vrai guerrier indien ». Hélas, Sikski mourrait avant d’avoir pu recevoir les médailles de guerre de son fils, et elles allèrent à une sœur d’Albert. Joe et Mike Mountain Horse s’enrolèrent à leur tour, sans doute pour venger la mort de leur frère. Joe fut blessé en 1917 à la première bataille d’Arras, en France, et Mike à la deuxième bataille de Cambrai en 1918. Tous deux s’en remirent. En 1939, Mike s’enrôlerait à nouveau pour servir outre-mer.
AN, RG 10, 6767, dossier 452–15.— Calgary Herald, 23 oct. 1915.— Kainai News (Stand Off, Alberta), 20 nov. 1974.— Macleod Spectator (Fort Macleod, Alberta), 19 nov. 1914, 25 nov., 2 déc. 1915, 29 juin 1916.— R. J. Forsberg, Chief Mountain : the story of Canon Middleton (Whittier, Calif., 1964).— D. C. Scott, « The Canadian Indians and the Great World War », dans Canada in the Great World War ; an authentic account of the military history of Canada from the earliest days to the close of the war of the nations (6 vol., Toronto, [1917–1920]), 3 : 285–328.— D. J. Zdunich, « Tuberculosis and the Canadian veterans of World War One » (mémoire de m.a., Univ. of Calgary, 1984), 49.
James Dempsey, « MOUNTAIN HORSE, ALBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mountain_horse_albert_14F.html.
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Auteur de l'article: | James Dempsey |
Titre de l'article: | MOUNTAIN HORSE, ALBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |