NOËL, MARIE-GENEVIÈVE (Drapeau), seigneuresse et propriétaire foncière, née le 13 janvier 1766 à Saint-Antoine-de-Tilly, Québec, fille de Jean-Baptiste Noël, seigneur, et de Geneviève Dussaut ; décédée le 17 novembre 1829 à Québec.
Marie-Geneviève Noël n’a que 16 ans lorsqu’elle épouse, le 14 octobre 1782, à Saint-Antoine-de-Tilly, Joseph Drapeau*, de 14 ans son aîné, qui ne tarde pas à se tailler une place enviable dans le monde des affaires à Québec. Marchand, constructeur de navires et important propriétaire foncier, Drapeau laisse une fortune appréciable à sa femme lorsqu’il meurt le 3 novembre 1810. Celle-ci entre en possession notamment d’un patrimoine foncier considérable comprenant les seigneuries Lessard, Nicolas-Rioux, de Rimouski, de Mitis, Pachot, de Sainte-Claire, de la Rivière-du-Gouffre et la moitié de l’Île-d’Orléans, de nombreuses terres et propriétés tant urbaines que rurales, ainsi que deux chantiers de construction navale, l’un à Québec, l’autre à Baie-Saint-Paul. L’héritière de 44 ans doit se conformer aux dispositions testamentaires qu’avait prises son mari et garder la succession indivise sans « qu’aucun inventaire ou acte de partage ne puisse être demandé ».
Contrairement au statut de femme mariée qui, à l’époque, restreint considérablement les droits de l’épouse, toute soumise à l’autorité du mari, celui de veuve confère de nombreuses possibilités. En effet, la Coutume de Paris en vigueur dans la colonie accorde à la veuve les mêmes droits qu’à un homme majeur. Marie-Geneviève Noël peut désormais administrer ses biens sans qu’aucun homme ne puisse exercer quelque autorité sur elle.
La veuve Drapeau décide d’abandonner le commerce de détail et la construction navale. Dès janvier 1811, elle songe à louer la spacieuse maison qu’elle occupe rue du Sault-au-Matelot, avec cave, grenier, boulangerie, hangars, écuries et quai ; elle trouve preneur en février de l’année suivante. En décembre 1815, elle renouvelle le bail, cette fois au marchand Rémi Quirouet, qui lui verse un loyer annuel de £250. Trois ans plus tard, elle conclut une importante transaction avec un marchand de Québec, Benjamin Tremain, à qui elle cède, moyennant £3 530, sept terrains dans la basse ville. Elle réinvestit son capital dans l’achat de quatre propriétés situées au faubourg Saint-Jean, où elle s’installe. Prudente et avisée, Marie-Geneviève Noël investit donc dans l’immobilier et n’hésite pas à recourir à la justice pour faire valoir ses droits. En 1819, par exemple, elle apprend qu’une partie du terrain acquis par son mari des religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec en 1803 sera vendue par ordre du gouvernement au préjudice du propriétaire en vue du prolongement de la rue Saint-Paul. Malgré ses protestations, le lot est acheté à la couronne par John Bell en novembre 1820. Alors elle intente un procès dont elle ne connaîtra pas l’issue, mais qui se réglera en faveur de ses héritières en 1832.
Tout comme l’avait fait son mari, Marie-Geneviève Noël confie la gestion des seigneuries à des notaires ou à des intendants. De même, ses beaux-frères, Louis Bélair à Baie-Saint-Paul et Augustin Trudel à Rimouski, continuent de travailler pour elle à titre d’agent seigneurial. Cependant, elle gère elle-même sa part dans la seigneurie de l’Île-d’Orléans, s’occupant, entre autres, de la location des moulins. En 1816, elle confie à sa fille Luce-Gertrude l’administration des seigneuries de la Rivière-du-Gouffre et de l’Île-d’Orléans. Puis, en 1827, elle lui accorde une procuration lui donnant plein pouvoir et autorité pour administrer tout le patrimoine seigneurial que possède la famille Drapeau. Marie-Geneviève Noël continue tout de même de surveiller la gestion des biens immobiliers. Par exemple, c’est elle qui loue les pêcheries à la Rivière-du-Gouffre, ou bien qui accorde des baux de coupe de bois à William Price* dans la seigneurie de Mitis, ou encore qui négocie avec Pierre Tremblay les modalités de construction d’un moulin à farine à Baie-Saint-Paul.
En octobre 1829, Marie-Geneviève Noël, malade, rédige son testament et demande que tous ses biens soient partagés également entre ses six filles. Elle meurt le mois suivant et est inhumée le 20 novembre dans la cathédrale Notre-Dame, à Québec, en présence notamment de Joseph-François Perrault*, d’Amable Berthelot*, d’Étienne-Claude Lagueux et de Michel Clouet*. Ses filles ont continué de gérer le patrimoine familial et, semble-t-il, se sont acquittées de cette tâche avec intelligence.
ANQ-Q, CE1-1, 20 nov. 1829 ; CE1-94, 30 janv. 1766, 14 oct. 1782 ; CN1-16, 12 nov. 1822, 31 mai, 21 oct. 1824 ; CN1-116, 22 sept. 1820, 5 juill., 27 sept. 1827, 25 janv., 21 nov. 1828 ; CN1-178, 19 févr., 28 avril 1812, 13 août 1814, 22 déc. 1815, 7 oct. 1816 ; CN1-230, 28 févr., 6 mai, 8 juill. 1811, 16 août 1815, 5 mai 1818, 23 mai 1822 ; P1000-32-592.— La Gazette de Québec, 10 janv., 6 juin 1811, 19 oct., 2 nov. 1815, 6 mars 1817, 4, 11 mars 1819.— Bouchette, Topographical description of L.C.— P.-G. Roy, Inv. concessions.— J. W. M., « Notes sur les seigneuries du district de Rimouski », BRH, 17 (1911) : 237–246, 257–267, 312–320, 331–338, 353–368.
Céline Cyr, « NOËL, MARIE-GENEVIÈVE (Drapeau) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/noel_marie_genevieve_6F.html.
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Auteur de l'article: | Céline Cyr |
Titre de l'article: | NOËL, MARIE-GENEVIÈVE (Drapeau) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |