NUGENT, JOHN VALENTINE, enseignant, homme politique, rédacteur et propriétaire de journaux, shérif, né en 1796 à Waterford, en Irlande ; épousa Ellen Maria Creedon, originaire de Cork, en Irlande, et ils eurent plusieurs enfants ; décédé à St John’s, T.-N., le 12 juin 1874.

II n’existe aucune source digne de foi au sujet des années que, dans sa jeunesse, John Valentine Nugent passa en Irlande. Il semble qu’il reçut une bonne instruction, car il étudia le droit pendant quatre ans. Aux dires de ses adversaires politiques à Terre-Neuve, il avait dû quitter l’Irlande à cause de sa « violence en politique ». Il arriva à St John’s au mois de mai 1833 et, presque aussitôt, il ouvrit une école privée. Comme il avait la plume et la parole faciles, il devint bientôt le porte-parole des libéraux. Les conservateurs le considéraient comme un violent, un exalté et un agitateur turbulent, qui tentait systématiquement de dresser les catholiques contre les protestants. Peu de temps après son arrivée à Terre-Neuve, Nugent demanda au barreau, mais sans succès, d’exercer le droit. Ce refus qu’il pensait dû uniquement à une question de religion lui parut par là même injuste.

En 1834, une série de lettres signées « Junius », qui accusaient le gouverneur Thomas John Cochrane de sectarisme, d’injustice et de despotisme, parurent dans le Newfoundland Patriot. Même si Edward Trop, l’aumônier de l’évêque catholique Michael Anthony Fleming*, se disait l’auteur de ces articles, Cochrane les attribuait à Nugent dont les vues politiques extrémistes étaient connues de tous. Dans les années 30, Nugent écrivit beaucoup, sous divers pseudonymes, dans l’organe libéral, le Patriot. Quelques années plus tard, Robert John Parsons*, le directeur du journal, écrivit que Nugent avait été l’unique cause du mécontentement manifesté contre le Patriot, car ses lettres anonymes avaient été « écrites en vue de semer la discorde chez les gens ».

Aux élections de 1836, qui furent invalidées, Nugent fut élu sans opposition à l’Assemblée, dans les circonscriptions de Plaisance et de St Mary’s. En 1837, l’ardent maître d’école irlandais fut réélu. Il devint bien vite l’un des leaders de l’Assemblée, où ses opinions radicales ne contribuaient nullement à tempérer la violence de la lutte entre l’Assemblée et le conseil. En compagnie de Patrick Morris* et de William Carson*, il fut membre de la délégation envoyée à Londres en 1838 qui obtint la destitution du juge en chef de Terre-Neuve, Henry John Boulton*, et de plus l’assurance qu’à l’avenir le juge en chef ne serait pas membre du conseil. Malheureusement, Nugent, qui était très pauvre, se trouva sans ressources et incapable de payer son passage de retour. Le ministère des Colonies refusa de lui prêter de l’argent, mais l’évêque Fleming, qui se trouvait alors à Londres, le sortit de ce mauvais pas. À son retour à St John’s, il fut nommé conseiller juridique auprès de la chambre d’Assemblée. Au cours de l’été de 1841, il fut envoyé à Londres comme délégué de l’Assemblée pour témoigner devant le comité parlementaire spécial sur les affaires de Terre-Neuve. La délégation ne put arriver en Angleterre avant l’ajournement des travaux du comité, mais elle put cependant faire connaître les vues de l’Assemblée dans une correspondance adressée à lord John Russell.

Pendant la campagne électorale de 1842, alors que Nugent se présentait dans St John’s, il fut arrêté pour non-paiement de dommages et intérêts dans un procès en diffamation. À cette occasion, le juge, un protestant conservateur, qui avait ordonné l’arrestation, fut blâmé par le gouverneur John Harvey* d’avoir pris cette décision à un pareil moment. Les libéraux, furieux, recueillirent les fonds nécessaires pour payer la caution de Nugent et le firent relâcher ; à la suite de quoi, les trois candidats conservateurs furent battus. De 1842 à 1848, John Valentine Nugent siégea à l’Assemblée résultant de la fusion du Conseil législatif et de la chambre d’Assemblée.

Tout en faisant de la politique, il n’en délaissait pas pour autant le journalisme. En 1835, lorsque Robert John Parsons, du Patriot, fut condamné à une lourde amende et à la prison pour outrage, Nugent contribua à mettre sur pied la Constitutional Society, en vue de faire libérer le directeur du journal. Pendant une courte période, en 1837, Nugent fut propriétaire du Patriot ; bien qu’au bout d’un mois, Parsons fût de nouveau propriétaire en titre, les presses et les caractères du Patriot restèrent la propriété de Nugent jusqu’en 1840. La même année, il devint rédacteur du Newfoundland Vindicator et, plus tard, propriétaire. Lorsque le Vindicator cessa de paraître, il fut rédacteur du Newfoundland Indicator. Ces deux journaux étaient très engagés politiquement et défendaient la cause de la population irlandaise catholique.

En 1844, la nomination de Nugent comme premier inspecteur des écoles de Terre-Neuve causa un grand mécontentement parmi les conservateurs protestants. Un an plus tard, il fut remplacé par un protestant, à la suite de quoi il participa à la fondation de la St John’s Academy, école subventionnée par le gouvernement. Il fut assistant professeur et plus tard directeur de la section catholique de l’académie, de 1845 à 1856. Il fut battu aux élections de 1848 dans la circonscription de St John’s et on attribua cet échec au fait qu’il occupait des fonctions auxquelles il avait été nommé par le gouvernement.

Après l’accession de Terre-Neuve au gouvernement responsable, les libéraux étant finalement au pouvoir, John Valentine Nugent fut nommé, en 1856, shérif du district de Central, poste qu’il occupa jusqu’en 1871, date à laquelle il dut prendre sa retraite pour des raisons de santé.

Elizabeth A. Wells

Newfoundland, Department of Provincial Affairs, List of affidavits of proprietorship of newspapers, 18361900.— PRO, CO 194/88, 70.— Blue Books, 1837–1856 (copies aux PANL).— Journal of the House of Assembly of Newfoundland, 18361846.— Courier (St John’s), 9 août 1871.— Newfoundlander (St John’s), 27 oct. 1862.— Newfoundland Patriot (St John’s), 7 juill. 1835, 3 févr. 1841.— Newfoundland Vindicator (St John’s), 1842.— Public Ledger (St John’s), 19 juill., 2 août 1844.— Telegraph (St John’s), 17 juill. 1874.— Times and General Commercial Gazette (St John’s), 21 oct. 1848.— Gunn, Political history of Nfld.— Leslie Harris, The first nine years of representative government in Newfoundland (thèse de m.a., Memorial University of Newfoundland, 1959).

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Elizabeth A. Wells, « NUGENT, JOHN VALENTINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/nugent_john_valentine_10F.html.

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Auteur de l'article:    Elizabeth A. Wells
Titre de l'article:    NUGENT, JOHN VALENTINE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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