PATTERSON, JOHN, homme d’affaires, né le 13 mars 1857 à New Mills, comté de Tyrone (Irlande du Nord), fils de Thomas Patterson et d’Elizabeth Harte ; le 26 décembre 1898, il épousa à Hamilton, Ontario, Christina Busby, veuve de James Henry Hopkins, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé dans cette ville le 26 janvier 1913.
Au début du xviiie siècle, les ancêtres de John Patterson quittèrent l’Écosse pour l’Irlande, où ils furent associés à l’exploitation d’un moulin à farine et d’une fonderie dans le comté de Tyrone. Forgeron de son état, le père de Patterson était contremaître aux forges Stevenson de Coalisland. En 1867, il immigra à Hamilton avec sa famille et s’y établit comme forgeron. John, qui avait fait quelques études en Irlande, fréquenta la Central School durant une seule année. Dès l’âge de 12 ans, il était employé au cabinet des avocats Richard Martin et John W. Ferguson. Ensuite, il travailla successivement pour d’autres entreprises locales ; il figure à titre de commis dans le recensement de 1871. Parti de la maison familiale dès l’âge de 15 ans, il fut voyageur de commerce dans le sud de l’Ontario, puis aux États-Unis.
Patterson rentra à Hamilton en 1878 et, avec son jeune frère Thomas, commença à mettre à profit l’expérience qu’il avait acquise dans le commerce du bois dans l’Ohio et l’Illinois. Il se montra aussi infatigable dans cette association que dans les années antérieures de sa carrière. Au début, les deux frères avaient un parc à bois, une scierie et une installation de planage. Bientôt, ils diversifièrent leurs activités en y ajoutant l’immobilier, la construction, les hypothèques et la gestion de propriétés.
Au cours de ces aimées – au plus tard à l’automne de 1883 –, Patterson noua avec l’éminent avocat d’affaires et député libéral provincial John Morison Gibson* une association qui leur serait profitable à tous deux et durerait pendant toute sa carrière. Selon un historien, les deux hommes formaient « une équipe dynamique » et « avaient les mêmes convictions politiques, la même ambition et des aspirations semblables pour Hamilton ». En outre, ils se complétaient. Gibson s’était distingué dans ses études à la University of Toronto ; Patterson avait une formation « pratique plutôt que théorique ». Des deux, pourtant, le visionnaire était Patterson : il pouvait avoir de grandes idées, voire des idées grandioses. Grâce à ses compétences juridiques et à ses relations sociales et politiques, Gibson était en mesure de réaliser nombre des projets qu’il partageait avec Patterson. Dès le début des années 1890, les frères Patterson se rangeaient, avec Gibson, parmi les plus gros propriétaires fonciers de Hamilton. Les Patterson mirent fin à leur association en 1893, mais John, qui garda l’immobilier, conserva des liens étroits avec Gibson. Pour faire grimper la valeur de leurs vastes propriétés foncières, et surtout des terres qu’ils avaient dans le nord et l’est de Hamilton, les deux hommes promurent le Hamilton Radial Electric Railway à compter de 1894.
Deux ans auparavant, un groupe d’hommes d’affaires de Hamilton, dont Patterson, avaient commencé à envisager, pour exploiter des tramways, de capter l’énergie des chutes du Niagara ou, à tout le moins, d’acheter de l’électricité des compagnies qui, depuis 1890, y aménageaient des centrales. À cette époque, toute l’électricité de Hamilton provenait sans doute de turbines mues par de la vapeur produite par des industries. Contrairement à d’autres membres du groupe, qui se désintéressèrent de l’idée de créer une autre source d’électricité pour la ville, Patterson devint presque obsédé par la chose après en avoir discuté avec le comte prussien von Siemens, entrepreneur en électricité, qui lui rendit visite à l’été de 1893. Patterson et Gibson étaient d’ardents promoteurs de Hamilton. Certes, ils entendaient réaliser un bénéfice avec leur projet hydroélectrique, mais un autre facteur pourrait les avoir incités à se lancer : parmi la population, on avait l’impression que l’approvisionnement de Hamilton en électricité était passé entre des mains torontoises. En fait, un groupe d’investisseurs de Toronto avait fait l’acquisition du système d’éclairage électrique de la ville et l’exploitait, depuis 1892, sous le nom de Hamilton Electric Light and Power Company Limited. Pour réaliser leur projet, Patterson et Gibson s’associèrent à trois autres hommes d’affaires hamiltoniens : le fabricant de textiles John Moodie père et les entrepreneurs John William Sutherland et John Dickenson. Dans la région, on surnommerait ces hommes – tous des libéraux – les Cinq John.
Patterson avait l’intention de capter l’eau qui tombait de l’escarpement du Niagara par la chute DeCew, près de St Catharines, et de produire de l’électricité qui serait transportée à Hamilton. Son idée ne faisait pas l’unanimité. La chute DeCew se trouvait à 27 milles de la ville et, selon certains experts, lord Kelvin par exemple, on ne pouvait pas transporter de l’électricité sur une distance supérieure à 12 milles. Cependant, la mise au point du moteur à induction et des expériences fructueuses avec le courant alternatif rendaient possible le transport sur une plus grande distance et amenèrent Patterson à croire, avec raison, que l’énergie pourrait se rendre de la chute DeCew à Hamilton. L’opinion des citoyens était divisée : certains jugeaient le plan de Patterson irréalisable ou fou, d’autres le trouvaient emballant.
La Cataract Power Company of Hamilton Limited – l’instrument par lequel Patterson réaliserait son rêve – fut constituée juridiquement le 9 juillet 1896. Patterson faisait partie du conseil d’administration ; il serait aussi dirigeant ou membre du conseil d’administration de bon nombre des filiales de la Cataract. Même si la faisabilité du projet n’était pas certaine, la Cataract put emprunter 250 000 $ à la Bank of Hamilton et, dès la fin de 1896, elle avait des contrats d’une valeur de 50 000 $. Les investisseurs eux-mêmes versèrent environ 250 000 $. Il y eut quand même des problèmes : par exemple, le débit de la chute DeCew était irrégulier et la Saint Catharines Water Works Company, propriétaire des réservoirs qui alimentaient la chute, étaient hostiles à l’entreprise. Les ingénieurs-conseils engagés par la Cataract conçurent un plan en vue de détourner de l’eau de l’ancien canal Welland à Allanburg et de l’amener jusqu’à l’escarpement à un endroit proche de la chute DeCew où la hauteur était de 265 pieds, comparativement à 200 pieds à DeCew. L’Angus McDonald and Company réalisa ces travaux et construisit la centrale avec de l’équipement électrique fourni par la Compagnie royale d’électricité de Montréal.
Hamilton commença à recevoir de l’électricité de la Cataract le 26 août 1898, et l’inauguration officielle du réseau de transport de la compagnie eut lieu le 12 novembre. La ligne menant à Hamilton était alors la plus longue du Canada et la deuxième au monde, après celle de la Blue Lakes Water Power Company en Californie. La Cataract avait un potentiel de 22 500 volts et offrait à sa clientèle un total de 4 000 HP. Dans un délai très court, la Hamilton Electric Light and Power et des chemins de fer électriques locaux figurèrent parmi ses clients.
Comme ils l’avaient fait dans leurs entreprises précédentes, Patterson, Gibson et leurs collègues lancèrent un programme d’intégration. Au fil d’une série de fusions, d’acquisitions et de réorganisations financées par des capitaux new-yorkais, l’empire de la Cataract prit une expansion telle qu’il en vint à fournir tout l’approvisionnement en hydroélectricité et à englober la plupart des réseaux de trains et tramways électriques de Hamilton même et des banlieues situées à l’est jusqu’à Oakville (au nord du lac Ontario) et Beamsville (au sud du lac) et à l’ouest jusqu’à Brantford. En acquérant d’abord, en 1899, la Hamilton Electric Light and Power et la Hamilton Street Railway, les Cinq John s’employèrent à créer un conglomérat qui contrôlerait toutes les compagnies ferroviaires et sociétés de services publics du sud de l’Ontario. La base de ce conglomérat était la Cataract Power, qui fut rebaptisée Hamilton Electric Light and Cataract Power Company Limited en 1899 et devint en 1907 la Dominion Power and Transmission Company Limited, sous la présidence de Gibson. Même si, en fin de compte, les associés ne parvinrent pas à acquérir toute l’emprise qu’ils souhaitaient, ils réussirent au moins pendant quelques années à réaliser le rêve décrit ainsi par le Hamilton Herald en 1899 : « [faire de] Hamilton le centre d’un réseau parfait de lignes de trains électriques qui rendrait tributaire de la ville toute la contrée située dans un rayon de 40 milles ».
La capacité de la centrale DeCew augmentait constamment. En 1900, elle était de 20 000 HP ; en 1911, elle atteignait 52 000 HP. En raison de cette croissance et des tarifs, qui étaient parmi les plus bas au Canada, Hamilton attirait les industries lourdes. Un bon nombre d’entre elles s’installeraient sur des terrains appartenant à Patterson. Ces entreprises étaient des consommatrices voraces. En 1911, la Steel Company of Canada – qui avait pris la relève de la Hamilton Steel and Iron, laquelle avait construit une fonderie sur un terrain de Patterson – utilisait 12 000 des 52 000 HP produits par la centrale DeCew. En 1900, l’Electrical World and Engineer de New York avait déclaré : « parce qu’elle est en mesure de fournir de l’électricité à bas prix, Hamilton attire plus d’entreprises industrielles que Toronto, ville plus grande ». La National Cycle and Automobile, la B. Greening Wire, la Gurney-Tilden et l’International Harvester faisaient partie de ces entreprises. Les moteurs électriques étaient tellement en demande que la Canadian Westinghouse choisit aussi d’installer une usine à Hamilton.
Même s’il était peut-être moins visible que Gibson, Patterson appartenait encore au conseil d’administration de la Cataract. En outre, il faisait toujours de l’immobilier, surtout dans la période où beaucoup de ses propriétés de l’extrémité est de la ville étaient mises en valeur par les clients manufacturiers de plus en plus nombreux de la Cataract. À la fin des années 1890, en partie en vue de maximiser le nombre de consommateurs d’énergie de la Cataract, il se lança avec Gibson et Andrew Trew Wood* dans un projet malheureux et politiquement controversé de raffinage du nickel par l’entremise de trois sociétés : la Nickel Steel Company of Canada, la Hoepfner Refining Company et la Nickel Copper Company of Ontario Limited. Patterson avait aussi des intérêts dans l’Imperial Cotton Company Limited, la Hamilton, Waterloo and Guelph Railway Company, qui s’avéra un échec, et la Patterson Coal and Coke Company, qui extrayait de la houille tendre en Pennsylvanie pour la vendre à la Hamilton Steel and Iron.
D’abord populaire parce qu’il attirait des usines, l’empire de la Cataract en vint à susciter des critiques, puis une hostilité de plus en plus vive. On lui reprochait en particulier la qualité inégale de son service. Les secteurs aisés du sud et de l’ouest de la ville étaient bien desservis, mais il y avait souvent des chutes de tension et des coupures de courant dans les quartiers ouvriers du nord et de l’est, où les immigrants venus récemment du Royaume-Uni étaient nombreux. La Hamilton Street Railway Company, filiale de la Cataract, n’était pas non plus au-dessus de tout reproche. Dans une plainte déposée en 1905 à l’Ontario Railway and Municipal Board, la ville qualifia de « consternant » le service offert par la compagnie de tramways. De plus, celle-ci se mit à dos ses employés, qui firent la grève en 1906 [V. John Wesley Theaker]. L’appui de la population hamiltonienne aux grévistes reflétait la consternation engendrée par le monopole de la Cataract sur l’électricité et les services de transport. D’ailleurs, ce monopole ne suscitait pas de l’inquiétude uniquement à Hamilton. En 1907, le gouvernement provincial conservateur de James Pliny Whitney considéra que deux manœuvres – l’obtention d’une charte fédérale par la Dominion Power and Transmission Company Limited et les efforts dirigés par Gibson en vue d’en obtenir une pour la Hamilton Radial Electric Railway Company – visaient à soustraire les compagnies de chemins de fer du conglomérat à l’autorité de l’Ontario Railway and Municipal Board.
L’idée d’un réseau électrique appartenant à la municipalité – idée apparue à l’époque où Patterson et ses collègues s’étaient lancés dans la production hydroélectrique – gagna de plus en plus d’adeptes dans les premières années du xxe siècle. En 1908, les électeurs appuyèrent un règlement autorisant la ville à conclure un contrat avec la Commission d’énergie hydroélectrique de l’Ontario, formée peu de temps auparavant. Pourtant, au cours de la même année, le conseil municipal approuva un contrat de cinq ans avec la Dominion Power. L’intégration complète de Hamilton au réseau public ne se réaliserait qu’en 1913, et la Dominion Power demeurerait un producteur indépendant jusqu’en 1930.
Membre de la congrégation presbytérienne MacNab Street, Patterson, qui, pendant de nombreuses années, avait travaillé au développement de Hamilton, ne semble pas avoir beaucoup participé aux affaires municipales. Sa santé se détériora constamment à partir de 1909, et il mourut à son domicile de Hamilton le 26 janvier 1913. Après le décès de sa femme, Christina Busby, deux ans plus tard, la succession passa aux quatre frères et aux quatre sœurs de celle-ci. Selon les nécrologies, qui tendaient à oublier les aspects peu reluisants de la Cataract, Patterson avait promu le réseau de tramways « sans la moindre ostentation » et était demeuré un « homme sympathique et sincère qui avait assez vu le monde et les hauts et les bas de la vie pour être [...] large d’esprit et d’un abord facile ».
L’historien John Weaver a écrit au sujet de deux associés de John Patterson – John Gibson et John Moodie – que « leurs activités de promotion de l’énergie et de la traction électriques, des industries nouvelles et de l’immobilier contribuèrent à refaçonner Hamilton de 1895 à 1920 ». La même constatation s’applique à Patterson lui-même. On peut également retracer dans sa carrière un phénomène décrit par Weaver, la « transition, dans la gestion industrielle, entre des associations locales et des entreprises intégrées ». En effet, Patterson s’associa d’abord à son frère, puis appartint au réseau serré des conseils d’administration du conglomérat de la Dominion Power. Ce personnage est important non parce qu’il est représentatif de cette période de l’histoire de Hamilton, mais parce qu’il en fut l’un des artisans. C’est lui qui, le premier, eut l’idée de capter l’énergie de la chute DeCew pour alimenter Hamilton. La concrétisation de ce rêve, la Cataract Power, donna à la ville de l’électricité à bas prix, un des facteurs déterminants dans la décision de nombreuses entreprises manufacturières de s’installer à Hamilton en un temps où celle-ci était sur le point de cesser d’être un centre financier et commercial. D’après le Hamilton Herald, Patterson avait « de fins pouvoirs d’analyse et des ressources d’une fertilité inhabituelle », et il « pouvait en général concevoir des plans pour réaliser ses rêves ». Un siècle après que Patterson l’eut imaginée, la centrale DeCew appartenait encore au réseau d’Hydro-Ontario, et l’industrialisation qu’elle avait favorisée avait transformé Hamilton.
AN, MG 30, A1.— AO, RG 22–205, nos 8420, 9095 ; RG 80-5-0-70, n° 12096 ; RG 80-5-0-264, n° 15993.— HPL, Clipping files, Hamilton biog. ; Scrapbooks, « Five Johns » ; Herald, vol. 3.— Ontario Hydro Arch. (Toronto), Dominion Power and Transmission Company papers.— Hamilton Spectator, numéros du carnaval d’été et de Noël 1899.— T. M. Bailey et C. A. Carter, Hamilton firsts (Hamilton, Ontario, 1973).— Canadian annual rev. (Hopkins), 1907, 1913.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— DHB, particulièrement vol. 3.— Electrical World and Engineer (New York), 1885–1900.— Encyclopaedia of Canadian biography [...] (3 vol., Montréal et Toronto, 1940–1947), 2.— Hamilton, Hydro-Electric Commission, A history of your local hydro commission (Hamilton, 1967).— W. R. Plewman, Adam Beck and the Ontario Hydro (Toronto, 1947).— W. D. Stevenson, Elements of power system analysis (2e éd., New York, 1962).— J. C. Weaver, Hamilton : an illustrated history (Toronto, 1982).
Thomas H. Ferns, « PATTERSON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/patterson_john_14F.html.
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Auteur de l'article: | Thomas H. Ferns |
Titre de l'article: | PATTERSON, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |