PETERS, WILLIAM BIRDSEYE, fonctionnaire, officier, avocat, journaliste et éditeur, né le 5 juin 1774 à Hébron (Marlborough, Connecticut), unique enfant du révérend Samuel Andrew Peters et de sa troisième femme, Mary Birdseye ; le 4 mai 1796, il épousa Polly (Patty) Marvin Jarvis, de Stamford, Connecticut, et ils eurent neuf enfants, dont deux moururent en bas âge ; décédé le 4 juin 1822 à Mobile, Alabama.
Les ancêtres maternels et paternels de William Birdseye Peters étaient au nombre des puritains arrivés en Nouvelle-Angleterre dans les années 1630. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance. Ministre de l’Église d’Angleterre à Hébron, son père, fervent tory, dut s’enfuir à Boston en septembre 1774 puis passer en Angleterre, après avoir confié William à ses grands-parents maternels à Stratford, au Connecticut. Il vécut chez les Birdseye jusqu’à l’âge de 14 ans et étudia auprès de ministres congrégationalistes et épiscopaliens de l’endroit. Il rejoignit alors son père à Londres puis, en 1789, il étudia à Arras, en France, où il resta trois trimestres. Le 12 octobre 1792, il passa son examen d’entrée au Trinity Collège d’Oxford ; la même année, il étudia le droit à l’Inner Temple. Au cours de l’été de 1793, comme sa santé inspirait de plus en plus d’inquiétude, on l’envoya en Amérique du Nord dans l’espoir qu’il y prendrait du mieux.
Même si sa demi-sœur, Hannah Peters*, avait épousé William Jarvis*, secrétaire et registraire du Haut-Canada, et habitait Newark (Niagara-on-the-Lake), Peters ne fit qu’un bref séjour dans la province en 1794. Au lieu de retourner en Angleterre pour terminer ses études, il resta aux États-Unis, principalement au Connecticut, où il renoua avec des parents et des amis. En 1796, Hannah le pressa de venir s’établir dans le Haut-Canada ; il partit pour Newark après avoir épousé une nièce américaine de William Jarvis, Polly Marvin Jarvis.
Au début, Peters se trouva avec de nombreux atouts en main. Le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe*, qui avait tenté en vain de faire de son père le premier évêque du Haut-Canada, le nomma adjoint au secrétaire et registraire de la province le 3 mai 1796 et l’autorisa, à compter du 26 mai, à pratiquer le droit. Le 25 juillet, on recommanda qu’une concession de 1 200 acres lui soit octroyée et, le 26 décembre, il reçut une commission d’enseigne dans les Queen’s Rangers. De plus, il figurait avec son père sur la liste des loyalistes, et les Jarvis étaient convaincus que le gouvernement leur offrirait d’autres postes.
Peters était donc solidement installé dans trois secteurs : la fonction publique, le droit et l’armée ; mais le départ de Simcoe ébranla sa situation, même si le cumul des charges n’était pas rare dans la province au xviiie siècle. Le juge en chef John Elmsley* lui interdit la pratique du droit parce qu’il était officier tandis que le major David Shank des Queen’s Rangers émit l’avis qu’il ne pouvait pas travailler à titre de fonctionnaire pendant qu’il faisait du service actif, malgré le précédent créé par David William Smith*. Cependant, Peters ne fut pas appelé à rejoindre son régiment avant que le cabinet du secrétaire ne soit installé à York (Toronto) en 1798. À Newark, il travaillait sous la direction de Jarvis, qui se plaignait de sa paresse et de son manque de collaboration. De son côté, Peters écrivait que les Jarvis s’attendaient à ce qu’il soit « leur esclave » et que son revenu était à la fois trop bas et trop irrégulier. Il ne parvint pas à obtenir d’autres nominations du gouvernement parce que, selon lui, les Jarvis n’avaient aucune influence politique et qu’il était « yankee ». En 1799, Peters et son père furent radiés de la liste des loyalistes, parce que ce dernier n’était jamais venu dans le Haut-Canada.
Pendant qu’il vivait à Newark, Peters fréquenta beaucoup les officiers américains du fort Niagara (près de Youngstown, New York). Ayant appris d’eux que l’armée des États-Unis offrait des possibilités d’avancement, il s’adressa en 1798 au secrétaire d’État américain à la Guerre pour lui demander une commission d’officier. Peu après, il s’installa à York et se présenta au lieutenant-colonel Shank, qui lui parla de promotions probables dans l’armée britannique. Peters annula sa candidature à l’armée américaine, mais Jarvis la découvrit et en fit parvenir une copie à Shank parce qu’il croyait, selon Peters, qu’« il devait [le] sacrifier pour se sauver lui-même ». Aux yeux du loyaliste Jarvis, Peters était coupable de trahison, mais ce dernier allégua que sa seule faute était d’avoir dérogé à l’étiquette militaire en n’informant pas son commandant de ses intentions. L’explication satisfit Shank, qui ne poussa pas l’affaire plus loin.
Après cet incident, Peters n’eut plus avec les Jarvis que des relations tendues. À York, il demeura au sein des rangers jusqu’au licenciement du régiment le 25 octobre 1802, puis se retira avec la demi-solde. Comme il n’était plus un officier en service actif, il fit une demande d’admission à la Law Society of Upper Canada au cours du trimestre de Pâques 1803, et elle fut acceptée. Toutefois, dès le 16 juin, il partit pour New York, où il ouvrit sous la raison sociale de William B. Peters and Company un magasin de marchandises sèches avec de l’argent emprunté à des parents et 2 000 $ gagnés par sa femme dans une loterie. En deux ans, il perdit tout et s’endetta de 11 000 $. Il réussit à se réhabiliter et, en 1808, il vivait sur le domaine des Birdseye, dans le Connecticut, sans aucun moyen de subsistance.
En 1807, Hannah Jarvis avait déconseillé que Peters revienne dans le Haut-Canada, car « on le range[ait] parmi les membres de l’opposition, parce qu’il [était] devenu sujet des États-Unis ». Pourtant, en 1810, Peters s’installa à Niagara (Niagara-on-the-Lake) pour pratiquer le droit. Hannah espérait qu’il aurait « la discrétion d’être neutre », mais il n’en eut aucune et bientôt il se mit à publier dans le journal radical de Joseph Willcocks*, l’Upper Canada Guardian ; or, Freeman’s Journal. En février 1812, par l’entremise de son ami le révérend Robert Addison, il se porta candidat au poste de greffier du district de Gore, mais ce district ne fut pas créé avant la fin de la guerre de 1812.
Dès la déclaration de la guerre, Peters installa son cabinet d’avocat à York et sa famille dans la maison de John Mills Jackson*, située à trois milles au nord, rue Yonge. Tout de suite, on douta de sa loyauté. Après la prise d’York par les Américains en avril 1813, le procureur général intérimaire John Beverley Robinson* reçut l’ordre de l’accuser d’avoir fourni des renseignements à l’ennemi, mais il ne fut pas en mesure de rassembler des preuves suffisantes.
Peters se trouva de nouveau dans une situation précaire après la deuxième occupation d’York. Quand les Américains entrèrent dans la ville, le 31 juillet 1813, quelqu’un remarqua qu’« il les accueillait avec des expressions de joie et serrait la main de plusieurs officiers et soldats ennemis ». Selon un autre témoin, Peters disait souvent que les Américains conquerraient le pays et il envisageait cette perspective avec plaisir. Le comité d’information, constitué de cinq éminents citoyens d’York, croyait que les soupçons à l’endroit de Peters étaient fondés et que « renseigné et habile comme il l’[était], il [pouvait] faire beaucoup de mal ». Bien qu’il ait peut-être été coupable de sédition, rien ne prouvait qu’il avait apporté une aide réelle à l’ennemi ; aussi aucune accusation ne fut-elle portée contre lui. Un grand procès qui devait servir d’exemple se préparait ; les « assises sanglantes » se tinrent à Ancaster en mai et juin 1814. Peters assura la défense d’au moins cinq des hommes accusés de haute trahison ; de ce nombre, deux furent acquittés, un vit sa sentence commuée et deux furent exécutés.
Après la guerre, Peters retourna pratiquer le droit à Niagara. En 1816, il s’installa à Thorold puis à Hamilton, devenant ainsi le premier avocat du nouveau district de Gore. Dès novembre 1819, il était de retour à Niagara, où il maintint un cabinet et succéda à Bartemas Ferguson comme éditeur du Niagara Spectator. Ferguson, critique du gouvernement, avait été jugé coupable de diffamation au mois d’août précédent. Peters rebaptisa le journal Canadian Argus, and Niagara Spectator et en assura la publication jusqu’en 1820 ; Ferguson, qui était sorti de prison, reprit alors la direction du journal. À l’automne, Peters partit pour New York, où il travailla quelque temps comme avocat. Le 27 décembre, il s’embarqua pour Mobile, en Alabama, où il mourut de la fièvre jaune. Son fils Samuel Jarvis Peters allait faire une belle carrière de marchand, d’agent de développement, de banquier et d’homme politique à la Nouvelle-Orléans.
William Birdseye Peters fut l’un des rares gentlemen du Haut-Canada que l’on soupçonna de trahison. Il ne comprit jamais que le Haut-Canada ne faisait pas partie des États-Unis et n’éprouvait de toute évidence aucune fidélité particulière envers l’un des deux gouvernements. C’était fondamentalement un opportuniste malheureux, qui ne cessa de traverser une frontière dont il ne percevait pas l’existence. Malgré les avantages dont il bénéficiait, il ne connut la réussite ni dans un pays ni dans l’autre.
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Edith G. Firth, « PETERS, WILLIAM BIRDSEYE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/peters_william_birdseye_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/peters_william_birdseye_6F.html |
Auteur de l'article: | Edith G. Firth |
Titre de l'article: | PETERS, WILLIAM BIRDSEYE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 9 nov. 2024 |