POWER, JOHN, prêtre et franciscain, né dans la province de Munster (république d’Irlande), probablement dans le comté de Tipperary ou de Waterford ; décédé entre le 14 juin et le 12 septembre 1823 près de l’étang Twenty Mile (lac Windsor), non loin de St John’s.

John Power fut gardien (supérieur) des couvents franciscains à Bantry, de 1785 à 1787, et à Clonmel, de 1787 à 1797 ; il est fort possible qu’il s’agisse du même franciscain qui résida plus tard à Terre-Neuve. Ce John Power quitta l’Irlande pour Terre-Neuve où il arriva, semble-t-il, en 1808. Il fit le voyage sans avoir obtenu les permissions ecclésiastiques requises, ni l’approbation du vicaire apostolique de Terre-Neuve, Mgr Patrick Lambert*. Malgré ces irrégularités, il se peut que Lambert ait eu recours temporairement aux services de Power. Le nom du franciscain figure sur la liste gouvernementale du clergé terre-neuvien en 1810, comme étant celui d’un ecclésiastique catholique de St John’s.

Le 8 juin 1812, toutefois, Lambert suspendit « le révérend, ou plutôt irrévérend, père John Power » de toutes ses fonctions sacerdotales pour « conduite indigne, immorale et scandaleusement criminelle ». Le prêtre était accusé d’entretenir une liaison avec une femme qui avait laissé Bonavista ou un autre port du nord de l’île pour le suivre à St John’s. Power accepta « de mauvaise grâce » sa suspension et, en 1813, le gouverneur, sir Richard Goodwin Keats, essaya de l’obliger à quitter Terre-Neuve sans faire d’éclat. Il existait alors une étroite collaboration entre les évêques catholiques et le gouvernement de Terre-Neuve, et le fait d’avoir encouru la disgrâce de l’évêque rendit Power immédiatement suspect. Keats n’avait aucune raison de croire que Power était déloyal envers la couronne, mais il redoutait l’influence du prêtre, dont il disait qu’il avait « des manières enjôleuses et séduisantes avec les classes inférieures ». Il profita même de l’occasion pour tenter d’amener le gouvernement britannique à prendre des dispositions afin d’empêcher tout prêtre d’immigrer à Terre-Neuve sans l’approbation officielle de l’évêque catholique. Cependant, Londres ne prit aucune mesure en ce sens et ne consentit pas non plus à forcer le départ de Power.

Durant cette période, le prix du poisson et les salaires s’étaient maintenus à un niveau élevé, et l’immigration irlandaise avait été importante. Au printemps de 1815, toutefois, avec la fin des guerres napoléoniennes, le marché s’affaissa. Néanmoins, abusés par les rapports des années antérieures qui faisaient état d’une pêche très prospère, des milliers d’immigrants irlandais, souvent entassés sur des navires et mourant presque de faim, continuaient d’affluer à St John’s. Ils n’y trouvèrent que désillusion, le chômage étant très considérable et les salaires bien inférieurs à ceux de l’année précédente. Les travailleurs se groupèrent en bandes rivales, et les membres de chaque bande se juraient secrètement fidélité et s’engageaient à ne pas entrer au service d’un marchand ou d’un planter à un salaire inférieur à ce qui avait été convenu. Comme cela s’était produit au début des années 1780, des querelles éclatèrent bientôt entre les factions du Leinster et du Munster, les deux provinces dont la plupart des immigrants étaient originaires. À St John’s, des batailles et des troubles opposèrent régulièrement les gens de provinces différentes : les bandes du Leinster (les « Yellowbellies » de Wexford et les « Doonanes » de Kilkenny) se mesuraient avec celles de la province de Munster (les « Whey-bellies » de Waterford, les « Clear-airs » de Tipperary et les « Dadyeens » de Cork, qui étaient moins nombreux).

Le conflit entre Lambert et Power aviva les querelles. En suspendant Power, Lambert avait offensé un grand nombre d’Irlandais originaires du Munster, qui continuaient à témoigner au prêtre, un des leurs, « toutes les marques de respect et d’attention ». Au moins la moitié des Irlandais terre-neuviens venaient du Munster, alors que Lambert et presque tout son clergé étaient du comté de Wexford, dans le Leinster ; c’était une insulte de plus. En 1815, cette situation valut de nombreux appuis à Power et restreignit l’effet de la prédication de l’évêque contre les serments et les affrontements. Les désordres se poursuivirent jusqu’au début de l’été et, semble-t-il, diminuèrent par la suite. Les tentatives de regroupement s’avérèrent un échec complet. Les « coalitions » contre les marchands échouèrent et les travailleurs durent accepter les emplois qui étaient disponibles à la moitié du salaire payé l’année précédente.

On ne sait pas très bien ce que furent les activités de Power durant les années qui suivirent, mais il continua d’avoir des ennuis avec le successeur de Lambert, Thomas Scallan. En 1820, Power se rendit secrètement au Labrador et, malgré sa suspension, il y célébra la messe. Le 29 octobre, Scallan, qui estimait que Power avait été « généralement en état de rébellion contre son ordinaire », l’excommunia publiquement après lui avoir déjà donné un avertissement canonique. Dans l’explication qu’il fit parvenir à Rome, l’évêque accusait également Power d’être enclin à boire, d’avoir intenté un procès à un autre prêtre lors d’une mésentente à propos d’une dette et d’avoir frappé un confrère qui disait la messe. À son tour, Power ne tarda pas à poursuivre l’évêque devant la Cour suprême, affirmant que Scallan l’avait privé de certains fonds qui lui revenaient. Le juge en chef Francis Forbes* et un jury rendirent cependant une décision en faveur de l’évêque.

En 1822, Scallan pouvait considérer Power comme un « pécheur endurci » et notait qu’il avait peu de disciples. Le prêtre vivait alors près de l’étang Twenty Mile ; il avait fait de sa maison une taverne où il vendait des boissons alcooliques aux voyageurs pour gagner sa vie. Il mourut pendant que Scallan était absent de Terre-Neuve, mais l’évêque fut informé à son retour que Power était décédé avec le « repentir sincère » de ses actions passées.

Presque tout ce que l’on sait de John Power vient de ses adversaires, et l’image qui en résulte est par conséquent empreinte de partialité. Il fut sans aucun doute un homme de talent. Dans la force de l’âge, il jouissait d’une grande influence auprès de la population et, même au milieu des troubles de 1815, le juge en chef Cæsar Colclough notait que « des gens fort respectables parl[aient] de lui en termes très favorables ». Les différends qu’il eut avec Lambert et Scallan laissent voir en partie les pressions sociales et économiques que provoqua la vague d’immigration irlandaise entre 1810 au 1816, ainsi que les luttes de clans qui empoisonnèrent constamment l’existence des Irlandais de Terre-Neuve à la fin du xviiie siècle et au début du xixe. En d’autres circonstances, le rôle de Power aurait peut-être été fort différent.

Raymond J. Lahey

AAQ, 30 CN.— Arch. of the Archdiocese of St John’s, Lambert papers, suspension of John Power, 8 juin 1812.— Archivio della Propaganda Fide (Rome), Scritture riferite nei Congressi, America Settentrionale, 2 (1792–1830) : fos 350–351.— PRO, ADM 80/151 : 16–19 ; CO 194/49 : 119 ; 194/55 : 233 sqq. ; 194/56 : 24, 26, 45–46, 51–52, 105–113, 173–175, 179–180, 211.— Liber Dubliniensis : chapter documents of the Irish Franciscans, 1719–1875, Anselm Faulkner, édit. (Killiney, république d’Irlande, 1978).— Newfoundland Mercantile Journal, 29 nov. 1821.— M. F. Howley, Ecclesiastical history of Newfoundland (Boston, 1888 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1979).

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Raymond J. Lahey, « POWER, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/power_john_6F.html.

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Auteur de l'article:    Raymond J. Lahey
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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