RAMSAY, DAVID, marin et trafiquant de fourrures, né vers 1740 à Leven (région de Fife, Écosse) ; décédé en 1810 ou après, probablement dans le Haut-Canada.

David Ramsay s’enrôla comme mousse dans la marine royale et combattit au siège de Louisbourg, à l’île Royale (île du Cap-Breton), en 1758, et à celui de Québec en 1759. Il fut affecté à un vaisseau patrouilleur britannique sur le lac Ontario en 1763, et, deux ans plus tard, au moment de son licenciement, il choisit de demeurer en Amérique du Nord. Il travailla d’abord pour le compte d’un trafiquant de fourrures de Montréal, dont on ne connaît pas le nom, voyageant jusqu’aux lacs Supérieur, Michigan et Huron. En 1768, il fut arrêté par le commandant du fort Niagara (près de Youngstown, New York) pour avoir suscité du désordre ; on l’envoya à Montréal où il fut détenu pendant plusieurs jours dans le corps de garde.

Au cours de l’automne de 1771, Ramsay entreprit une expédition de traite avec son jeune frère George, âgé de 17 ans. Ils voyagèrent de Schenectady, dans la colonie de New York, jusqu’à l’embouchure du ruisseau Kettle, sur la rive nord du lac Érié, qu’ils remontèrent de quelques milles, pour ensuite hiverner avec un groupe d’Indiens, en majorité des Mississagués. On ne sait pas clairement ce qui se produisit pendant cet hiver, mais, selon toute évidence, Ramsay ne s’entendit pas avec ses clients. Il prétendit plus tard que les Indiens avaient menacé à plusieurs reprises de le tuer s’il ne leur donnait pas de rhum. Les Indiens rapportèrent qu’il avait été « saoul et violent » tout l’hiver. En mars 1772, Ramsay tua et scalpa un guerrier nommé Wandagan, ainsi que deux femmes, pendant l’absence du reste de la bande. Les deux frères s’enfuirent alors jusqu’à Long Point, sur le lac Érié, où ils furent capturés par des Mississagués. Les Indiens les attachèrent et se mirent alors à boire. S’étant libéré, Ramsay tua et scalpa cinq d’entre eux, y compris une femme et un enfant. Après s’être rendu avec son frère au fort Erie, Ramsay fut arrêté et envoyé au fort Niagara, puis à Montréal.

Ramsay prétendit qu’il avait agi en état de légitime défense, mais les autorités britanniques qui avaient la responsabilité de l’Ouest furent exaspérées. Sir William Johnson*, surintendant des Affaires des Indiens du Nord, observa amèrement : « Tuer une femme et un enfant, et les scalper ensuite, est inexcusable, et le fait qu’il a pu faire tout cela est une preuve évidente qu’il n’était pas dans la situation dangereuse qu’il a décrite, et que les Indiens étaient trop saouls pour faire quoi que ce soit de menaçant. » Cependant Johnson savait très bien comment fonctionnaient les jurys de Blancs dans les causes de crimes contre les Indiens. « Je pense qu’il s’en tirera, même s’il en avait tué cent », écrivit-il, et Ramsay s’en tira effectivement. Malgré les efforts du commandant en chef britannique Thomas Gage*, qui écrivait à Johnson : « Je fais tout en mon possible pour rassembler des preuves, car si ce qu’on rapporte au sujet de sa cruauté est véridique, nul misérable ne mérite davantage les galères », un jury de Montréal l’acquitta par manque de preuves. Le secrétaire d’État aux Colonies américaines écrivit au lieutenant-gouverneur Hector Theophilus Cramahé* : « Je dois présumer que rien ne fut négligé qui aurait pu condamner monsieur Ramsay au châtiment que son crime atroce lui avait mérité. »

Pendant la Révolution américaine, Ramsay combattit de nouveau dans la marine royale, mais, une fois les hostilités terminées, il retourna vivre parmi les parents des Indiens qu’il avait tués. Les Mississagués abhorraient sa présence, mais par crainte de représailles de la part des Britanniques, si on s’en prenait à lui, ils se contentèrent d’exiger qu’il donnât aux parents de ses victimes une certaine quantité d’articles et de rhum. Toutefois, lorsqu’ils étaient ivres, les Indiens menaçaient toujours de se venger. En 1793, aux rapides de la rivière des Miamis (rivière Maumee, Ohio), le fils de l’une de ses victimes forma le dessein de le tuer, mais l’agent des Affaires indiennes Alexander McKee* fit embarquer Ramsay sur un bateau à destination de Detroit. Les relations de ce dernier avec les Mississagués étaient en fait complexes. Bien qu’il eût confié au voyageur écossais Patrick Campbell*, à qui il avait servi de guide en 1792, qu’on « ne pouvait faire confiance à un Indien », il écrivit à l’hiver de 1793 une pétition en faveur des Mississagués. Il semble qu’en 1795 encore il demeurait chez eux, vraisemblablement sur la vaste superficie de terre, située entre les villes actuelles de Hamilton et d’Oakville, qu’il avait obtenue en 1789 en persuadant les Indiens de la lui donner. Bien plus, à la suite du meurtre du chef mississagué Wabakinine* par un soldat en 1796, Ramsay écrivit une lettre pour appuyer la pétition des fils du chef indien demandant une compensation sous forme de terre. Le lieutenant-gouverneur Simcoe était d’avis que Ramsay avait été adopté par les Indiens.

Dans la communauté blanche, Ramsay jouissait d’un certain respect. Lorsque Campbell le rencontra, il gagnait sa vie en assurant le transport de dépêches et d’argent pour le compte des résidents de la région de Niagara. En juillet 1791, le Conseil exécutif du Haut-Canada avait approuvé sa demande d’une concession de 600 acres de terre et, en 1801, il acquit des terres dans le comté de Kent. Lorsqu’il fit son testament en 1810, il possédait un brick, le Thames of New York.

Du vivant même de David Ramsay, l’histoire des meurtres passa au folklore local, et la forme qu’elle prit nous renseigne beaucoup sur les attitudes des premiers colons anglophones à l’endroit des autochtones. Dans ses Voyages and travels of an Indian interpreter and trader [...], parus à Londres en 1791, John Long* raconte l’histoire comme il l’avait entendue à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) : des Potéouatamis des environs du fort St Joseph (Niles, Michigan) avaient attaché Ramsay à une souche, se préparant à le faire rôtir, mais son frère avait réussi à les saouler, et les trafiquants s’étaient enfuis après avoir tué les Indiens. Selon une version plus répandue, qui eut cours dans la région de Long Point au moins jusque dans les années 1890, une bande de neuf Indiens avaient attaqué Ramsay sans raison une nuit de 1760 à Long Point. Éméchés après avoir bu de son alcool, ils avaient décidé d’attendre au lendemain pour le brûler ; pendant leur sommeil, Ramsay avait pu se libérer et les tuer tous. Même si les Blancs parlaient de l’héroïsme avec lequel le « brave » Ramsay s’était défendu, les Indiens, eux, pensaient différemment. Le célèbre chef iroquois Joseph Brant [Thayendanegea] le décrivit comme « un être malfaisant » et un « méprisable fripon ».

Donald B. Smith

AO, RG 53, ser. 1, A, doc. A7 [plié entre la p.14 et le f.1].— APC, RG 1, L3, 423 : R2/7 ; RG 8, 1(C sér.), 251 : 116.— PRO, CO 42/32 : f.27.— P. Campbell, Travels in North America (Langton et Ganong), 191–206.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 4 : 114.— The documentary history of the state of New-York [...], E. B. O’Callaghan, édit. (4 vol., Albany, N.Y., 1849–1851), 2 : 994.— Johnson papers (Sullivan et al.), 8 : 130, 483s., 497, 512 ; 12 : 967.— « Petitions for grants of land » (Cruikshank), OH, 26 : 359.— Kahkewaquonaby, Life and journals of Kah-ke-wa-quo-na-by (Rev. Peter Jones), Wesleyan missionary (Toronto, 1860), 185.— John Long, Voyages and travels of an Indian interpreter and trader [...] (Londres, 1791), 147.— E. A. Owen, Pioneer sketches of Long Point settlement [...] (Toronto, 1898 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972), 39.— J. H. Coyne, « David Ramsay and Long Point in legend and history », SRC Mémoires, 3e sér., 13 (1919), sect. ii : 111–126.— F. C. Hamil, « David Ramsay and the Lees of Kent County », Western Ontario Hist. Notes ([London, Ontario]), 2 (1944) : 13–15.— Donald Smith, « The Mississauga and David Ramsay », Beaver, outfit 305 (printemps 1975) : 4–8.

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Donald B. Smith, « RAMSAY, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ramsay_david_5F.html.

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Auteur de l'article:    Donald B. Smith
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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