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RUBENSTEIN, Louis, athlète, entrepreneur, juge de paix et conseiller municipal, né entre 1857 et 1868, probablement à Montréal, fils de Max Rubenstein, vitrier et charpentier, et d’une prénommée Leah ; décédé célibataire le 3 janvier 1931 à Montréal et inhumé deux jours plus tard dans le cimetière de la congrégation Shearith Israel, dans la même ville.
Fils d’immigrants polonais d’origine juive, Louis Rubenstein s’intéressa rapidement au patinage. Le Victoria Skating Rink, construit à Montréal en 1862, compte parmi les endroits qu’il fréquenta le plus pendant sa jeunesse. Membre du Club Victoria des patineurs de Montréal, il s’initia au patin et, ensuite, à la compétition en patinage artistique. En 1878, à Montréal, il remporta sa première épreuve dans ce sport. Vers le début des années 1880, il devint associé dans la compagnie fondée par deux de ses frères en 1864, la Rubenstein Brothers. L’entreprise familiale, qui serait vendue en 1929, effectuait principalement le placage de métaux tels que le nickel, l’argent et l’or.
La participation de Louis dans la Rubenstein Brothers ne nuisit visiblement pas à ses performances en patinage artistique. Il fut le champion canadien de cette discipline de 1883 à 1890 et remporta les championnats américains de 1888 et de 1889. Son excellence à produire des figures sur la glace et à les répéter sans faire de marques à l’extérieur du tracé original était remarquable.
En décembre 1889, l’Association de patinage amateur du Canada choisit Rubenstein pour représenter le pays à la compétition internationale de patinage artistique qui se tiendrait à Saint-Pétersbourg, en Russie, au mois de février suivant. Elle chargea un comité d’organiser une collecte pour lui permettre de se rendre à ce championnat mondial. On récolta 400 $. Le 2 janvier 1890, Rubenstein quitta Montréal pour New York, où il prit le bateau pour l’Europe. La Russie tsariste était alors très antisémite. Dans les valises de l’athlète se trouvait une lettre du gouverneur général du Canada, lord Stanley*. En cas de problème, Rubenstein devait la remettre à l’ambassadeur britannique à Saint-Pétersbourg, sir Robert Burnett David Morier. Arrivé en Hollande après une halte en Irlande, il continua en train jusqu’à Berlin, où son ami William C. Hodgson, ancien membre du Montreal Lacrosse Club, l’attendait. Il reprit ensuite le train pour Saint-Pétersbourg.
Peu après son arrivée, Rubenstein fit face à des difficultés en raison de son origine juive. Après avoir remis son passeport au commis de l’hôtel, il eut à rencontrer la police locale, qui le confina dès lors à son logis et à la patinoire. Quelques jours plus tard, il dut revenir au poste de police, où on lui ordonna de quitter la Russie dans les 24 heures. Il se rendit alors à l’ambassade britannique et montra la lettre de lord Stanley. Grâce à un nouveau document émis par Morier, il put récupérer son passeport et participer à la compétition sans se heurter à d’autres problèmes. Cependant, on lui fit clairement comprendre qu’il devait quitter la Russie dès la fin du championnat.
La compétition se divisait en trois épreuves. Rubenstein remporta les deux premières, pendant lesquelles il fit les meilleures figures sur la glace, mais se retira de la troisième, de style libre, où les patineurs devaient exécuter des sauts et des pas de patins qui ne correspondaient pas, selon lui, à du patinage artistique. Malgré tout, il remporta le championnat au total des points, devant des patineurs venus d’Autriche, de Suède, de Norvège, de Finlande et de Russie. Il prit sa retraite du patinage artistique en 1892. Athlète accompli, il fut au Canada un pionnier de ce sport qu’il enrichit de deux figures : la Rubenstein Star et la Maltese Cross.
Rubenstein n’excellait pas seulement en patinage artistique. En 1882, il était devenu membre du Montreal Bicycle Club et, du même coup, de l’Association des gymnastes amateurs de Montréal qui, depuis l’année précédente, regroupait le Montreal Bicycle Club, le Montreal Lacrosse Club et le Montreal Snow Shoe Club. Il serait d’ailleurs président de cette association de 1913 à 1915. À partir de 1899, il présida la Canadian Wheelmen’s Association, après en avoir été officiel de compétition et membre du conseil d’administration. Cette année-là, Rubenstein parvint à faire de Montréal l’hôte du championnat mondial de cyclisme. Son grand bi – bicyclette dotée d’une grande roue avant et d’une petite roue arrière – se trouverait, au début du xxie siècle, au château Ramezay, dans la même ville. Il joua aussi au curling, au billard et aux quilles, jeu dont il présida l’association canadienne à compter de 1895. La même année, il fut nommé secrétaire-trésorier honoraire de l’Association de patinage amateur du Canada et agit comme chef de file du championnat mondial de patinage de vitesse tenu à Montréal en 1897. En 1907, Rubenstein compta parmi les promoteurs de la création de l’International Skating Union of America, qui représentait le Canada et les États-Unis ; il le présida en 1909. Il appartint également à la Young Men’s Hebrew Association, version juive de la Young Men’s Christian Association, et à la succursale de la Royal Life Saving Society à Montréal.
En 1897, Rubenstein avait été nommé juge de paix pour le district de Montréal. En 1914, il fut élu conseiller municipal pour le quartier Saint-Laurent ; il resterait en poste jusqu’à sa mort en 1931. À ce titre, il devint, en avril 1922, président de la nouvelle commission athlétique de Montréal, créée à la suite de la sanction, le 22 mars précédent, de la Loi concernant la création de commissions athlétiques par certaines municipalités. Il le demeurerait jusqu’en 1930. Le conseiller municipal Joseph Allan Bray promut cette commission qui avait pour but de réglementer la boxe et la lutte professionnelles dans la ville. Les autres membres de la commission, désignés pour un mandat de deux ans, étaient les conseillers municipaux Alfred Richard, Joseph-Maurice Gabias, Georges Vandelac et Bray. Le journaliste sportif Elmer Ferguson, qui n’était pas un élu municipal, fut nommé secrétaire de la commission. Parmi les réalisations de Rubenstein sur la scène municipale figurent notamment l’inauguration de bains publics en 1916, et l’implantation d’un championnat en natation et en sauvetage réservé aux femmes en 1921.
Après la mort de Rubenstein en janvier 1931 – qui suivit de peu celle de ses frères Israel, Jacob et Lazarus entre le 21 mai et le 25 juin 1930 –, plusieurs de ses anciens collègues et amis demandèrent à la ville de Montréal de lui rendre hommage. Finalement, le 10 mai 1938, le conseil municipal vota une résolution pour l’érection d’une fontaine en son honneur au coin des avenues Park et du Mont-Royal Ouest. On l’inaugura un an plus tard. En 1955, Rubenstein fut intronisé comme patineur artistique au Temple de la renommée des sports du Canada. En 1990, la maison de la rue Saint-Urbain, qu’il habita la majeure partie de sa vie avec ses frères et sœurs, devint un monument historique.
Louis Rubenstein fut un athlète qui surmonta le handicap du racisme et, aussi, un administrateur sportif engagé. Son origine juive ne l’a pas empêché de s’illustrer dans le monde sportif du xixe siècle et de participer activement à la politique municipale au xxe siècle.
Malgré de nombreuses recherches, nous n’avons pu confirmer la date de naissance de Louis Rubenstein. À cet effet, nous avons entre autres consulté : BAC, Déclarations de recensement du Canada de 1911, Québec, dist. Montréal (182), sous-dist. quartier Saint-Laurent (11) : 34 ; R233-34-0, Québec, dist. Montréal Ouest (106), sous-dist. quartier Saint-Laurent (C) : 96 ; R233-35-2, Québec, dist. Montréal (90), sous-dist. quartier Saint-Laurent (I) : 75 ; R233-36-4, Québec, dist. Montréal Centre (172), sous-dist. quartier Saint-Laurent (68) : 16–17 ; R233-37-6, Québec, dist. Montréal (177), sous-dist. quartier Saint-Laurent (A) : 10 ; FD, United Church, Jewish-Spanish-Portuguese (Montréal), 5 janv. 1931 ; le Devoir, 5 janv. 1931 ; et Ville de Montréal, « Vieux-Montréal » : www.vieux.montreal.qc.ca (consulté le 9 mars 2012).
BAC, R174-49-3.— BAnQ-CAM, CE601-S97, 10 nov. 1875, 21 juin 1892.— « Réseau canadien du patrimoine juif » : www.cjhn.ca/fr (consulté le 29 févr. 2012).— VM-SA, VM1 (fonds du Conseil de ville), S3 (dossiers décisionnels, 3e sér.), D115.12966 ; D433.57389 ; VM6 (fonds du Service du greffe), S5, SS3 (coll. des dossiers de coupures de presse), D16.775 ; D1982.8 ; D3020.73.— Gazette (Montréal), 3 janv., 14 févr., 14–15 mars 1890 ; 26 juin 1930.— Montreal Daily Star, 6 févr., 12 déc. 1895 ; 14 févr. 1899.— Montreal Herald, 21 déc. 1889.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Élise Detellier, « “They always remain girls” : la re/production des rapports de genre dans les sports féminins au Québec, 1919–1961 » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 2011), 215–216.— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, compil. (Toronto et Montréal, 1926).— Don Morrow, A sporting evolution : the Montreal Amateur Athletic Association, 1881–1981 ([Montréal ?], 1981).— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— Danny Rosenberg et al., « A quiet contribution : Louis Rubenstein », Rev. canadienne de l’hist. des sports (Windsor, Ontario), 13 (1982), no 1 : 1–17.— « The Rubenstein saga », « Y » Beacon (Montréal), 26 (1950), no 43 : 4 ; no 44 : 3.— Who’s who and why, 1914.— S. F. Wise et Douglas Fisher, Canada’s sporting heroes (Don Mills [Toronto], 1974).
Michel Vigneault, « RUBENSTEIN, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rubenstein_louis_16F.html.
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Auteur de l'article: | Michel Vigneault |
Titre de l'article: | RUBENSTEIN, LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 8 déc. 2024 |