SCOTT, CHRISTOPHER, homme d’affaires et capitaine de navire, né vers 1762 à Greenock, Écosse ; décédé le 29 juillet 1833 à Londres.
Christopher Scott était le troisième et dernier fils de William Scott, chef d’une compagnie de construction navale, la Scott and Company, qui était établie depuis longtemps sur les bords de la rivière Clyde. Après la mort de leur père en 1769, les deux fils aînés diversifièrent de beaucoup les activités de la compagnie en se lançant dans la construction de grands navires pour le commerce avec les Antilles, de plus petits bâtiments destinés au commerce avec la Nouvelle-Écosse et de frégates pour la marine royale. Ils allaient aussi faire œuvre de pionniers dans la construction de navires à vapeur. Quant à Christopher Scott, il fit son apprentissage de marin sur les navires de la compagnie et travailla comme dessinateur de navires et maître constructeur sur ses chantiers.
Pendant les hostilités de la fin des années 1790, à cause des nombreuses pertes infligées à la marine marchande par des corsaires français, les navires avaient beaucoup de valeur en Grande-Bretagne. En janvier 1799, Scott fut donc envoyé au Nouveau-Brunswick pour y ouvrir un chantier qui pourrait s’approvisionner à même les ressources forestières inépuisables de la colonie, le bois de construction étant de plus en plus rare et cher en Écosse. Il quitta Greenock avec deux navires de la compagnie ; à bord se trouvaient 50 artisans qualifiés, dont des menuisiers, des forgerons, des calfats et des charpentiers, plus un équipage complet pour le premier bâtiment qui serait construit. On apportait aussi des cordages, des clous, des doublages de cuivre, des garnitures de fer de même que tous les outils et toute la machinerie nécessaires à un chantier naval : il s’agissait, dans l’Occident moderne, de l’un des premiers exemples de déménagement complet d’une installation industrielle. De plus, les navires transportaient une grande quantité de marchandises d’échange (des lainages et des toiles) car, au Nouveau-Brunswick, une bonne partie du commerce se faisait par la méthode du troc. Scott débarqua à Saint-Jean en mars 1799 et, dès juillet, il avait trois assez grands navires en construction. Peu après son arrivée, il rencontra un constructeur de la colonie, William Barlow, qu’il décrivit ainsi : « [c’est] un exécutant-né de notre art qui sait faire fine utilisation pratique du bois de chez lui, ce qui rend son embauche essentielle ». Ainsi naquit entre Scott et Barlow une association fructueuse qui fit prospérer le chantier.
Comme les navires étaient de plus en plus en demande dans la mère patrie, les associés de Scott en Grande-Bretagne le pressaient constamment de mettre en chantier autant de navires que possible et d’acheter aussi tous les bâtiments neufs qu’il pourrait obtenir d’autres constructeurs. Défiant l’embargo imposé en 1799 par la Grande-Bretagne sur l’exportation de garnitures de cuivre, les Scott en firent passer de grandes quantités en contrebande à Saint-Jean. La compagnie de Greenock envoya aussi d’autres artisans qualifiés de même que des équipages complets – depuis les commandants jusqu’aux mousses – pour les nouveaux vaisseaux. Entre 1799 et 1804, quelque 25 bâtiments furent construits, la plupart pour être vendus immédiatement à Londres, à Liverpool ou dans les Antilles, où ils étaient envoyés avec des cargaisons de bois très lucratives. C’est sur la Clyde, pendant les temps morts des années 1760, que la construction de navires avait commencé à être une forme de spéculation. Les Scott l’étendaient maintenant aux colonies, s’assurant ainsi des profits intéressants. En 1804, leurs chantiers employaient au delà de 400 ouvriers.
Les Scott subirent très tôt l’influence de l’architecte naval Robert Seppings, contemporain britannique, et ne tardèrent pas à adopter sa méthode de construction. Elle consistait à solidifier la partie inférieure du navire en employant beaucoup plus de madriers lourds pour faire les traverses et pour renforcer les couples inférieurs, de sorte que la quille et la charpente de la base formaient « presque une solide assise de bois ». Le navire était ainsi beaucoup plus robuste, quoique plus coûteux, et, lorsque l’on adoptait en même temps les plans de Barlow, qui donnaient des navires aux lignes plus élancées, on obtenait un bâtiment aussi élégant que solide, ce qui était fort apprécié. Pendant les premières années du xixe siècle, personne à Saint-Jean ne construisit de meilleurs navires que Scott et Barlow. Dès 1804, les associés de la métropole demandaient explicitement que tous les nouveaux bâtiments soient construits sous la direction de Barlow. Ces navires contribuèrent à donner au Nouveau-Brunswick la grande réputation qu’il aurait pendant un siècle comme centre de construction navale. Jusque-là, la Grande-Bretagne avait eu tendance à considérer comme étant plutôt de second ordre, sur le plan de la solidité et de la tenue en haute mer, les navires construits dans les colonies. Ensemble, Scott et Barlow renversèrent ce jugement.
En 1801, Scott avait encore étendu ses achats et ses exportations de bois de même que ses activités de commerce général en recueillant des cargaisons de potasse, de hêtre, de pin et de bouleau noir (très en demande pour l’ébénisterie) dans diverses régions du Nouveau-Brunswick et en les expédiant en Grande-Bretagne. La plupart de ces marchandises étaient acheminées par la rivière Saint-Jean et payées avec le rhum des distilleries de Greenock ainsi qu’avec des textiles, de la ferronnerie et d’autres exportations écossaises.
En 1803, Scott fonda sa propre compagnie de navires. Il dessina et construisit plusieurs bricks de petite taille mais de très grande qualité, qu’il affecta à la traversée de l’Atlantique afin de tirer profit de l’escalade rapide des frais d’expédition. En tant que capitaine au long cours qualifié, il commanda l’un d’eux, le Mary, et livra à deux reprises des cargaisons lucratives de bois à la rivière Clyde ; toutefois, en mai 1805, le Mary fut pris et coulé par un corsaire français au large de l’île de Barra, dans les Outer Hebrides. Heureusement, le Mary était assuré, de sorte que Scott put acheter à Liverpool un grand bateau neuf, le Wilson, pour lequel il obtint immédiatement une lettre de marque comme corsaire. Aucune prise n’a été enregistrée à son nom. De 1805 à 1809, il fit à titre de capitaine plusieurs voyages sur ses navires pour aller livrer des cargaisons de bois en Grande-Bretagne, à la Jamaïque et dans d’autres îles des Antilles. Il passait parfois plusieurs mois à terre pour veiller à ses intérêts commerciaux.
Jusqu’en 1810, Scott continua avec succès de vendre du bois à partir de Saint-Jean et d’y construire des navires, après quoi il alla s’installer à St Andrews pour profiter du commerce lucratif qui avait commencé en 1807 avec l’adoption par les États-Unis de mesures d’ « embargo » et d’ « interdiction de rapports » avec la Grande-Bretagne et ses colonies. Devenu bientôt un citoyen important de la ville, il construisit un vaste entrepôt où il stockait des soieries, des mousselines, des toiles et cotonnades fines ainsi que d’élégants meubles venus d’Écosse. Il les échangeait illégalement « à la frontière », le long de la côte du Maine et de la baie de Passamaquoddy, contre du tabac, du coton, de la farine et d’autres produits américains qu’il exportait ensuite en Grande-Bretagne en prélevant un profit intéressant. L’entreprise était dangereuse, car elle était condamnée par le gouvernement américain et, après 1812, par les autorités du Nouveau-Brunswick, et parce que des maraudeurs américains volaient les trafiquants et pillaient les navires côtiers. Scott n’en parvint pas moins à poursuivre son trafic et amassa grâce à lui une fortune considérable. De plus, il spéculait pour décrocher des « occasions » parmi les prises et les cargaisons vendues aux enchères à Halifax.
Quand la guerre de 1812 éclata, Scott versa de l’argent pour la construction du beau blockhaus de St Andrews, qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui. En 1822, il paya pour l’achèvement des travaux de l’église presbytérienne Greenock, à St Andrews ; il engagea des architectes en Écosse ainsi que des artisans d’origine écossaise qui travaillaient déjà à son chantier naval de Saint-Jean. Cet édifice en bois, dont le clocher est orné d’une reproduction du chêne, emblème de Greenock et de la compagnie de Scott, existe encore et constitue un bel exemple d’église « coloniale ». En 1820, Scott était devenu l’un des plus riches habitants du Nouveau-Brunswick : en plus de son grand chantier de Saint-Jean, il possédait un hôtel particulier à St Andrews, des lots dans les deux villes, une propriété foncière sur les bords de la Saint-Jean, plusieurs fermes autour de St Andrews et deux domaines dans son pays natal. En outre, il possédait huit navires, avait des actions dans des navires à vapeur (avec John Black et d’autres), était copropriétaire de navires faisant du commerce avec les Antilles et de nombreux bateaux de pêche et était associé à des compagnies engagées dans la minoterie et la mouture des céréales. Il possédait enfin une abondante collection d’argenterie et de meubles de valeur.
En avril 1820, constatant la tragique pénurie de crédit et de numéraire qui sévissait dans la colonie, Scott, avec John Robinson et d’autres hommes d’affaires, joua un rôle important dans la fondation de la Bank of New Brunswick. Il était urgent de prêter du capital aux marchands de bois de l’endroit pour qu’ils puissent concurrencer des compagnies d’envergure comme la Pollok, Gilmour and Company de Glasgow [V. Alexander Rankin*], qui dominait le marché. La banque fut fondée selon « le principe commercial écossais » (prêts consentis sans garantie, seulement sur la base de la réputation et des moyens évidents de l’emprunteur). Parmi les 20 membres du premier conseil d’administration, 9 étaient des commerçants écossais, et Scott occupait parmi eux une place de premier plan comme actionnaire. Deux ans plus tard, en 1822, il dirigea la fondation d’une autre banque fonctionnant selon le « principe écossais », la Charlotte County Bank, dont le siège social fut établi à St Andrews. Scott se trouvait au deuxième rang parmi ses promoteurs et les membres de son conseil d’administration, 25 en tout, dont 15 étaient des commerçants et des hommes d’affaires écossais. La banque se révéla un succès, mais son premier registre de procès-verbaux ne montre que trop bien les énormes difficultés qu’elle connut à ses débuts. Dès 1825, la récession avait atteint la colonie. Les navires construits au Nouveau-Brunswick n’étaient plus du tout en demande, il y avait un surplus de bois sur le marché britannique, et les maisons de commerce de Saint-Jean faisaient faillite. Pourtant, les deux banques dans lesquelles Scott avait des intérêts traversèrent la crise et, dès 1828, commencèrent à réaliser des profits.
Pour sa famille de Greenock, Christopher Scott était une espèce d’« aventurier ». Il ne se maria jamais, mais son testament mentionne son « fils illégitime putatif », William Scott, à qui il légua une part considérable de sa fortune. Il mourut le 29 juillet 1833 en Angleterre après avoir joué un rôle déterminant dans le développement de la construction de navires et du commerce au Nouveau-Brunswick.
Musée du N.-B., Christopher Scott papers ; F86, testament de Christopher Scott.— Univ. of Glasgow Arch., GD 319/11/1–3.— N.S. vital statistics, 1829–34 (Holder et Hubley).— Esther Clark Wright, The Saint John River (Toronto, 1949).— M. N. Cockburn, A history of Greenock Church, St. Andrews, New Brunswick, from 1821 to 1906 (s.l., 1906).— Macmillan, « New men in action », Canadian business hist. (Macmillan), 44–103.— Two centuries of shipbuilding by the Scotts at Greenock (2e éd., Londres, 1920).— Daniel Weir, History of the town of Greenock (Greenock, Écosse, et Londres, 1829).— D. S. Macmillan, « Christopher Scott : smuggler, privateer, and financier », Canadian Banker (Toronto), 78 (1971), no 3 : 23–26 ; « Shipbuilding in New Brunswick [...] », 77 (1970), no 1 : 34–36.
David S. Macmillan, « SCOTT, CHRISTOPHER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_christopher_6F.html.
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Auteur de l'article: | David S. Macmillan |
Titre de l'article: | SCOTT, CHRISTOPHER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |