Originaire d’Irlande, John Skerry (1763–1838) s’installa à Halifax dans les années 1790 et établit un service de traversier entre cette ville et Dartmouth. Il acquit une réputation d’homme honnête et généreux en aidant les pauvres. Il porta secours à quelque 2 000 esclaves fugitifs noirs après la guerre de 1812. À sa retraite, il poursuivit ses œuvres caritatives, et insista sur l’importance de l’éducation et sur la possibilité de progresser dans le cadre des structures politiques existantes.

SKERRY, JOHN, homme d’affaires, philanthrope et fonctionnaire, né en 1763, probablement au mois d’octobre, à Ballyhale (république d’Irlande), fils aîné de Luke Skerry et de Mary Larissy ; il épousa Bridget Shea (décédée vers 1803), et ils eurent un fils et une fille, puis le 28 mai 1807, à Halifax, Maria Meagher, et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 1er septembre 1838 à Dartmouth, Nouvelle-Écosse.

John Skerry venait d’une famille de fermiers catholiques. On ne sait rien de ce que fut sa vie avant son immigration à Halifax en 1796 ou 1797. Peu après son arrivée, il exploitait un service de traversier entre Halifax et Dartmouth : à l’aide de deux grands chalands, il transportait des passagers, des marchandises et même des animaux. Ces embarcations à rames et à voile, plus lourdes que des chaloupes, exigeaient une équipe de deux hommes. Par beau temps, la traversée, longue d’un mille, prenait entre 30 et 40 minutes. Il n’y avait pas d’horaire pour les départs ; lorsqu’un nombre suffisant de voyageurs attendaient, l’un des préposés soufflait dans une conque et criait : « On traverse, on traverse ! »

Pour mettre en valeur son entreprise, Skerry acheta un lot riverain à Dartmouth en 1807 et y construisit un quai et une hôtellerie, qui fut parfois considérée comme un hospice. Dotée d’un bar, l’auberge logeait hommes et bêtes et servait en quelque sorte de bureau de change local. On y trouvait aussi un baril où les usagers du traversier déposaient les 4d requis pour leur passage. Avec ces fonds, Skerry put faire des prêts et acquérir de l’immobilier. Le « skipper Skerry » permettait occasionnellement aux pauvres de puiser dans ses barils. Son honnêteté et sa charité étaient reconnues, ce qui explique probablement pourquoi il ne se fit jamais voler.

La guerre de 1812 donna à Skerry une autre occasion d’exercer sa charité. Quelque 2 000 esclaves noirs de la région de la baie de Chesapeake avaient trouvé refuge à Halifax et des terres leur avaient été assignées à Preston, près de Dartmouth. Ces réfugiés, qui avaient « échangé l’esclavage sous le drapeau de la liberté [fictive] contre la liberté [réelle] sous le drapeau de l’Empire », vivaient une situation lamentable et avaient besoin d’aide. Touché, Skerry mit son auberge à leur disposition et y entreposa leurs provisions. De 1815 à 1818, il transporta ces nouveaux venus (ainsi que les médecins et les ecclésiastiques qui les desservaient) aller et retour sur ses traversiers et en retira moins de £100.

À peu près à la même période, Skerry affronta la concurrence d’une nouvelle sorte de traversier : en 1816, la Halifax Steam Boat Company inaugura un service entre Halifax et Dartmouth avec un bateau à manège. Muni de roues à aubes entraînées par des chevaux, ce bateau se révéla plus rapide et plus efficace que les bacs. Skerry et un autre exploitant protestèrent auprès de la chambre d’Assemblée contre cette menace à leur gagne-pain, sans succès toutefois. Il demeura en affaires mais, comme il pressentait qu’il ne pourrait l’emporter sur le « progrès », il accepta en 1822 de vendre ses installations à son concurrent et devint l’un des administrateurs de la compagnie. Les conditions du contrat lui étaient si favorables qu’il fut en mesure de prendre sa retraite.

Skerry poursuivit ses activités éducatives, religieuses et charitables. Il fut commissaire d’écoles à Dartmouth en 1820–1821, et pendant plusieurs années il chercha à faire concéder à cet endroit un lot pour la construction d’une église catholique. Le lieutenant-gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay], appréciait cette idée, mais il la trouvait prématurée. Au début de 1819, il refusa donc d’autoriser la concession en déclarant qu’il ne voulait pas, « en ce moment, voir aucun établissement porter atteinte à la très respectable église » de l’évêque Edmund Burke*, de Halifax. C’est donc Skerry lui-même qui fit don du terrain nécessaire en 1829. Il était aussi membre de la Charitable Irish Society depuis 1812, mais il démissionna en 1832 lorsque la société refusa, pour des raisons inconnues, de verser £10 pour venir en aide aux ouvriers du canal Shubenacadie [V. Charles Rufus Fairbanks]. Non seulement quitta-t-il la société, mais il versa le montant de sa poche.

Skerry n’était pas d’accord avec le mouvement de réforme mené par Laurence O’Connor Doyle* et Joseph Howe* dans les années 1830. Il manifesta en 1836 son appui à l’ordre établi, en proposant un candidat tory pour la circonscription de Halifax. Il croyait que le progrès pouvait se faire autrement qu’en changeant les structures politiques. Dans une lettre à un neveu d’Irlande, par exemple, il exhorte ce dernier à faire instruire son fils : « Fais en sorte que ton fils apprenne bien la grammaire ; trop d’écriture et de calcul ne vaut rien sans la grammaire [...] Si ton fils arrive en Amérique sans instruction ni métier, il ne sera d’aucune utilité. »

John Skerry amena un certain nombre de ses parents à sortir d’Irlande et les aida à s’établir dans le Nouveau Monde, mais il aurait été bien affligé s’il avait pu les voir se battre pour ses biens après sa mort. Le litige retarda d’ailleurs de plus de 15 ans le partage de l’héritage. Dans son testament, Skerry avait demandé qu’on lui fasse une sépulture chrétienne, simple et convenable, sans ostentation : « J’espère que ma femme bien-aimée distribuera le prix de ces ornements inutiles aux pauvres pour le bien de mon âme. » Une notice nécrologique rendit compte de sa carrière en ces termes : « Par son heureuse industrie, il acquit compétence et fortune, et les pauvres trouvèrent souvent dans son hospice les douceurs d’un foyer. »

Terrence M. Punch

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, 573 (mfm aux PANS).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 38 : fo 50 (mfm aux PANS).— PANS, MG 9, no 42 : 267 ; MG 15, 8–9 ; MG 20, 66 ; RG 5, P, 57 ; RG 36, chancery cases, no 1371.— St Mary’s Roman Catholic Basilica (Halifax), St Peter’s Church [St Mary’s Cathedral], reg. of marriages, 28 mai 1807 (mfm aux PANS).— Novascotian, or Colonial Herald, 6 sept. 1838.— [T. B. Akins], History of Halifax City (Halifax, 1895 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— M. J. Katzmann, Mrs William Lawson, History of the townships of Dartmouth, Preston and Lawrencetown ; Halifax County, N.S., Harry Piers, édit. (Halifax, 1893 ; réimpr., Belleville, 1972).— J. P. Martin, The story of Dartmouth (Dartmouth, N.-É., 1957).— J. M. et L. J. Payzant, Like a weaver’s shuttle : a history of the Halifax–Dartmouth ferries (Halifax, 1979).— T. M. Punch, Some sons of Erin in Nova Scotia (Halifax, 1980) ; « A note on John Skerry, a Kilkenny emigrant to Canada », Irish Ancestor ([Dublin]), 4 (1972) : 86–89.

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Terrence M. Punch, « SKERRY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/skerry_john_7F.html.

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