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SNOW, ALEXANDER JOHN RUSSELL, avocat et fonctionnaire, né le 2 décembre 1857 à Hull (Gatineau, Québec), fils de John Allan Snow*, arpenteur, et d’Emma Catherine Bradley ; le 25 novembre 1885, il épousa à Toronto Katherine Elizabeth Beaty (1860–1940), et ils eurent 11 enfants, dont 3 fils et 4 filles qui survécurent jusqu’à l’âge adulte ; décédé le 20 octobre 1937 dans cette ville et inhumé au cimetière Mount Pleasant.
Alexander John Russell Snow (qui signait A. J. Russell) naquit dans un milieu privilégié de la classe moyenne supérieure. Son père venait de Hull et sa famille maternelle du Nouveau-Brunswick. Il grandit confortablement à Hull, dans une maison spacieuse en pierres. Il reçut une éducation privée, puis étudia à l’Ottawa Collegiate Institute ; en 1876, il devint membre de la Law Society of Upper Canada à titre de stagiaire en droit.
Après son admission au barreau de l’Ontario en 1883, Snow ouvrit un cabinet à Toronto, et travailla principalement comme avocat dans des affaires civiles et criminelles. Il serait nommé conseiller du roi en 1908. Parmi ses causes les plus médiatisées figure sa défense d’un membre d’une des plus grandes sociétés immobilières du pays, la McCutcheon Brothers Limited ; les membres du conseil d’administration de la compagnie, accusés de conspiration en vue d’escroquer leurs investisseurs et leurs clients au moyen d’un stratagème impliquant des terrains surévalués, se verraient acquittés en 1916. Avocat plaidant respecté et prospère, Snow plaida également plusieurs affaires devant le comité judiciaire du Conseil privé de Londres.
Snow, conservateur, connaissait le premier ministre James Pliny Whitney*. Le 5 octobre 1906, ce dernier le nomma à la tête d’une commission royale d’enquête sur l’Ontario Institute for the Education and Instruction of the Blind à Brantford, dont le directeur, Herbert Fairbairn Gardiner, faisait face à des accusations de mauvaise gestion financière et administrative. Quand la mère d’une ancienne élève de l’Ontario Institute for the Education and Instruction of the Deaf and Dumb à Belleville, dirigé par Robert Mathison*, avait prétendu qu’on y avait battu sa fille, il incomba aussi à Snow d’enquêter sur cette allégation. Dans des rapports distincts émis l’année suivante, Snow critiqua Gardiner, fit l’éloge de Mathison (qui avait pris sa retraite au mois de novembre précédent), et conclut que les deux écoles avaient des installations inadéquates et des méthodes d’enseignement inférieures aux normes. Il recommanda de nombreux changements. Il suggéra notamment à l’établissement de Belleville de se concentrer davantage sur la méthode d’enseignement orale ; l’avis inspira probablement l’école, qui adopta officiellement le procédé en 1912.
Snow continua de pratiquer le droit à la suite du déclenchement de la Première Guerre mondiale, pendant laquelle deux de ses fils servirent outre-mer dans le Corps expéditionnaire canadien : Geoffrey Allan perdit la vie au combat à la bataille de Courcelette et Gerald Bradley subit des blessures au cours de la campagne des Cent Derniers Jours [V. sir Arthur William Currie]. Snow contribua autrement à l’effort de guerre : en janvier 1915, après la démission du juge Emerson Coatsworth, il se porta volontaire pour devenir officier de l’état civil, préposé aux registres des étrangers de nationalité ennemie pour Toronto. On avait créé cette fonction dans les centres urbains partout au pays en vertu d’un décret institué le 28 octobre 1914 par le gouvernement conservateur de sir Robert Laird Borden. Les officiers de l’état civil, placés sous l’autorité du commissaire de la police du dominion Arthur Percy Sherwood, servaient d’adjoints aux forces militaires en garnison dans leurs districts respectifs. Chacun devait veiller, dans son district, à ce que, dans un rayon de 20 milles, tous les résidents adultes de sexe masculin nés en Allemagne, dans l’Empire austro-hongrois ou dans l’Empire ottoman s’inscrivent à son bureau, puis s’y amènent régulièrement pour inspection. Si un étranger de nationalité ennemie semblait constituer une menace ou ne se présentait pas, l’officier pouvait ordonner son emprisonnement.
Pour accomplir cette tâche des plus difficiles, la sélection de Snow – membre respecté du barreau – s’imposa. Il occupa la fonction jusqu’à la fin de la guerre. D’une part, le gouvernement canadien avait des raisons légitimes de craindre pour la sécurité du pays : selon, notamment, les services de renseignements britanniques, des réservistes ou des saboteurs ennemis s’activaient peut-être au Canada. D’autre part, la propagande de guerre et le chauvinisme suscitaient des sentiments nativistes et racistes dans la population anglo-saxonne, qui menèrent à la dénonciation et à la détention injustifiée de milliers d’immigrants, dont certains étaient des sujets britanniques naturalisés. Snow, sachant que beaucoup de prétendus ennemis étrangers avaient perdu leur emploi, agit avec sympathie à l’égard de ceux qui semblaient respectueux de la loi et désireux de travailler. Dans une entrevue qui parut dans le Toronto Daily Star le 15 mai 1915, il s’exprima ainsi : « S’ils se montrent disposés à être de bons citoyens, à se tenir tranquilles, à ne pas causer de problèmes, et à être loyaux envers la Grande-Bretagne, il n’y a pas lieu de les déranger. »
Snow pouvait être juste et compatissant. Un jour, un Autrichien pâle et émacié nommé Jozef Furman se présenta devant lui, conformément aux exigences de la loi. « Vous avez l’air affamé, fit remarquer Snow. Avez-vous déjeuné ? » Lorsque l’homme secoua la tête, Snow lui tendit une pièce de monnaie et lui dit : « Prenez ceci, allez déjeuner, puis rendez-vous au City Relief Office pour voir si on peut faire quelque chose pour vous. » À d’autres moments, cependant, face à un manque de preuves ou à des interprétations contradictoires, Snow, comme d’autres dans la même fonction, se rabattait sur les hypothèses intolérantes au sujet des étrangers, façonnées par sa propre expérience, sa position sociale et sa classe professionnelle. En août 1915, Frederick Edward Riethdorf, qui enseignait l’allemand au Woodstock College, devait prendre la parole devant la Speakers’ Patriotic League dans le canton de Lake of Bays dans la région de Muskoka, au nord de Toronto ; Snow et Angus Claude Macdonnell, député fédéral de Toronto South, demandèrent, et obtinrent, l’annulation de l’événement. Même si Riethdorf appuyait l’effort de guerre (il s’opposait fermement au militarisme allemand et se joindrait au Corps de santé de l’armée canadienne), Snow et Macdonnell affirmèrent que, en raison de sa naissance en Allemagne, il ne pouvait s’adresser à un public britannique. À titre d’officier de l’état civil, Snow aida à façonner l’image qu’on avait des immigrants ; de plus, il leur servit d’intermédiaire dans l’évolution de leurs relations avec le gouvernement fédéral et avec la population majoritaire du Canada.
Après la guerre, Alexander John Russell Snow continua d’exercer sa profession juridique au sein du cabinet Beaty, Snow, and Naismith. Il siégea au conseil de direction de l’Ontario Bar Association en 1919–1920, et en devint vice-président en 1922. Il conserva une charge de travail active jusqu’à quelques mois avant sa mort, survenue le 20 octobre 1937 ; il avait 79 ans.
Alexander John Russell Snow a produit deux rapports pour des commissions royales d’enquête en Ontario, publiés à Toronto en 1907 : l’un sur le fonctionnement du Blind Institute à Brantford, et l’autre sur les rouages du Deaf and Dumb Institute à Belleville, que conservent les AO (RG 18-45). Nous avons également consulté dans ces archives les fonds RG 2-42 (Department of Education select subject files), file 916, et F 5-1 (Sir James Whitney fonds, corr.), contenant de la correspondance entre Snow et James Pliny Whitney.
AO, RG 80-5-0-139, no 14386 ; RG 80-8-0-1721, no 7040.— BAC, R233-29-7, vol. 463–607, Canada-Est, dist. Ottawa, sous-dist. Hull : 535 ; R233-34-0, Québec, dist. Ottawa Ouest (93), sous-dist. Hull (b) : 16 ; R233-36-4, Ontario, dist. Toronto (119), sous-dist. quartier St Thomas (I), div. 3 : 9 ; R233-37-6, Ontario, dist. Toronto Est (117), sous-dist. quartier 2 (B), div. 21 : 2.— Globe, 26 août 1915, 11 mars 1916.— Globe and Mail, 22 oct. 1937.— Toronto Daily Star, 13–15, 19, 23 janv., 4, 9–12 févr., 15, 17 mai, 25 août 1915 ; 21 oct. 1937.— Donald Avery, Dangerous foreigners : European immigrant workers and labour radicalism in Canada, 1896–1932 (Toronto, 1979).— Canada Law Journal (Toronto), 55 (1919) : 135 ; 58 (1922) : 159.— Adam Crerar, « Ontario in the Great War », dans Canada and the First World War : essays in honour of Robert Craig Brown, David MacKenzie, édit. (Toronto, 2005).— O. T. Martynowych, Ukrainians in Canada : the formative period, 1891–1924 (Edmonton, 1991).— Reg Whitaker et al., Secret service : political policing in Canada, from the Fenians to fortress America (Toronto et Buffalo, N.Y., 2012).— Who’s who and why, 1917–1918, 1919–1920.— Who’s who in Canada, 1927.
Mark Osborne Humphries, « SNOW, ALEXANDER JOHN RUSSELL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/snow_alexander_john_russell_16F.html.
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Auteur de l'article: | Mark Osborne Humphries |
Titre de l'article: | SNOW, ALEXANDER JOHN RUSSELL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2024 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 10 nov. 2024 |