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STEINHAUER, EGERTON RYERSON, instituteur et missionnaire méthodiste, né le 25 janvier 1859 à la mission du lac Whitefish (Alberta), troisième fils du révérend Henry Bird Steinhauer* et de Mamenawatum (Seeseeb, Jessie Joyful) ; le 6 août 1889, il épousa à Morley (Mînî Thnî), Alberta, Sarah Elizabeth Helliwell (1855–1928), et ils eurent un fils ; décédé le 21 avril 1932 dans la réserve de Saddle Lake, Alberta.

En 1858, soit trois ans après son ordination comme ministre méthodiste, Henry Bird Steinhauer installa la mission du lac Whitefish parmi les Cris des Bois et des Plaines, dans les parcs boisés au sud du lac la Biche, au nord de la rivière Saskatchewan-du-Nord et à proximité de la frontière nord des Prairies. Bien situées, les terres étaient hors de portée des pillards pieds-noirs, propices à l’agriculture, attenantes à un lac poissonneux et encore fréquentées par les bisons. Egerton Ryerson Steinhauer naquit à cet endroit en 1859.

La colonisation du Nord-Ouest par des immigrants venus d’Europe se produirait bientôt, et, moins de 20 ans plus tard, les Cris du lac Whitefish signeraient le traité no 6 [V. Kamīyistowesit*] au fort Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan). Le père d’Egerton Ryerson, ainsi que d’autres missionnaires, savait que, à l’instar de celle du centre du Canada, la population autochtone du Nord-Ouest se retrouverait prochainement minoritaire. Appartenant à la génération de méthodistes ojibwés (anichinabés) inspirés par Peter Jones* et John Sunday [Shah-wun-dais*], il croyait que les membres des Premières Nations pourraient survivre, et même prospérer, en devenant cultivateurs chrétiens. Pour ce faire, ceux-ci devraient s’instruire, et apprendre à lire et à écrire. Tout en élevant une famille de cinq filles et cinq garçons, Henry Bird et sa femme, Mamenawatum, s’efforçaient d’avoir des instituteurs pour leur école de mission isolée ; ils atteignaient difficilement leur objectif, car les volontaires ne restaient souvent que pour de courtes périodes. En 1903, Egerton Ryerson se souviendrait de cette époque avec tendresse : « J’avais parfois le plaisir d’aller chasser le bison avec mes parents, qui accompagnaient la bande dans leur chasse annuelle, et l’instituteur venait aussi et enseignait en plein air quand les circonstances le permettaient. »

Au sein du corps enseignant recruté, Elizabeth Ann Barrett figure parmi les membres les mieux formés. En 1886, James Seenum (Pakan), à la tête des Cris du lac Whitefish, se remémorerait son passage dans sa communauté, de 1875 à 1877 : « Dans nos camps, nous parlons souvent d’elle et de tout ce qu’elle a fait pour nous. Nos enfants l’adoraient pour ses actes de gentillesse à leur égard, et nos femmes la regardaient avec affection. » Guidé par Elizabeth Ann Barrett, Egerton Ryerson apprit suffisamment pour pouvoir la remplacer. Il enseigna durant deux ans, puis quitta le lac Whitefish avec son frère cadet Robert Bird* ; le missionnaire John Chantler McDougall*, qui avait épousé leur sœur alors disparue, les accompagnait. Les deux frères comptaient intégrer le Cobourg Collegiate Institute, en Ontario, afin de préparer leur entrée au Victoria College pour ensuite devenir ministres méthodistes.

Les Steinhauer aidaient financièrement leurs fils qui devaient travailler pendant l’été pour arriver à payer leurs études. En 1883, cependant, ils ne pouvaient plus se permettre de laisser deux de leurs enfants dans une école aussi lointaine qu’en Ontario. De plus, on avait besoin d’un instituteur au lac Goodfish, collectivité crie méthodiste nouvellement fondée près de la mission du lac Whitefish. En 1903, Egerton Ryerson expliquerait qu’après avoir obtenu son admission au Victoria College, il fit, à contrecœur, « le sacrifice de [sa] vie » en acceptant de rentrer à la maison.

Durant la rébellion du Nord-Ouest menée par Louis Riel* en 1885, Steinhauer plaida pour « la paix et la loyauté envers le gouvernement », se rangea du côté d’Ottawa et, avec Seenum, persuada les Cris de la région de ne pas intervenir dans le conflit. En outre, il poursuivit indépendamment sa formation théologique et reçut l’ordination en 1889. Doté d’un physique impressionnant – un commentateur le décrirait en 1903 comme « un beau spécimen masculin, grand, bien proportionné et droit comme une flèche » –, il avait également le sens de l’humour. Il déclara que, même sans diplôme du Victoria College, il était un b.a. : son frère Robert Bird était bachelier ès arts, mais lui, Egerton Ryerson, était « Born Again » (converti).

Du milieu des années 1880 jusqu’à sa mort en 1932, Steinhauer travailla dans plusieurs missions méthodistes. En 1884–1885, il exerça son ministère dans la région du lac Whitefish auprès des Cris des Plaines, de 1886 à 1894 à Morley avec les Stoneys, de 1894 à 1907 à Fisher River, au Manitoba, parmi les Cris des Bois, puis de 1907 à 1911 avec les Cris des Plaines à Hobbema (connu aujourd’hui par son nom cri, Maskwacis), en Alberta. Il débordait d’énergie. Frederick George Stevens*, instituteur à Fisher River au milieu des années 1890, se rappellerait que, pendant l’hiver, Steinhauer faisait des voyages en traîneau à chiens sur le lac Winnipeg et se rendait aussi loin qu’à son extrémité nord, à Norway House, soit à une distance d’environ 200 milles. Steinhauer retourna à Morley en 1911 ; il y resta jusqu’en 1918, année où il partit travailler parmi les Ojibwés à la réserve de Saugeen au bord du lac Huron, en Ontario, de 1919 à 1923. En 1920, il publia un recueil d’hymnes en langue crie avec Robert Bird. La mission de New Credit fut la dernière qu’il desservit, auprès des Ojibwés du peuple des Mississagués ; il y demeura de 1924 jusqu’à sa retraite en 1926. L’année précédente avait eu lieu la formation de l’Église unie du Canada [V. Samuel Dwight Chown ; Clarence Dunlop Mackinnon], qui regroupait les fidèles de l’Église méthodiste, les congrégationalistes et de nombreux presbytériens. En 1926, Steinhauer s’affranchit en renonçant à son statut d’Indien. Il voulait pouvoir voter et posséder des terres, à l’instar des hommes canadiens n’appartenant pas aux Premières Nations, droits dont on le privait à titre de pupille de la couronne.

L’année de son ordination, Steinhauer avait aussi épousé une parente du marchand Thomas Helliwell*, Sarah Elizabeth Helliwell, méthodiste laïque engagée et institutrice à la McDougall Orphanage and Training School de Morley. Elle aidait son mari dans une multitude de tâches. Dans une lettre qu’écrivit Steinhauer en 1906 à Fisher River, ce dernier observa que leur travail ne leur donnait « pas l’occasion d’accomplir de grandes choses ». De fait, « les jours paraiss[aient] souvent durs et décevants, et la victoire – l’établissement de la rectitude et de la vérité –, bien loin ». La plupart de leurs fonctions consistaient à « s’occuper des besoins quotidiens des gens » et à « rendre visite aux malades, leur distribuer de la nourriture et leur administrer les médicaments nécessaires ».

Le couple eut un fils, Wesley Bird. Peu après son service dans le Corps de santé de l’armée canadienne pendant la Première Guerre mondiale, il acheva la quatrième année de son cours de médecine de cinq ans à la University of Toronto. Pour des raisons inconnues, il ne le termina jamais.

Après la disparition de sa femme en 1928, Steinhauer vécut quelque temps à Calgary, puis rejoignit son frère à Saddle Lake, où il apporta sa contribution à la mission durant les quatre dernières années de sa vie. Selon Robert Bird, qui le nota dans son journal, la mort soudaine de son frère fut probablement « causée par ses efforts trop importants pour faire comprendre à son auditoire ce qu’[était] la vie chrétienne ». Plus de 20 ans auparavant, Egerton Ryerson, de la mission de la rivière Battle, près d’Hobbema, avait affirmé : « J’ai essayé d’accomplir mon devoir de pauvre et humble outil dans le vignoble de Dieu, depuis le tout premier jour de mon ministère. »

Ralph Garvin Steinhauer*, premier lieutenant-gouverneur autochtone de l’Alberta (1974–1979), évoquerait les frères missionnaires dans un discours prononcé en 1955. (Une fois veuve, sa mère avait épousé James Arthur Steinhauer, petit-fils de Henry Bird Steinhauer et de Mamenawatum.) Selon les notes de l’historien Hugh Dempsey, présent à l’occasion, le lieutenant-gouverneur se souvint chaleureusement d’Egerton Ryerson, dont il avait fait la connaissance au début des années 1930, après l’installation du missionnaire à Saddle Lake. À 70 ans passés, ce dernier demeurait un grand athlète et encourageait ainsi les jeunes de la réserve à s’adonner au sport : « [N]e vous laissez jamais vous-mêmes penser que vous n’êtes pas aussi bon qu’un Blanc. » Il stimulait également leur intérêt pour l’instruction, et essayait de semer en eux la graine de l’ambition : « Si vous ne vous redressez pas et que vous ne suivez pas les pratiques des Blancs en affaires, vous vous retrouverez en bien mauvaise posture ! Pourquoi ne deviendriez-vous pas des médecins, des avocats ou des hommes d’affaires ? » Tout en encourageant la réussite des jeunes en société, il se penchait sur des questions spirituelles. Il décrivit la danse du Soleil comme une forme de dévotion ; à son avis, en assistant à de telles cérémonies, les Autochtones païens observaient de « grandes prières, profondes et sincères ». Selon lui, la chrétienté partageait bon nombre des valeurs fondamentales de la spiritualité crie. Il ne voyait pas de contradiction entre ses racines autochtones et chrétiennes.

Donald B. Smith

Arch. privées, D. B. Smith (Calgary), copie des notes de Hugh Dempsey sur la conférence donnée par R. G. Steinhauer en 1955.— BAC, RG10-B-3, vol. 7275, dossier 8118-2 (Saddle Lake Agency, enfranchisement, Rev. R. B. Steinhauer and Rev. E. R. Steinhauer) ; RG150, Acc. 1992–93/166, boîte 9266-17.— GA, George and John McDougall family fonds, M-729-56 (N.W. Territories marriage reg. : Methodist Church Mission, Morleyville – 1884–1896, 1906), E. R. Steinhauer and S. E. Helliwell ; Robert Bird Steinhauer fonds, M-1174-19 ; Micro-Steinhauer, diaries, 1887–1937.— UCC, F3 (Wesleyan Methodist Missionary Soc. coll.), Acc. 1978.128C, box 42, file 308 (Henry Steinhauer, 6 mai 1861) ; F14 (Methodist Church (Canada) Missionary Soc. fonds), Acc. 1978.092C, box 7, file 139 (E. R. Steinhauer, 3 févr. 1909) ; F3188 (Frederick George Stevens fonds), autobiographical sketch.— UTARMS, A73-0026/423(99).— Christian Guardian (Toronto), 2 avril 1879.— New Outlook (Toronto), 20 févr. 1929, 20 avril 1932, 4 mai 1932.— Regina Leader, 19 oct. 1886.— Cree hymn book, rév. par R. B. Steinhauer et E. R. Steinhauer (Toronto, 1920).— Église méthodiste (Canada), Missionary Soc., Annual report (Toronto), 1877–1878 : xvi.— « In memoriam : James Arthur Steinhauer, 1882–1969 » (brochure inédite, Saddle Lake, Alberta, 1969 ; exemplaire conservé au DCB).— « [Letter from] Rev. E. R. Steinhauer », Missionary Bull. (Toronto), 1 (1903–1904) : 251–252.— « Letter from Rev. E. R. Steinhauer », Missionary Bull., 3 (1905–1906) : 819–821.— I. K. Mabindisa, « The praying man : the life and times of Henry Bird Steinhauer » (thèse de ph.d, Univ. of Alberta, Edmonton, 1984).— D. B. Smith, « Elizabeth Barrett », Alberta Hist. (Calgary), 46 (1998), no 4 : 19–28 ; Mississauga portraits : Ojibwe voices from nineteenth-century Canada (Toronto, 2013) ; « The Steinhauer brothers : education & self-reliance », Alberta Hist., 50 (2002), no 2 : 2–11 ; « Worlds apart », Canada’s Hist. (Winnipeg), octobre–novembre 2017 : 31–37.— M. D. Steinhauer, Shawahnekizhek : Henry Bird Steinhauer, child of two cultures (Goodfish Lake, Alberta, 2015).— Varsity (Toronto), décembre 1916, suppl. : 80.

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Donald B. Smith, « STEINHAUER, EGERTON RYERSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/steinhauer_egerton_ryerson_16F.html.

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Auteur de l'article:    Donald B. Smith
Titre de l'article:    STEINHAUER, EGERTON RYERSON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2023
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    8 oct. 2024