Titre original :  Sir Charles James Townshend, M.P.

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TOWNSHEND, sir CHARLES JAMES, avocat, homme politique, juge et historien, né le 22 mars 1844 à Amherst, Nouvelle-Écosse, fils de George Townshend et d’Elizabeth Lucy Stewart ; le 23 avril 1867, il épousa à Amherst Laura Kinnear (décédée en 1884), et ils eurent deux fils et quatre filles, puis le 25 octobre 1887, dans la même ville, Margaret MacFarlane (décédée en 1928), et ils eurent deux fils ; décédé le 16 juin 1924 à Wolfville, Nouvelle-Écosse, et inhumé à Amherst.

Par le sang, la tournure d’esprit, la religion et l’éducation, Charles James Townshend était un authentique spécimen de la vieille élite des Maritimes. À l’époque coloniale, son grand-père paternel, William Townshend*, avait été percepteur des douanes à l’Île-du-Prince-Édouard. Son père fut rector de la Christ Church d’Amherst durant plus de 60 ans. Par sa mère, fille du juge Alexander Stewart*, il était apparenté à trois dynasties d’avocats, les Dickey, les Ritchie et les Tupper. Diplômé du King’s College de Windsor (licence ès arts en 1863, licence en droit en 1872), Townshend y exercerait diverses fonctions : membre du conseil d’administration de 1881 à 1886, professeur à la ” faculté de droit civil ” à compter de 1890, c’est-à-dire après la reconstitution de celle-ci, et chancelier de 1912 à 1922. Le King’s College lui décernerait un doctorat honorifique en droit en 1908.

Townshend fut reçu au barreau en 1866, après trois années d’apprentissage à Amherst et une quatrième à Halifax. En 1868, il reprit le grand cabinet de son oncle, le sénateur Robert Barry Dickey, à Amherst. Une décennie plus tard, il y admit comme associés son frère John Medley Townshend et son cousin Arthur Rupert Dickey. Dans le dernier quart du xixe siècle, Amherst s’industrialisait dans divers domaines, grâce aux mines de charbon situées à proximité et à son emplacement stratégique sur le réseau ferroviaire [V. Nelson Admiral Rhodes*]. Le prestige de sa famille, la croissance économique et ses propres talents assureraient à Townshend une nombreuse clientèle. Y figureraient notamment des entreprises locales telles l’Amherst Boot and Shoe Manufacturing Company, dont il fut promoteur et membre du conseil d’administration, et la Cumberland Railway and Coal Company. En 1880, il reçut le titre de conseiller de la reine pour le dominion.

Malgré sa réussite professionnelle, Townshend éprouvait de l’insatisfaction au début des années 1880. Cet érudit au tempérament réservé avait l’étoffe d’un juge. ” Par goût et par ambition […], expliqua-t-il sans ambages au premier ministre de la province John Sparrow David Thompson* en 1882, [j’ai voulu] exceller dans la profession – en dehors de cela – la politique m’indiffère, et je n’y suis entré qu’en vue d’accéder à la magistrature. ” Il commençait d’ailleurs à se sentir à l’étroit à Amherst, mais il avait beau tendre la perche à Thompson, celui-ci ne lui proposait pas de se joindre à son cabinet juridique de Halifax.

Après une première tentative malheureuse en 1874, Townshend avait été élu député de la circonscription de Cumberland à la Chambre d’assemblée en septembre 1878, à l’occasion de la victoire décisive des conservateurs. À titre de ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Simon Hugh Holmes*, il se distingua surtout en rédigeant le County Incorporation Act de 1879, qui mit fin à un système désuet, le gouvernement local par des magistrats de la Cour des sessions. Il conserva son siège malgré la débâcle conservatrice de 1882, mais deux ans plus tard, à l’issue d’une entente avec les libéraux de Cumberland, il fut élu sans opposition au siège précédemment occupé par sir Charles Tupper* à la Chambre des communes [V. Thomas Reuben Black*]. Une fois Thompson devenu procureur général à Ottawa en 1885, Townshend le noya sous un flot de lettres où il réclamait, avec une insistance croissante, le poste de juge que, disait-il, Tupper lui avait promis.

Townshend accéda à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse le 4 mars 1887 et s’établit bientôt à Halifax. Vu la médiocrité de presque toutes les nominations antérieures, ce tribunal avait grand besoin de refaire son image. Thompson entendait redresser la situation en mettant l’accent sur la compétence, et le choix de Townshend s’inscrivait dans cette stratégie. Les services rendus au parti ne cessaient pas – loin de là – d’entrer en ligne de compte dans la distribution des faveurs, mais les qualités professionnelles venaient s’y ajouter, ce qui était nouveau. Aucun des quatre autres juges nommés par Thompson au tribunal néo-écossais n’avait occupé de poste électif, quoiqu’ils aient tous été conservateurs. Le 2 novembre 1907, à la suite de la démission de sir Robert Linton Weatherbe*, le premier ministre du pays, sir Wilfrid Laurier*, suivit l’exemple de Thompson. Malgré les pressions politiques en faveur du libéral Arthur Drysdale – le moins ancien des juges puînés –, il promut le juge qui avait le plus d’ancienneté, Townshend. De plus en plus dur d’oreille, Townshend utilisait depuis quelque temps déjà un cornet acoustique. Une fois, il demanda à ses collègues du tribunal quelle allure lui donnait cet ornement plutôt disgracieux. Benjamin Russell* raconta à ce sujet : ” les réponses n’ont pas fusé, mais M. le juge Weatherbe s’est montré à la hauteur de la situation en lui disant : “Quelle importance [...] si cela vous permet de mieux vous acquitter de vos fonctions ?” ” Townshend reçut le titre de chevalier en 1911 et prit sa retraite le 10 avril 1915. Wallace Nesbit Graham* lui succéda au poste de juge en chef. À la fin de sa vie, Townshend eut la satisfaction de voir son plus jeune fils, Cecil Wray, choisir la profession juridique ; il obtint son diplôme de l’école de droit de Dalhousie en 1923.

Un bon nombre de lois fédérales et provinciales furent adoptées pendant le mandat de Townshend. De plus en plus régulièrement, le tribunal eut à entendre des causes relatives aux règlements sur la tempérance, au droit minier, au pouvoir des sociétés et municipalités et à la législation sur les biens des femmes mariées. Townshend était un juriste de talent et la Cour suprême du Canada manifestait du respect à l’endroit de ses avis juridiques. Cependant, il n’avait rien d’un avant-gardiste. À l’époque où il siégeait au Parlement, il s’était opposé au suffrage féminin. En outre, il donna une interprétation restrictive du Married Women’s Property Act de 1884 dans plusieurs jugements rendus avant la révision approfondie de cette loi néo-écossaise en 1898.

Si ses contemporains connaissaient surtout Townshend en tant que juge, c’est de son œuvre d’historien dont on se souviendra le plus. Son livre sur les tribunaux provinciaux de common law et d’equity est le premier ouvrage sérieux d’histoire des institutions consacré à des cours néo-écossaises. Fondé en grande partie sur des documents originaux, il s’approche des critères de l’historiographie professionnelle. Townshend publia aussi une longue étude sur son grand-père Stewart et plusieurs biographies plus courtes de juges de la Cour suprême de la province. Ces écrits contiennent des informations utiles, mais leur ton est hagiographique.

En 1908, la Nouvelle-Écosse fêta le cent cinquantième anniversaire de son gouvernement représentatif, et l’honneur de prononcer le discours à l’occasion des célébrations publiques revint à Townshend. À compter de cette date, la commémoration de 1758 éclipsa celle de l’établissement du gouvernement responsable. À la différence des célébrations tenues au début de l’époque victorienne – où des représentants des communautés noire et autochtone jouaient un rôle et auxquelles des femmes participaient quelquefois –, les fêtes de 1908 ne mettaient en scène que des hommes de race blanche, des Anglo-Saxons en fait, leur but étant d’illustrer la supériorité de la race britannique et de faire rejaillir l’éclat de la gloire impériale sur les institutions provinciales. Impérialiste, Townshend lui-même l’était aussi dans sa vie privée. Il soutenait que sa famille descendait des nobles Townshend du Norfolk, bien que les auteurs de Burke’s peerage n’en aient pas été convaincus. Sa maison d’été à Wolfville s’appelait Raynham, tout comme le manoir principal des Townshend en Angleterre.

Sir Charles James Townshend était un cas inhabituel : tout étant issu de l’ancienne élite, il tira son épingle du jeu en adoptant les nouvelles règles de la politique de parti. Il sut profiter de la conjoncture économique en faisant la promotion d’au moins une entreprise et en pratiquant le droit des affaires, et il servit bien la population en tant que juge. Toutefois, dans ses écrits et ses déclarations publiques, il défendit une position impérialiste qui confinait à l’anglophilie nostalgique.

Philip Girard

Les NSARM ont une petite collection de papiers Townshend où l’on retrouve ” A short record of the Townshend family “, texte rédigé par Charles James Townshend pour ses descendants en 1896. Peut-être le caractère plutôt sévère de Townshend a-t-il découragé les biographes : mis à part les entrées dans les dictionnaires biographiques usuels, la seule notice publiée est R. E. Inglis, ” Sketches of two chief justices of Nova Scotia “, N.S. Hist. Soc., Coll. (Halifax), 39 (1977) : 107–119. En ce qui concerne sa carrière politique et juridique, l’ouvrage de P. B. Waite intitulé The man from Halifax : Sir John Thompson, prime minister (Toronto, 1985) est indispensable ; voir aussi Philip Girard, ” The Supreme Court of Nova Scotia, responsible government, and the quest for legitimacy, 1850–1920 “, Dalhousie Law Journal (Halifax), 17 (1994) : 430–457.

Townshend a lui-même beaucoup écrit. Son meilleur ouvrage, encore utile de nos jours, figure dans deux longs articles sur l’histoire des tribunaux de la Nouvelle-Écosse parus en fascicules dans le Canadian Law Times (Toronto) ; le premier, dans le vol. 19 (1899), traitait des tribunaux judiciaires (en fait, seulement de la Cour inférieure des plaids communs et de la Cour suprême), et le deuxième, dans le vol. 20 (1900), traitait de la Cour de la chancellerie. Ces articles ont été réunis en 1900 par Carswell, de Toronto, et publiés sous un titre trompeur, History of the Court of Chancery in Nova Scotia (Toronto, 1900). Le texte de Townshend intitulé ” Life of Honorable Alexander Stewart, c.b. ” a paru dans N.S. Hist. Soc., Coll., 15 (1911) : 1–114 et a été publié sous forme de livre, probablement à compte d’auteur, la même année. On trouve trois autres essais de Townshend dans Coll. : ” Memoir of the life of the Honourable William Blowers Bliss “, 17 (1913) : 23–45 ; ” Jonathan Belcher, first chief justice of Nova Scotia “, 18 (1914) : 25–57 ; et son dernier texte, ” The Honourable James McDonald “, 20 (1921) : 139–153. [p. g.]

BAC, MG 26, D, Townshend à Thompson, 11, 14, 19 juill. 1882, 9 juill., 24 déc. 1886, 1er janv. 1887 ; Townshend à A. W. McLellan, 18 déc. 1886.— NSARM, MG 100, 49, nº 14 ; RG 39, HX, M, 2, nº 49.— Amherst Gazette (Amherst, N.-É.), 11 mars 1887.— Halifax Herald, 17 juin 1924.— E. M. Macdonald, Recollections, political and personal (Toronto, [1938 ?]), 128s.— Benjamin Russell, Autobiography of Benjamin Russell (Halifax, 1932), 251–253.

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Philip Girard, « TOWNSHEND, sir CHARLES JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/townshend_charles_james_15F.html.

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Auteur de l'article:    Philip Girard
Titre de l'article:    TOWNSHEND, sir CHARLES JAMES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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