VARIN, dit La Pistole, JACQUES (il signait Jacques Varin), orfèvre et joaillier, baptisé à l’église Notre-Dame de Montréal le 3 octobre 1736, fils de Louis-Joseph Varin, dit La Pistole, et de Marie-Renée Gautier ; il épousa à Montréal le 27 janvier 1777 Marie-Josette Périnault ; décédé dans la même ville le 25 janvier 1791.

Plusieurs auteurs ont prétendu à tort que Jacques Varin, dit La Pistole, était issu d’une famille d’orfèvres ; son grand-père, Nicolas, ses oncles, Jacques et Nicolas, et son père furent tous tonneliers. Ce dernier – à qui on a faussement attribué le poinçon d’orfèvre LV dans un cartouche – était déjà tonnelier lors de son mariage en 1731 et plusieurs documents confirment qu’il exerça ce métier toute sa vie. Cependant, la sœur de Jacques, Marie-Louise, épousa en 1755 un orfèvre, Jean Joram Chappuis, dit Comtois. Ce dernier travaillait à Montréal depuis déjà un certain temps puisqu’il avait assisté en 1748 au mariage d’Ignace-François Delezenne, en compagnie de Jacques Gadois*, dit Mauger. Jacques Varin a certainement appris son métier auprès de son beau-frère, car Gadois était mort en 1750 et Delezenne avait déménagé à Québec en 1752. D’autre part, il est peu plausible que Varin ait appris son métier auprès des autres orfèvres montréalais réunis autour de Roland Paradis*, ses apprentis Jean-Baptiste Legu, dit La Noue, et Jean-Baptiste Plante ou auprès du cousin de Paradis, Charles-François Delique, venu de France vers 1753. Comme l’apprentissage se terminait habituellement vers l’âge de 20 ou 21 ans, on peut supposer que Varin établit sa propre boutique vers 1756–1757.

Demeurant rue Saint-Paul en 1762, « jacque varin Mar Chan orffeuvre » achète un emplacement faubourg Saint-Joseph. En 1763, il loue pour un an, « pour lui et ses gens », une maison sise rue Capitale au prix de 250#. Trois indices confirment par la suite l’augmentation de sa fortune, de sa clientèle et de sa réputation : il devient propriétaire d’une maison rue Saint-Sacrement, où il habite en permanence ; il engage pour cinq ans, en mars 1769, Eustache Larivée comme apprenti orfèvre et joaillier et, clause exceptionnelle, le père du jeune homme, Charles Larivée, négociant de Montréal, doit verser 250# ou « shillings monnoyes de Cette province ». À l’expiration du contrat, Eustache Larivée ouvrira une boutique d’orfèvre rue Notre-Dame et engagera à son tour un apprenti, Jean Choisser. Puisque Varin exerçait le métier de joaillier, comme l’indique le contrat d’apprentissage avec Larivée, on peut être assuré qu’il s’intéressa au commerce lucratif des bijoux et colifichets pour la traite. Ceci peut expliquer le fait que l’on ne conserve qu’une vingtaine d’œuvres religieuses et domestiques portant son poinçon (une couronne, IV, un cœur [?]).

La domination anglaise amena à Montréal plusieurs orfèvres étrangers, dont Robert Cruickshank*. Curieusement, la soupière des sulpiciens, façonnée vers 1775 et conservée au musée de l’église Notre-Dame de Montréal, porte les poinçons de Varin et de Cruickshank. L’élégance sobre de ses proportions et la qualité de ses ciselures, caractéristiques de l’œuvre de Cruickshank, peuvent nous laisser croire que celui-ci a travaillé en association avec Varin. Cruickshank, probablement originaire d’Écosse ‘ aurait pu apporter de Grande-Bretagne et transmettre à Varin le goût des antiquités grecques et romaines incarné dans la soupière par des têtes prophylactiques aux anses et des pieds anthropomorphes. (Les têtes prophylactiques étaient des effigies de divinités gréco-romaines dont le rôle consistait, sur les vases anciens, à surveiller les anses afin qu’elles ne se brisent pas et que le contenu chaud de la soupière ne brûle pas le porteur.) Par son paganisme et par l’habileté technique dont elle fait preuve, cette œuvre de fortes dimensions est l’une des plus importantes réalisations somptuaires d’orfèvrerie québécoise au xviiie siècle.

On relève dans les livres de comptes de fabriques plusieurs mentions de paiements faits à Varin durant les dernières années de sa vie. Il est dommage que l’on n’ait pas conservé l’instrument de paix (plaquette de métal ornée que l’on faisait baiser aux fidèles) de l’église Saint-Charles-de-Lachenaie pour lequel lui furent versées, en 1787, 66# pour le matériau et 28# pour la façon.

Robert Derome

Les œuvres de Jacques Varin, dit La Pistole, sont conservées à Toronto, dans la collection Henry Birks, à Montréal, chez les Dames de la Congrégation de Notre-Dame, à l’Hôtel-Dieu et à l’église Notre-Dame, ainsi qu’à Québec, au Musée du Québec, et aux États-Unis, au Detroit Institute of Arts.  [r. d.]

ANQ-M, État civil, Catholiques, La Nativité-de-la-Très-Sainte-Vierge (Laprairie), 31 mars 1723 ; Notre-Dame de Montréal, 30 avril 1731, 22 févr. 1735, 3 oct. 1736, 22 janv. 1738, 13 mars 1739, 2 oct., 11 déc. 1740, 3, 5 mars 1743, 8 janv. 1748, 30 juin 1755, 5 juin 1758, 24 avril 1760, 9 nov. 1772, 8 févr. 1773, 27 janv. 1777, 29 janv. 1791 ; Saint-Antoine (Longueuil), 16 juill. 1731 ; Greffe d’Antoine Adhémar, 20 mars 1709 ; Greffe de Guillaume Barette, 21 juill. 1720, 14 nov. 1722, 30 mars (acte non retrouvé), 26 juin 1723, 7 janv., 7 juin 1724, 25 juin 1731, 18 mai 1732, 24 mars 1733 ; Greffe de René Chorel de Saint-Romain, 15 juill. 1731 ; Greffe d’Antoine Foucher, 26 janv. 1777 ; Greffe de N.-A. Guillet de Chaumont, 9 juill. 1730, 29 avril 1731, 2 janv., 24 juill. 1733, 20 mars 1734 ; Greffe de Gervais Hodiesne, 24 juill. 1760, 31 mai 1763 ; Greffe de M.-L. Lepailleur, 28 févr. 1720 ; Greffe de J.-C. Raimbault, 9 avril 1731 ; Greffe de François Simonnet, 12 juin 1745, 31 juill. 1747, 29 janv. 1765, 2 mars 1769, 1er oct. 1774 ; Greffe d’André Souste, 10 sept. 1762, 27 juill. 1763.— ANQ-Q, Greffe de J.-C. Panet, 4 déc. 1755.— État général des billets d’ordonnances [...], ANQ Rapport, 1924–1925, 251.— Recensement de Montréal, 1741 (Massicotte), 52s.— Les arts au Canada français ([Vancouver], 1959), 73.— Derome, Les orfèvres de N.-F.— Tanguay, Dictionnaire.— J. Trudel, L’orfèvres en N.-F.— Robert Derome, Delezenne, les orfèvres, l’orfèvrerie, 1740–1790 (thèse de m.a., université de Montréal, 1974).— Langdon, Canadian silversmiths.— Traquair, Old silver of Que.— Gérard Morisset, L’instrument de paix, SRC Mémoires, 3e sér., XXXIX (1945), sect. : 145.

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Robert Derome, « VARIN, dit La Pistole, JACQUES (Jacques Varin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/varin_jacques_4F.html.

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Titre de l'article:    VARIN, dit La Pistole, JACQUES (Jacques Varin)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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