YOUNG, JOSEPH-MARIE (à l’origine son nom complet était Jacques-Victor-Joseph-Marie Yung ; on trouve aussi Jean-Marie et diverses combinaisons de ses prénoms d’origine, de même que les noms de Lejeune, Yung, dit Lejeune, Yong et Yonge), frère, clerc de Saint-Viateur, enseignant et administrateur scolaire, né en 1820 à Metz, France, fils de Nicolas Yung et de Thérèse-Élisabeth Marcus ; décédé le 13 juillet 1897 à Montréal et inhumé le 15 à Joliette, Québec.

Joseph-Marie Young devient sourd à l’âge de cinq ans. Cependant, grâce à l’aisance de sa famille, il reçoit une excellente éducation à l’Institut des sourds-muets de Nancy, en France. Par la suite, il enseigne à l’Institution des sourds-muets de Soissons. À deux reprises, il tente de se faire religieux, mais sa santé l’en empêche. En 1854, il est professeur à l’Institution des sourds-muets de Lyon où il fait la connaissance de Mgr Ignace Bourget*, venu en France à la recherche de maîtres pour relancer l’Institution des sourds-muets de Montréal [V. Charles-Irénée Lagorce*]. Il entre alors au noviciat des Clercs de Saint-Viateur à Vourles, près de Lyon, et prononce ses vœux en octobre 1855.

Le frère Young arrive à Montréal en décembre 1855 et, assisté d’une équipe de jeunes clercs de Saint-Viateur, il prend immédiatement la direction de l’institution. Situé à Coteau-Saint-Louis (appelé aussi Saint-Louis-du-Mile-End), cet établissement est officiellement catholique et bilingue. Au début de janvier 1856, le prospectus et le programme d’études, rédigés par Young et publiés dans les journaux, annoncent qu’on y enseignera la dactylologie ou langage des signes, qui doit supplanter la mimique, et que toutes les matières du programme, lequel n’est guère différent de celui des écoles modèles de l’époque, seront enseignées au moyen de l’écriture et du langage des signes.

De 1856 à 1897, Young se consacre avant tout à l’éducation des jeunes sourds-muets, en plus de remplir la fonction de chef de l’atelier de reliure et, dans les dernières années de sa vie, celles de bibliothécaire et d’infirmier. En outre, jusqu’en 1863, à titre de directeur et de procureur de l’établissement, il est responsable de l’organisation pédagogique et matérielle de la maison. Il implante à Montréal les meilleures méthodes d’enseignement aux sourds-muets alors connues en France et aux États-Unis. Pour faciliter la mémorisation chez les enfants moins doués, il compose un petit catéchisme qui ne contient que l’essentiel des vérités de la religion avec le langage des signes inscrit au-dessus des mots en français. Cet outil pédagogique est sans aucun doute à l’origine des catéchismes publiés par les enseignants de l’institution à partir de 1876. Afin d’assurer la continuité de son œuvre, Young forme de solides collaborateurs, dont Alfred Bélanger, Prosper Thériault et Damien Mainville. À partir de 1873 – année de la reconnaissance juridique de l’établissement sous le nom d’Institution catholique des sourds-muets pour la province de Québec – et jusqu’à la fin de sa vie, il fait aussi partie du conseil d’administration.

De 10 élèves en 1855–1856, au moment où l’on dénombre environ 900 sourds-muets au Bas-Canada, l’établissement de Montréal est passé en 1897 à plus de 100 pensionnaires encadrés par une trentaine d’enseignants et de chefs d’atelier. Sous l’impulsion de Young et sous l’habile direction de son successeur, le père Alfred Bélanger, les progrès ont été rapides. On enseigne la parole et l’articulation à partir de 1870 et on initie les jeunes sourds-muets à divers métiers ainsi qu’à l’agriculture. En 1893, la maison participe activement à l’Exposition universelle de Chicago.

L’action du frère Young déborde le cadre de l’Institution des sourds-muets. Dès son arrivée à Montréal, il s’occupe de l’enseignement religieux aux sourds-muets adultes qu’il rencontre chaque dimanche, généralement dans une église de la ville, mais parfois à trois endroits différents. De plus, il visite les sourds-muets pour les préparer à la réception des sacrements, service qu’il donne également aux sourds-muets âgés hébergés dans l’établissement. Il accompagne aussi les prêtres de la communauté dans leurs randonnées à travers les diocèses du Canada et collabore à la prédication aux sourds-muets.

Au fil de sa longue carrière, Joseph-Marie Young est devenu une sorte d’institution associée à la cause des sourds-muets. Lui-même atteint de surdi-mutité, il constitue la preuve vivante que les sourds-muets peuvent être « démutisés ». Ses talents d’expression et de mime hors du commun lui permettent de se faire comprendre de tous, même des non-initiés au langage des signes, qui assistent en foule à ses instructions religieuses dominicales. Grâce à ses dons de communicateur exceptionnels, joints à sa personnalité pittoresque et à la qualité de sa vie religieuse, cet éducateur à la longue barbe de patriarche a joué un rôle charismatique de premier plan, non seulement auprès des sourds-muets, mais auprès des autorités et de l’opinion publique, à l’origine peu sensibles à cette cause.

Léo-Paul Hébert

Joseph-Marie Young est l’auteur des manuscrits suivants conservés aux Arch. des Clercs de Saint-Viateur (Montréal) : « Aspirations affectueuses et pieuses envers St Viateur ou Rayons du nom de St Viateur » ; « Diverses prières à St Viateur » ; « Recueil de méditations de la vie de saint Viateur, patron de la Société des Clercs de Saint-Viateur » ; « le Chemin du paradis ; recueil de prières diverses », ainsi que des prières contenues dans les six dernières pages de « Élévations du religieux de St Viateur ou l’Âme religieuse sanctifiée par la prière en union avec St Viateur [...] » (1871).

Le père François Prud’homme, c. s. v., a préparé en 1977 un inventaire intitulé « Archives des Clercs de Saint-Viateur – archives de la direction générale –, documentation concernant les provinces et les établissements du Canada, 1841–1919 ». On peut consulter aussi Congrégation des Clercs de Saint-Viateur – archives canadiennes – , documentation de provenance extérieure sur les Clercs de Saint-Viateur canadiens conservée en diverses archives du Canada, 1844–1919 (Outremont, 1980). Des microfilms de ces deux instruments de recherche se trouvent aux Arch. des Clercs de Saint-Viateur à Joliette (Québec), Montréal et Rome ainsi qu’aux AN et aux ANQ. La correspondance relative au frère Young se retrouve en partie dans les vol. 5 et 6 du Dossier Amérique (6 vol. polycopiés, Coteau-du-Lac, Québec, 1955–1959), dans les vol. 33 et 34 du Dossier Querbes (44 vol. polycopiés, Rome, 1973–1977), et dans les vol. 7 et 8 des Documents (14 vol., Coteau-du-Lac), toutes sources qui sont conservées dans les archives de la communauté à Montréal.

ACAM, 355.107, 856–1 ; 465.105, 854–26, 855–1, 855–4, 855–9, 855–18, 856–24, 858–8 ; 789.008 ; 901.055, 855–39 ; 901.077, 855–6, 855–9, 856–2 ; RLB, IX : 254–256, 296–298, 305–306 ; XVIII : 147.— ANQ-M, CE5-24, 15 juill. 1897.— Arch. de l’Institution des sourds-muets (Montréal), Articles de journaux, B, 34 ; C, 6–7, 12, 27, 36, 49, 52, 55, 58, 71 ; « Mémoire sur l’œuvre des sourds-muets catholiques de la province de Québec » (Montréal, 1912) ; Reg. 105 : 27, 61, 254–256 ; 106 : 14 ; 108 : 6 ; 114 : 6, 26–27 ; 116 : 43.— Arch. des Clercs de Saint-Viateur, Étienne Champagneur, « Annales de la Société de Saint-Viateur en Canada », 1857–1873 ; Corr., Bourget à Young, 15 oct. 1855 ; Champagneur, circulaire, 20 déc. 1855 ; Champagneur à Young, lettre d’obédience, 8 sept. 1862 ; Favre à Lajoie, 5 avril 1870, 21 déc. 1871 ; Querbes à Champagneur, 13 nov. 1855, 3 déc. 1857 ; Dossier Institution des sourds-muets, rapports des visites canoniques ; copie de corr. diverses ; Institution des sourds-muets, renseignements antérieurs aux ordos de l’institution, 1848–1895 ; Sér. N, dossier J.-M. Yung.— Arch. des Clercs de Saint-Viateur (Rome), Corr., Bourget à Querbes, 22 mars 1857 ; Champagneur à Querbes, 11 nov. 1856, 20 avril 1857 ; Damais à Querbes, 9 janv. 1856 ; Jacques-Duhaut à Querbes, 6 févr. 1856 ; Lagorce à Querbes, 18 janv. 1856 ; Lagorce à LaRocque, 19 mars 1856 ; Parot à Young, 18 oct. 1855 ; Young à Querbes, 17 janv. 1855, 4 janv. 1856, 31 août 1859 ; Young à Favre, 15 janv., 11 juin 1860.— Ignace Bourget, Circulaire de Sa Grandeur Mgr l’évêque de Montréal au sujet des sourds-muets (Montréal, 1856).— É.-C. Fabre, « les Sourds-Muets [circulaire aux curés de la ville et de la banlieue de Montréal, 18 févr. 1883] », la Minerve, 27 févr. 1883.— L’Étoile du Nord (Joliette), 15 juill. 1897.— La Minerve, 27 févr. 1883.— Le Monde (Montréal), 1er mars 1873, 27 mars 1893.— La Presse, 3 juin 1893, 14 juill. 1897.— [J.-P. Archambault], Une ouvre sociale : l’Institution des sourds-muets [...] (Montréal, 1949).— Antoine Bernard, les Clercs de Saint-Viateur au Canada (2 vol., Montréal, 1947–1951), 1 : 229, 237, 326, 415, 587.— Benoît Levesque, « Naissance et Implantation des Clercs de Saint-Viateur au Canada, 1847–1870 » (thèse de m.a., univ. de Sherbrooke, Québec, 1971).— [J.-B. Manseau], Notes historiques sur l’Institution catholique des sourds-muets pour la province de Québec [...] (Montréal, 1893).— Pouliot, Mgr Bourget et son temps, 3 : 118.— Pierre Robert, Vie du père Louis Querbes, fondateur de l’Institut des Clercs de Saint-Viateur (1793–1859) (Bruxelles, 1922), 544–547, 553, 556.— « Frère Jean-Marie-Joseph Young », Institut des Clercs de Saint-Viateur, Annuaire (Montréal), 7 (1897–1898) : 113–119.— Augustin Groc, « Conférence... Un coup d’œil sur le passé », l’Ami des sourds-muets (Montréal), 1 (1908–1909), n° 9 : 56–59 ; n° 1 l : 73.— Corinne Rocheleau-Rouleau, « Parler est chose facile, vous croyez ? », RHAF, 4 (1950–1951) : 345–374.— « Le R. P. Alfred Bélanger (1835–1910) », Institut des Clercs de Saint-Viateur, Annuaire, 20 (1911) : 28–38.

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Léo-Paul Hébert, « YOUNG (Lejeune, Yung, dit Lejeune, Yong, Yonge), JOSEPH-MARIE (Jean-Marie) (Jacques-Victor-Joseph-Marie Yung) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/young_joseph_marie_12F.html.

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Auteur de l'article:    Léo-Paul Hébert
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    13 déc. 2024