APPLEBY, CHARLES, fermier, né le 25 décembre 1866 en Jamaïque ; décédé célibataire le 12 mars 1929 à Essondale (Port Coquitlam, Colombie-Britannique).
Selon des registres de recensement, Charles Appleby, qui était d’ascendance africaine, immigra au Canada en 1896. Il vécut pendant un certain temps dans les basses terres continentales de la Colombie-Britannique et s’installa ensuite à l’île Salt Spring, située près de l’extrémité sud de l’île de Vancouver et deuxième en superficie des îles du Golfe. Il résiderait plus de 20 ans à cet endroit, y gagnant pauvrement sa vie comme jardinier maraîcher et fermier.
Les premiers immigrants noirs de la Colombie-Britannique étaient arrivés de San Francisco en 1858 parmi toute une population diversifiée attirée par la ruée vers l’or dans la région du Fraser [V. Mifflin Wistar Gibbs*]. Bon nombre d’entre eux cherchaient également à fuir les lois racistes de la Californie. Les colons noirs s’installèrent à l’île Salt Spring en 1859. Région riche en gibier et en terres agricoles, cette île faisait partie de la zone non cadastrée rendue accessible par le gouverneur James Douglas* à la suite de plaintes concernant le prix élevé des terres [V. Joseph Despard Pemberton*]. Le 26 juillet 1859, 29 colons de nationalités diverses furent autorisés à exercer un droit de préemption sur des terres de l’île. Le lendemain, les colons noirs Armstead Buckner, Abraham Copeland et William Robinson étaient du premier groupe parti s’établir à l’île Salt Spring. D’autres Noirs suivraient et partiraient se bâtir des foyers dans des conditions d’isolement et souvent dangereuses. Plusieurs participeraient aux affaires municipales et provinciales. Dès la fin du siècle, certains de ces premiers colons noirs avaient quitté l’île, soit en raison de tensions raciales, soit parce que la fin de la guerre civile aux États-Unis les encouragea à y retourner. D’autres étaient partis profiter de débouchés économiques s’offrant ailleurs, et certains étaient morts. Néanmoins, lorsque Charles Appleby vint s’établir dans l’île en 1896, les descendants de plusieurs familles pionnières noires y vivaient toujours.
Sur une photographie de lui prise vers 1910, Appleby apparaît comme un homme mince, d’allure nerveuse, à la chevelure grisonnante et fumant la pipe ; âgé d’une quarantaine d’années, il a l’air d’en avoir plus de soixante. D’après certains habitants de l’île, il était quelque peu bizarre, mais inoffensif, et possédait un don de voyance. Leonard Tolson raconte dans ses mémoires qu’Appleby avait prédit le naufrage du bateau à vapeur l’Iroquois, parti le 10 avril 1911 de Sidney, en Colombie-Britannique, en direction des îles du Golfe, avec à son bord de la marchandise et une quarantaine de passagers. À moins d’un mille de la côte, le bateau affronta une mer déchaînée, une partie de sa cargaison se déplaça, et il sombra, entraînant dans la mort au moins 21 personnes. Tolson relate que, avant la catastrophe, Appleby, « en larmes et hystérique, était tombé sur un groupe d’hommes à qui il [avait] affirm[é] avoir tout juste vu couler l’Iroquois et un grand nombre de personnes se noyer. Les hommes, connaissant son esprit dérangé, ne le prirent pas vraiment au sérieux. »
Charles Appleby vécut à l’île Salt Spring pendant presque dix autres années, et continua vraisemblablement d’éprouver des problèmes. Le 6 avril 1921, il fut admis au Provincial Hospital for the Insane d’Essondale. Son dossier d’admission indique que « l’état mental du patient [était] tel qu’il était impossible d’obtenir de lui d’antécédents personnels ou familiaux valables. Il ne donn[ait] jamais la même réponse [à la même question] deux fois d’affilée. » Son examen physique indique qu’il mesurait cinq pieds six pouces et demi, pesait 118 livres, souffrait de malnutrition, et « présent[ait] des signes prononcés de vieillissement précoce ». Il fut interné par la docteure Eva Maud Sutherland, de Ganges Harbour à l’île Salt Spring, à qui il avait entre autres affirmé être le fils de la reine Élizabeth I et être déjà sorti de chez lui pour capturer le cheval de son voisin pleins de bijoux. Appleby ne causait pas de problèmes, si ce n’est, comme le rapportèrent Sutherland et le constable de la police provinciale de l’île Salt Spring, lorsqu’il proférait des jurons et devenait grossier à l’endroit d’enfants s’amusant à le taquiner. Il ne quitta jamais l’asile et mourut dans la ferme qui lui était attenante.
AN, RG 31, C1, 1901, New Westminster, C.-B., div. 2 : 35.— BCA, GR-2880, 90, file 6815 ; GR-2951, nº 1929-09-424334 (mfm).— Salt Spring Island Hist. Soc. Arch. (Salt Spring Island, C.-B.), Toynbee Coll. (photographies).— Bea Hamilton, Salt Spring Island (Vancouver, 1969).— Snapshots of early Salt Spring and other favoured islands, R. M. Toynbee, compil. (Ganges, C.-B., 1978), 56
Sherry Edmunds-Flett, « APPLEBY, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/appleby_charles_15F.html.
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Auteur de l'article: | Sherry Edmunds-Flett |
Titre de l'article: | APPLEBY, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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