ARRIGRAND (Darrigrand) GRATIEN D’, sieur de LA MAJOUR, homme d’affaires, né le 20 janvier 1684 à Orthez (dép. des Basses-Pyrénées, France), fils de Jean-Jacques d’Arrigrand et de Marguerite d’Auger de Subercase, décédé après janvier 1754.

Gratien d’Arrigrand accompagna son oncle, Daniel d’Auger* de Subercase, à Plaisance (Placentia, T.-N.) en 1703 où il servit jusqu’en 1706 sous les ordres de Saint-Ovide [Monbeton]. Il fut nommé enseigne en 1704 et prit part aux raids contre les postes anglais de la baie des Taureaux (baie Bulls), de Petit Havre (Petty Harbour) et de St John’s. Il alla poursuivre sa formation militaire en France, à Rochefort, puis rejoignit une unité de l’armée, le régiment de Charolais, en Espagne. Après la mort de son père, en 1709, il quitta l’armée et passa neuf ans au domaine de son père dans le Béarn, puis vécut à Paris jusqu’en 1725. Ayant perdu une bonne partie de son important héritage dans les spéculations qui entourèrent la mise au point du système de John Law pour financer l’exploitation de la vallée du Mississipi, on le persuada de tenter de recouvrer une partie de son avoir perdu en plaçant des capitaux dans une entreprise coloniale.

Le 10 mars 1725, d’Arrigrand devint l’associé à titre privé de François Ganet qu’il avait aidé grâce à ses relations de famille à obtenir le contrat des fortifications de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), et aussi, secrètement, celui de Jacques d’Espiet* de Pensens. Il partit pour Louisbourg en 1725, y travailla avec Ganet pendant deux ans puis retourna en France où sa tâche consista surtout à acheter les matériaux et les approvisionnements dont Ganet avait besoin. Ce dernier manifesta du mécontentement parce que d’Arrigrand ne lui fit pas parvenir ce qu’il lui fallait en 1728 ; d’Arrigrand prétendit que Ganet lui cachait l’état de leurs profits et pertes. En 1731, d’Arrigrand obtint du tribunal un jugement enjoignant Ganet de présenter un bilan, mais le jugement n’avait pas force exécutoire aussi longtemps que Ganet était lié avec la couronne par un contrat de construction militaire en dehors de la France métropole. Malgré les efforts déployés par d’Arrigrand pour l’en empêcher, Ganet obtint un renouvellement de contrat pour la période de 1731 à 1737. Il refusa de partager avec d’Arrigrand la valeur de l’équipement et des matériaux qu’ils possédaient en commun.

D’Arrigrand avait hâte que le contrat des fortifications lui fasse recouvrer son argent, afin de pouvoir le réinvestir à Louisbourg. En avril 1734, on lui concéda une propriété au ruisseau Plédien ; il se proposait d’acheminer par ce cours d’eau jusqu’au hâvre de Louisbourg le bois provenant des collines environnantes et d’utiliser le pouvoir hydraulique pour actionner des scieries et des marteaux de forge. Le 8 septembre 1735, une entente fut conclue avec David-Bernard Muiron par laquelle celui-ci devait entreprendre l’exploitation de l’emplacement pour le compte de d’Arrigrand. Muiron devait aussi tenter en sous-main, de décrocher le contrat des fortifications au détriment de Ganet, ce qui, le cas échéant, aurait signifié le retour de Ganet en France, lequel serait retombé sous la juridiction des tribunaux. Accaparé par sa tannerie, Muiron ne réussit même pas à faire enregistrer la concession de d’Arrigrand par le Conseil supérieur de l’île Royale. Il réussit, cependant, à obtenir le contrat de construction des fortifications pour la période s’étendant de 1737 à 1743 et, au lieu de prendre les intérêts de d’Arrigrand, il conclut un accord secret avec Ganet touchant l’achat de l’équipement et des matériaux.

Ganet, qui était en France en 1739, contesta l’action en justice que d’Arrigrand avait prise contre lui. Le litige devant les tribunaux fut long et embrouillé : les procédures traînèrent en longueur jusqu’en 1745. À cette date, d’Arrigrand se vit accorder les deux cinquièmes des sommes que la couronne devait à Ganet, de même que 60 000# pour acquitter ses propres dettes. Il recueillit 52 000# de plus, à la suite d’une action intentée par la succession Pensens, et poursuivit Muiron pour d’autres sommes. Ses procès terminés, d’Arrigrand se rendit à Louisbourg en 1753 et il réussit enfin à faire enregistrer sa concession du ruisseau Plédien. Il avait réuni des capitaux et embauché de la main-d’œuvre en France et il était prêt à entreprendre des travaux de construction malgré l’état de négligence et d’abandon de l’emplacement. Rien ne permet de croire qu’il ait effectivement commencé les travaux. Une lettre qu’il écrivit de Louisbourg, en janvier 1754, alors qu’il avait près de 70 ans, est le dernier document qui subsiste à son sujet.

F. J. Thorpe

AN, Col., B, 57, f.755 ; 71, ff.193–198v. ; Col., C11B, 18, ff.85–87 ; 22, ff.283–284 ; 23, ff.213–217v. ; 27, f.201 ; 33, f.10 ; Col., C11D°, 5, ff.45–46 ; Col., E, 9 (dossier d’Arrigrand) ; Col., F1A, 35, f.20 ; Marine, C1, 161, f.21 ; Section Outre-Mer, Dépôt des fortifications des colonies. Am. sept., n° 241 ; Section Outre-Mer, G2, 183, f.430 ; 212, n° 575.— Robert Le Blant, Histoire de la Nouvelle-France : les sources narratives du début du XVIIIe siècle et le Recueil de Gédéon de Catalogne (1 vol. paru, Dax, [1948]), 254 ; Un entrepreneur à l’île Royale, Gratien d’Arrigrand, 1684–1754, La revue des questions historiques (Paris), LXIV (1936) (copie aux APC).

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F. J. Thorpe, « ARRIGRAND (Darrigrand), GRATIEN D’, sieur de LA MAJOUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/arrigrand_gratien_d_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    6 nov. 2024