BILLINGS, ELKANAH, avocat, journaliste, paléontologue officiel de la Commission géologique du Canada et membre de la Société d’histoire naturelle de Montréal, né à Gloucester, Haut-Canada, le 5 mai 1820 de Bradish Billings et de Lamira Dow, décédé à Montréal le 14 juin 1876.

La famille Billings était saxonne de nom et anglaise d’origine. Elle était passée de Nouvelle-Angleterre en terre canadienne à la fin du xviiie siècle, après la guerre de l’Indépendance américaine. Elkanah Billings fut donc le premier de la lignée à naître au Canada. Ses ancêtres maternels venaient de Wales ; ils avaient vécu aux États-Unis avant de se fixer au Canada avec le groupe des Loyalistes.

Elkanah Billings naquit sur la ferme de son père, à Gloucester – aux portes d’Ottawa, un centre urbain nommé Billings’ Bridge rappelle le site du domaine familial des Billings. Deuxième fils d’une famille de neuf enfants, mais d’un milieu aisé et socialement privilégié, Billings fit de longues études. Il fréquenta d’abord les écoles de Gloucester et de Bytown (Ottawa) puis, après un arrêt de quatre ans, la St Lawrence Academy, à Potsdam dans l’état de New York. En 1839, il s’inscrivit comme étudiant à la Law Society of Upper Canada et fut admis à la pratique du droit à l’automne de 1844. Le 31 juillet de l’année suivante, il épousa la sœur d’un collègue de Toronto, Helen Walker Wilson.

Le jeune avocat exerça sa profession, seul ou en société avec Robert Hervey, à Bytown jusqu’en 1849, puis à Renfrew. Revenu à Bytown le 10 juin 1852, il ouvrit une nouvelle étude. Mais il déserta bientôt le droit et trouva sa véritable vocation dans la géologie et son auxiliaire, la paléontologie. À l’automne de 1852, il devint, semble-t-il, rédacteur de l’Ottawa Citizen, charge qu’il aurait assumée jusqu’en 1855. Pendant qu’il insérait dans les colonnes du Citizen des articles de vulgarisation scientifique ayant trait à la géologie et qu’il se donnait des connaissances de base en physique, en trigonométrie et en zoologie, Billings étudiait les fossiles conservés dans la roche des rives de la rivière Rideau. En même temps, il amassait les crinoïdes, les cystidés et les astéries dont, plus tard, il devait offrir une riche collection au musée de la Commission géologique du Canada.

Le 7 janvier 1854, Billings fit ses débuts officiels dans le monde scientifique : on le nomma membre du Canadian Institute de Toronto. La même année, il publia sa première étude paléontologique dans le journal de la société : « On some new genera and species of Cystidea from the Trenton limestone ». En 1855, il rédigea, en vue de l’exposition universelle de Paris, un essai intitulé Reddit ubi cererem tellus inarata quotannis, qui lui valut un prix de $100. Février 1856 fut témoin d’un événement qui fit époque dans la vie de Billings et dans l’histoire de la recherche scientifique au Canada. Le jeune paléontologue lança le premier numéro d’une revue mensuelle, The Canadian Naturalist and Geologist, dans laquelle pendant 20 ans il devait publier ses études scientifiques. Il gagna aussitôt l’admiration et l’appui des connaisseurs et, surtout, de sir William Edmond Logan, directeur de la Commission géologique du Canada. Ce dernier réclama du gouvernement canadien les services de Billings qui devint, le 1er août 1856, paléontologue officiel de la Commission géologique du Canada, avec résidence à Montréal. À l’exception des quelques mois qu’il consacra à un voyage d’études en Angleterre et à Paris entre février et juin 1858, Billings consacra le reste de sa vie à l’étude et à la description des fossiles conservés au musée de la Commission géologique du Canada. Il livra aux chercheurs le fruit de son travail intelligent et acharné, soit 93 articles du Naturalist, les rapports officiels de la Commission géologique du Canada et des études que publiaient le Canadian Journal [...] of the Canadian Institute, l’American journal of science and arts de New Haven et le Geological magazine de Londres. Au moment où Billings était entré à la Commission géologique du Canada en 1856, pour y devenir le premier paléontologue, la paléontologie était une discipline toute récente. Pour apprécier son œuvre scientifique, il faut se rappeler deux faits : Georges Cuvier et Jean-Baptiste de Lamarck [Monet] étaient morts 25 ans plus tôt et seulement trois ans plus tard, soit en 1859, Charles Robert Darwin publierait De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle, ouvrage qui devait bouleverser le monde scientifique d’alors. Billings fut donc un pionnier. Il n’était pas seul toutefois ; déjà des noms illustraient la paléontologie des invertébrés : Barrande, Hall, Green, Eichwald, Sowerby, Rafinesque et Murchison, pour n’en citer que quelques-uns.

Billings saisit tout de suite l’importance de la biologie et de la géologie pour faire de la bonne paléontologie. En outre, c’était un naturaliste né, comme en témoignent ses nombreuses monographies, surtout celles qui décrivent des animaux récents comme l’ours, le loup, le cerf, la loutre, le carcajou, le caribou, le lynx, le castor et nombre d’oiseaux. Tous ces travaux parurent entre 1855 et 1857. Au cours de ces mêmes années, Billings publia également de nombreux articles décrivant des fossiles du Trenton (ordovicien), du Potsdam (cambrien) ainsi que du Niagara (silurien). Il recueillit lui-même plusieurs de ces fossiles dont ceux du Trenton des régions d’Ottawa et de Montréal, ceux du Niagara du sud-ouest de l’Ontario, et ceux du Potsdam de la région frontalière de Montréal et de l’état du Vermont.

Quand on étudie l’œuvre de Billings, on est étonné de son étendue. Il a à son crédit plus de 200 articles qui totalisent quelque 3 000 pages. Au nombre de ses travaux importants il faut citer quelque 500 pages de paléontologie contenues dans le fameux rapport de la Commission géologique, présenté en 1863 par Logan, et connu sous le titre de Géologie du Canada, puis ses travaux sur les fossiles paléozoïques et les fossiles du silurien. Ce sont les fossiles de l’âge paléozoïque qu’il a surtout décrits. En effet, à la description du silurien de l’île d’Anticosti, qui parut environ 25 ans après le travail magistral de Murchison sur le silurien de Grande-Bretagne et dont W. H. Twenhofel devait se servir beaucoup plus tard pour son travail désormais classique sur l’île d’Anticosti, il faut ajouter celles du silurien de Port-Daniel (Gaspésie, Qué.) et d’Arisaig (Nouvelle-Écosse), ainsi que le dévonien de Gaspé. Si Billings a surtout décrit les fossiles du paléozoïque et particulièrement ceux de l’est du Canada, c’est que Logan en avait d’abord fait la géologie [V. Logan]. Ceci ne l’a toutefois pas empêché de décrire des coraux de l’Ouest canadien, ni même de toucher au mésozoïque de la Colombie-Britannique, et au tertiaire, voire même au quaternaire lorsqu’il a décrit le mammouth et le mastodonte. Mais du paléozoïque, il a décrit des fossiles appartenant à tous les groupes zoologiques : brachiopodes, céphalopodes, pélécypodes, gastéropodes, trilobites, annélides, bryozoaires, échinodermes, porifères et cœlentérés. Il a créé des centaines d’espèces nouvelles et des dizaines de genres nouveaux, aussi les traités modernes de paléontologie, notamment ceux d’Amérique du Nord, le citent-ils abondamment.

C’est toujours d’une manière concise et précise que Billings décrit les espèces nouvelles et les genres nouveaux. Connaissant la littérature du temps, il fit toutes les comparaisons nécessaires avec les espèces déjà décrites et connues selon les règles modernes de la discipline, mais sut aussi souligner le caractère vraiment distinctif. Toutefois, c’est peut-être avec le groupe des échinodermes qu’il a le mieux démontré ses qualités d’observateur et d’analyste minutieux en décrivant toute une nouvelle faune de crinoïdes, de cystoïdes et de blastoïdes. À l’occasion, il sut défendre ses opinions. Ainsi, Addison Emery Verrill et W. H. Niles, dans un communiqué à la Boston Natural History Society, ont prétendu que Billings avait vu un lien de parenté entre le genre Pasceolus qu’il avait créé et les Sphœronites. Il répondit alors : « Mr Niles a tout à fait tort s’il pense que j’ai déjà cru que les Sphœronites avaient des liens avec l’ascidie. Je fus le premier à noter la présence de cette famille dans les roches paléozoïques d’Amérique. J’ai découvert et décrit les genres Comarocystites, Amygdalocystites et Malocystites. Dans tous mes écrits sur ce sujet, je ne puis trouver aucune note qui permette de croire que j’ai déjà eu une telle idée. »

Il était conscient de problèmes-très modernes en paléontologie, comme celui touchant la systématique. « Je pense, disait-il, [...] que la quantité d’espèces devient si grande que, tôt ou tard, le Conocephalites sera subdivisé en plusieurs genres. » Déjà donc, il était préoccupé des tendances de ce qu’on nomme dans le jargon de la discipline, les « lumpers » et les « splitters ». Enfin, il s’est préoccupé de corrélations stratigraphiques, de synchronisme, par exemple quand il compare le silurien de l’île d’Anticosti avec celui de Grande-Bretagne, ou les calcaires de la pointe de Lévy avec les groupes du Potsdam (cambrien), du Chazy et du Black River.

Après avoir souffert pendant trois ans, d’une maladie grave, dite mal de Bright, Elkanah Billings mourut à Montréal le 14 juin 1876. Le monde scientifique connaissait son nom : il était membre de la Geological Society of London depuis 1858 et il avait été médaillé, en 1862, par l’International Exhibition of London, et, en 1867, par la Société d’histoire naturelle de Montréal et par l’exposition universelle de Paris. La revue que Billings avait fondée et qu’il avait alimentée de ses études scientifiques pendant 20 ans, lui survivait. Une œuvre que son œil critique, son esprit de recherche, son amour de la science et du sol canadien avaient faite imposante et durable continue de perpétuer sa mémoire.

Dans son Rapport de 1876–1877, le directeur de la Commission géologique du Canada, Alfred Richard Cecil Selwyn*, souligne ainsi la disparition de Billings : « Le pays a perdu en lui un homme qui, pendant plus de 20 ans, s’était consacré à cette branche importante [la paléontologie] des fonctions de la Commission géologique, travaux dont il s’est toujours habilement et consciencieusement acquitté. »

Andrée Désilets et Yvon Pageau

On trouvera dans D. B. Dowling, General index to the reports of progress, 1863 to 1884 (Geological Survey of Canada, Ottawa, 1900), la liste complète des écrits de Billings alors qu’il était membre de la Commission géologique du Canada. Ses œuvres les plus importantes sont toutefois mentionnées ci-dessous Elkanah Billings, Catalogues of the Silurian fossils of the Island of Anticosti, with descriptions of some new genera and species (« Geological Survey of Canada », Montréal, Londres, New York et Paris, 1866) ; Palœozoic fossils (2 vol., Montréal, 1865–1874).— The Canadian naturalist (Toronto et Montréal), 1856–1876.— [Logan, Murray, Hunt et Billings], Géologie du Canada.— Rapport des opérations de 1876–77 (Commission géologique du Canada, Ottawa, 1878).— Gazette (Montréal), 15 juin 1876.— Le Jeune, Dictionnaire, I : 185.— R. I. Murchison, The Silurian system, founded on geological researches in the counties of Salop, Hereford, Radnor, Montgomery, Caermarthen, Brecon, Pembroke, Monmouth, Gloucester, Worcester, and Stafford ; with descriptions of the coalfields and overlying formations (2 vol., Londres, 1839).— W. H. Twenhofel, Geology of Anticosti Island (« Geological Survey of Canada, Memoir », 154, Ottawa, 1927).— H. M. Ami, Brief biographical sketch of Elkanah Billings, American geologist (Minneapolis), XXVII (1901) : 265–281.—J. F. Whiteaves, Obituary notice of Elkanah Billings. F.G.S., paleontologist to the Geological Survey of Canada, Canadian naturalist and quarterly journal of science (Montréal), nouv. sér., VIII (1878) : 251–261.

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Andrée Désilets et Yvon Pageau, « BILLINGS, ELKANAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/billings_elkanah_10F.html.

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Auteur de l'article:    Andrée Désilets et Yvon Pageau
Titre de l'article:    BILLINGS, ELKANAH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    11 oct. 2024