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Titre original :  Anonyme, Marie-Catherine Delezenne (1755-1831), vers 1780-1790, huile sur toile, 42 x 37 cm, Collection famille Laterrière. Photo Robert Derome.

Provenance : Lien

DELEZENNE, MARIE-CATHERINE (Pélissier ; Sales Laterrière), née le 26 mars 1755 à Québec, fille (la troisième à avoir été baptisée sous le prénom de Marie-Catherine) d’Ignace-François Delezenne*, orfèvre, et de Marie-Catherine Janson, dit Lapalme ; décédée le 3 mai 1831 aux Éboulements, Bas-Canada, et inhumée le 6 suivant au même endroit.

L’histoire a retenu le nom de Marie-Catherine Delezenne à cause de ses aventures amoureuses avec Pierre de Sales* Laterrière. Elle commence à le fréquenter après son établissement à Québec en 1771, et ils s’éprennent rapidement l’un de l’autre. Nonobstant cet engagement de cœur et malgré ses « Refus, pleurs, gémissemens », Marie-Catherine, âgée de 19 ans, est contrainte d’épouser Christophe Pélissier*, veuf de 46 ans, ami de son père, directeur des forges du Saint-Maurice et « homme fort riche, de qui [... ses parents] espéroient de grands secours ». Le mariage se fait donc en catimini à Bécancour, le 8 mars 1775, de nuit, avec la duplicité des autorités ecclésiastiques et celle de « gens gagnés par argent ».

Marie-Catherine est aussitôt amenée aux forges. Laterrière raconte : « Elle y devint presque folle, ne se croyant pas mariée avec Pélissier et ne voulant pas demeurer avec lui. Le père et ce mari essayèrent tous les moyens pour l’apaiser. Effrayé, craignant de la perdre, sentant que ma présence seul lui feroit du bien et qu’il n’y avoit point d’autre remède Pélissier m’appela aux Forges ; c’est ce qui m’y valut la place d’inspecteur. [...] Il n’y avoit que ma présence qui la calmât et lui fît supporter son malheur, au moins qui l’empêchât de faire quelque esclandre. Si je me levois à la fine pointe du jour, je la trouvois sans y manquer sur le pas de la porte ; un baiser scelloit nos continuelles promesses et résolutions de nous aimer jusqu’à la mort ! » Le départ précipité de Pélissier avec les Américains, le 7 juin 1776, laisse le champ libre aux amants : « nous nous abandonnâmes à notre penchant, et le fruit de tant d’amour fut une grossesse qui a produit notre chère Dorothée le 4 janvier 1778 ». Établis à Bécancour, ils y mènent « une vie tranquille et heureuse » ; mais à cause de sa naissance illégitime ; Dorothée ne sera baptisée qu’à l’âge de 16 ans.

À l’été de 1777, Pélissier, alors à Lyon, avait ordonné de faire passer son épouse en France. Naturellement, Marie-Catherine avait refusé. Par contre, la procuration de son époux lui avait permis de jouer un rôle dans la cession du bail des forges du Saint-Maurice, transmis de Pélissier à Alexandre Dumas* par l’entremise d’Ignace-François Delezenne. À l’été de 1778, Pélissier revient à Québec. Pendant qu’il travaille aux comptes des forges avec Laterrière, ses hommes de main enlèvent Marie-Catherine qui est ensuite séquestrée dans la maison de l’orfèvre François Ranvoyzé*. On veut lui faire signer une déclaration par laquelle elle reconnaîtrait avoir été prise de force par Laterrière. Cet acte lui rendrait, dit-on, la liberté. En fait, il aurait permis à Pélissier de la récupérer comme épouse et de poursuivre Laterrière en justice. Marie-Catherine n’accepte cependant pas de signer cet acte « infâme ». Rusée, elle réussit à s’esquiver et gagne l’île de Bécancour. Ses parents, mandés par le mari, partent à sa poursuite. Elle leur échappe en se cachant, entre autres, dans une chambre secrète aménagée au milieu de bottes de foin dans une grange.

Pélissier repart bredouille pour l’Europe en septembre 1778. Le 1er novembre, Marie-Catherine et Laterrière passent devant témoins ce qui peut être interprété comme un contrat de mariage sous seing privé, document qu’ils prennent précaution de faire enregistrer par la suite au répertoire du notaire Charles-Louis Maillet tout en faisant parvenir copie aux parents de Marie-Catherine. La riposte, cinglante, prend la forme d’une quasi-excommunication promulguée par Mgr Jean-Olivier Briand* le 12 novembre suivant. Mais ce n’est pas suffisant pour séparer les « Concubinaires adultères ». Pélissier entreprend auprès de son ami le gouverneur Frederick Haldimand* une habile campagne de dénigrement qui a pour objectif de faire passer Laterrière pour un collaborateur des Américains, alors qu’il est foncièrement royaliste selon ses propres dires. Ignace-François Delezenne est également mis à profit : il monte un complot, avec l’aide de son fils Michel-Mathieu, basé sur un faux témoignage de ce dernier. Laterrière est faussement inculpé de trahison, emprisonné en mars 1779, puis dépouillé de ses biens par des profiteurs. Son amant prisonnier, Marie-Catherine est toujours retenue chez ses parents en juillet 1779. Comment peut-il en être autrement ? Tous ses vêtements, saisis en même temps que les effets de Laterrière, ne lui ont pas encore été rendus, malgré ses réclamations auprès de Haldimand. Elle ne peut donc « sortir faute de les avoir ».

À l’automne de 1780, grâce à la « clef d’argent » qui « ouvre bien des portes », les conditions de détention de Laterrière s’améliorent. Marie-Catherine, installée avec sa fille à Québec dans une maison achetée par son amant, peut le voir à chaque jour et même passer régulièrement la nuit avec lui. Ainsi, même emprisonné, Laterrière réussit à enlever Marie-Catherine à ses parents, les privant de cette façon de la pension qui leur est versée par Pélissier. C’est ce qui déclenche l’exhérédation du 4 novembre 1780. Delezenne et son épouse déclarent que leur fille « Se Seroit portée à un excès de Débauche affreux » et « Se Seroit prostitué Sous la vaine Espérance de mariage avec jean pierre Laterriere » ; qu’ils « auroient faits de leur côté tout ce que La nature et L’amitié Paternelle peuvent Suggérer, [...] jusqu’à lui faire offrir de Revenir chés eux [...] ; que même pour L’engager d’avantage à Sortir du vice, ils Se Seroient offerts d’avoir Soin de L’Enfant qu’a eû leur ditte fille avec ledit Laterriere ». Invoquant les lois, les ordonnances et « La nature même », ils privent donc leur fille de tout droit successoral.

En août 1782, Laterrière est libéré, à la condition qu’il s’exile jusqu’à ce que la paix soit revenue. Il n’a que 24 heures pour faire ses préparatifs. Comble de malheur ou coup monté, Marie-Catherine est alors en visite chez ses parents à Trois-Rivières. Laterrière se réfugie à Terre-Neuve avec Dorothée. Marie-Catherine doit donc attendre jusqu’au printemps de 1783 pour les retrouver à Québec. Puis, elle s’installe avec sa fille et son frère Michel-Mathieu à Saint-Pierre-les-Becquets (Les Becquets), à la tête d’un petit magasin, où Laterrière vient « la voir très-souvent ». Bientôt, ils s’établissent à Bécancour, puis à Gentilly (Bécancour) au printemps de 1784, où ils vivront pendant cinq ans. C’est également en 1784 que les époux Delezenne déménagent dans la même région, à Baie-du-Febvre (Baieville), juste après avoir renouvelé l’acte d’exhérédation de Marie-Catherine. Ils battent finalement en retraite devant la volonté inébranlable des concubins. Mme Delezenne meurt dans les bras de Laterrière en novembre 1787, « contente et [lui] recommandant sa fille, son mari et tous ses enfans ». Et, pendant le séjour d’études de Laterrière à Boston, Marie-Catherine s’installe avec son père dans une propriété dont il vient de lui faire donation. Le grand-père attendri s’attache si fortement à son petit-fils Pierre-Jean, qu’il « ne l’abandonne pas un instant ».

Peu après la mort de Delezenne en 1790, Marie-Catherine va s’établir à Trois-Rivières avec Laterrière. Ils doivent cependant attendre plusieurs années avant de pouvoir légaliser leur union, ce qui est fait à Québec le 10 octobre 1799, après l’obtention du certificat de décès de Pélissier. Par la suite, ils peuvent jouir d’un rang social privilégié en accord avec la progression de leur fortune. Leur fille Dorothée vit cependant une union malheureuse qui aboutit à une séparation de corps, puisque « ceux qui ont autorité en cette matière refusent d’admettre le divorce dans ce païs ». Un autre de leurs fils meurt dans un accident tragique. Pierre de Sales Laterrière, devenu seigneur des Éboulements, meurt à Québec le 14 juin 1815. Marie-Catherine lui survit plusieurs années puis, « après une maladie de deux ans et deux mois », meurt aux Éboulements à l’âge de 76 ans. Depuis 1829, elle avait abandonné la totalité de la seigneurie à son fils Marc-Pascal*.

Ce n’est que par la force exceptionnelle de son caractère que Marie-Catherine Delezenne a pu affronter et vaincre les pressions sociales énormes qui s’exerçaient sur elle afin de la « faire entrer dans le droit chemin » à l’encontre de ses sentiments, de ses goûts et de ses choix personnels. Sa lutte à cet égard est exemplaire et contient les germes d’un combat pour la reconnaissance des droits et libertés de la femme comme personne à part entière dans la société canadienne. Ce rôle lui confère donc une place de choix dans la défense d’idéaux tels que la liberté individuelle, la tolérance et le respect des droits fondamentaux de la personne.

Robert Derome

Les descendants de la famille Laterrière conservent un portrait de Marie-Catherine Delezenne ainsi que le manuscrit des mémoires de Pierre de Sales Laterrière. Le diplôme que Laterrière obtint en 1789 du Harvard College ainsi que la licence l’autorisant à pratiquer la médecine dans la province de Québec ont été donnés aux Arch. de l’univ. Laval par son arrière-petit-fils Edmond de Sales Laterrière, notaire des Éboulements. L’acte de donation a été passé devant le notaire Lavery Sirois, de Québec, et trois exemplaires ont été émis. Le minutier de Sirois a été confié à son fils, le notaire Joseph Sirois, de Québec.

AAQ, 12 A, G : fo 21 vo ; 20 A, I : 181 ; 210 A, VII : fo 192.— ANQ-MBF, CN1-5, 24 sept. 1778, 10 févr. 1779, 5 sept., 4 nov. 1780, 15 oct., 6 déc. 1783, 12 mars 1787, 27 sept. 1788, 16 sept. 1790, 5 févr., 26 nov. 1793 ; CN1-64, 11 juill. 1777, 12 févr., 22 juin, 6, 23 oct., 1er nov. 1778, 25 févr., 29 mars, 15 sept. 1779.— ANQ-Q, CE1-1, 26 mars 1755, 10 oct. 1799 ; P-597.— AP, Saint-Antoine-de-Padoue (Baieville, Québec), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 14 nov. 1787, 1er juill. 1789, 1er 2 mai 1790, 25 mars 1792, 20 févr. 1794.— Arch. de l’univ. Laval, 298/17.— ASQ, C 36 : 180 ; Séminaire, 70, no 62.— BL, Add. mss 2168/2 ; 21845 (copies aux APC).— « Collection Haidimand », APC Rapport, 1888 : 984–988, 994.— Pierre Du Calvet, Appel à la justice de l’État ou Recueil de lettres au roi, au prince de Galles et aux ministres ; avec une lettre à messieurs les Canadiens, [...] une lettre au général Haldimand lui-même ; enfin, une dernière lettre à milord Sidney [...] (Londres, 1784), 151–152.— Pierre de Sales Laterrière, Mémoires de Pierre de Sales Laterrière et de ses traverses, [Alfred Garneau, édit.] (Québec, 1873 ; réimpr., Ottawa, 1980).— La Gazette de Québec, 6 août 1778, 5 janv. 1792.— L’Observateur (Montréal), 21 mai 1831.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Briand », ANQ Rapport, 1929–1930 : 119 ; « Inv. de la corr. de Mgr Denaut », 1931–1932 : 159 ; « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », 1927–1928 : 277.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 3 : 246.— Tanguay, Dictionnaire. Yvon Thériault, « Inventaire sommaire des Archives du séminaire des Trois-Rivières », ANQ Rapport, 1961–1964 : 93.— H.-R. Casgrain, la Famille de Sales Laterrière (Québec, 1870).— Robert Derome, « Delezenne, les orfèvres, l’orfèvrerie, 1740–1790 » (thèse de m.a., univ. de Montréal, 1974).— Raymond Douville, Visages du vieux Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec, 1955).— Benjamin Sulte, Mélanges historiques [...], Gérard Malchelosse, édit. (21 vol., Montréal, 1918–1934), 6 : 147.— Robert Derome, « Delezenne, le maître de Ranvoyzé », Vie des Arts (Montréal), 21 (1976), no 83 : 56–58.

Bibliographie générale

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Robert Derome, « DELEZENNE, MARIE-CATHERINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/delezenne_marie_catherine_6F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Derome
Titre de l'article:    DELEZENNE, MARIE-CATHERINE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    18 mars 2024