FOSTER, JOHN THOMAS, machiniste, dirigeant syndical et directeur de rédaction, né le 22 octobre 1874 à Montréal, fils de George Foster et de Louisa Biscoe (probablement sa mère adoptive) ; le 12 septembre 1896, il épousa au même endroit Florence Bryant (décédée le 7 avril 1926), et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 2 avril 1934 à Montréal et inhumé le 5 au cimetière Mont-Royal à Outremont (Montréal).

Les origines très modestes de John Thomas Foster ne le prédestinaient pas à devenir, tout comme Gustave Francq*, une figure prépondérante du syndicalisme international à Montréal dans la première moitié du xxe siècle. En effet, il n’a à peu près pas fréquenté d’école. Grâce à sa ténacité et à son avidité pour la lecture, il a cependant graduellement acquis de solides connaissances. De plus, ayant habité pendant longtemps un quartier francophone de Montréal, le faubourg Québec, il s’exprime très bien en français, « avec un accent du terroir prononcé qui donn[e] un charme tout particulier à sa conversation », comme le mentionnera le Monde ouvrier le 7 avril 1934.

Très jeune, Foster travaille comme messager et vendeur de journaux, puis comme apprenti machiniste et machiniste dans divers ateliers à Montréal, dont celui de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. En 1899, il adhère à la loge Victoria No. 111 de l’Association internationale des machinistes, dont il est le secrétaire de 1909 à 1912. Ses compagnons de travail ayant reconnu son habileté et son sens de la diplomatie, il devient agent d’affaires du syndicat en 1913 et le demeure jusqu’en 1922. Par la suite, il est secrétaire-trésorier du conseil fédéré des syndicats de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, organisme qui veille à coordonner la négociation collective des divers syndicats de cette entreprise à Montréal.

Délégué de son syndicat au Conseil des métiers et du travail de Montréal (CMTM) en 1909, Foster prend goût aux délibérations du CMTM, dont il est le président de 1912 à 1934 (sauf 1921). Le comité exécutif du CMTM le choisit comme délégué fraternel aux congrès de l’American Federation of Labor en 1913, 1916, 1920 et 1925. Sa forte implication dans le mouvement syndical lui vaut d’être élu au poste de vice-président du Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC) de 1922 à 1931. Il est appelé à représenter l’organisme au Trades Union Congress de Grande-Bretagne en 1921 et au congrès de la Fédération syndicale internationale à Stockholm en 1930. Il fait également partie de la délégation canadienne à l’Organisation internationale du travail à Genève en 1921, 1927 et 1930. En tant que représentant des travailleurs, il appartient aussi à de nombreux autres comités, conseils et commissions, et, en 1931, devient, aussi surprenant que cela puisse paraître pour quelqu’un qui a peu fréquenté les bancs d’école, directeur de la rédaction du Canadian Congress Journal, périodique mensuel du CMTC.

Le CMTM, qui réunit à ses assemblées les délégués des différents syndicats internationaux de la ville, a pour fonction de représenter les intérêts des syndiqués et des travailleurs en général auprès du conseil de la ville et des autres corps municipaux. Des résolutions sont également adoptées pour être acheminées aux gouvernements fédéral et provincial. Comme il n’existe pas encore de fédération provinciale du travail, l’organisme montréalais est de loin le plus important forum de discussion au Québec sur des sujets intéressant le monde ouvrier. Pendant la période où Foster en est président, les syndicats affiliés au CMTM représentent entre 30 000 et 40 000 syndiqués, en grande majorité francophones, membres de syndicats internationaux.

Foster se fait un fidèle défenseur des principes guidant le syndicalisme international d’origine étasunienne, organisation qui domine le mouvement syndical montréalais et québécois dans la première moitié du xxe siècle. Convaincu de la supériorité du trade-unionisme, il croit fermement à l’organisation des travailleurs par métier et à la nécessité de la négociation collective pour améliorer leur salaire et leurs conditions de travail. N’écartant pas la grève, il lui préfère cependant la coopération et la conciliation entre employeurs et syndiqués. Selon la Presse du 3 mai 1929, il affirme que « l’expérience a prouvé que les mesures de violence n’ont jamais rapporté rien de bon aux travailleurs, mais que les mesures basées sur une saine politique de conciliation ont toujours réussi, tôt au tard, à améliorer les conditions des ouvriers ».

Pendant les années d’activité de Foster, les syndicats internationaux font face à l’opposition des syndicats catholiques et d’un groupe plus radical, le One Big Union, qui organise les travailleurs par industrie et qui compte la grève générale de sympathie parmi ses moyens de pression. Pour Foster, le premier s’inscrit dans « un nationalisme étroit », alors que le deuxième est une source de division parmi les travailleurs. À son avis, ces deux groupes affaiblissent les syndicats internationaux qui ont permis d’améliorer les salaires et les conditions de travail des ouvriers.

Parmi les réclamations du CMTM dont Foster se fait le plus ardent défenseur se trouvent notamment, à l’échelle municipale, des modifications à apporter à la charte de la ville de Montréal. Ces revendications comprennent l’élection des conseillers par tous les électeurs selon un mode proportionnel plutôt que par quartier, la disparition des dépôts électoraux exigés des candidats, et la possibilité, pour les électeurs, de démettre des conseillers après référendum. La Commission de la charte de Montréal, formée par le gouvernement de la province de Québec en février 1920 pour réviser la charte de la ville, et dont Foster est membre avec Gustave Francq, reprend ces orientations dans son rapport. Mais le projet est rejeté à l’occasion d’un référendum tenu le 16 mai 1921, où le gouvernement de la province de Québec a ajouté un projet de réforme à celui proposé par la commission. Aux yeux de Foster, ce résultat représente une défaite pour le mouvement ouvrier.

Le principal sujet de revendication du CMTM auprès du gouvernement provincial pendant la présidence de Foster au CMTM porte sur l’adoption d’une loi des accidents du travail reposant sur un fonds géré par le gouvernement et indemnisant tous les ouvriers accidentés. Comme en Ontario, où un tel système est déjà en vigueur, elle obligerait les employeurs à y souscrire. Foster est au premier rang des comités formés pour exercer des pressions sur le gouvernement qui aboutissent finalement à la sanction, en 1931, d’une loi retenant les principes énoncés par le CMTM. Dans le monde de l’éducation, il est un ardent défenseur de la gratuité scolaire, de l’uniformité des manuels et de l’obligation pour les jeunes de fréquenter l’école jusqu’à 16 ans.

Enfin, au CMTM, Foster se fait le champion de l’adoption de mesures sociales comme les pensions de vieillesse, l’assurance-chômage, l’assurance-maladie et des allocations aux mères nécessiteuses. À ce propos, son influence se fait sentir au sein de la commission des assurances sociales de Québec formée par le gouvernement provincial en 1930 et dont il est un des commissaires. En effet, la commission recommande d’adopter le système fédéral de pensions aux vieillards, de mettre en place un régime d’assistance aux mères nécessiteuses et est réceptive, à plus long terme, à la constitution d’un programme obligatoire d’assurance-maladie. Foster a personnellement convaincu trois membres de la commission d’adopter le programme fédéral de pensions de vieillesse en attendant l’établissement d’un système de pensions contributif.

Les militants syndicaux qui ont côtoyé John Thomas Foster ont reconnu son talent exceptionnel de leader et son sens remarquable de la diplomatie, deux qualités indispensables pour diriger une organisation composée de délégués de langue et de religion différentes. Il a été un défenseur infatigable des travailleurs et du syndicalisme international : « toutes ses pensées [et] ses préoccupations, peut-on lire encore dans le Monde ouvrier, convergeaient vers le même but : maintenir haut et ferme le drapeau du trade-unionisme, obtenir pour la classe ouvrière ce qu’elle avait le droit d’avoir, une plus grande part de bonheur, de mieux-être et un rayon de soleil pour les déshérités de la fortune, pour les gagne-petit ».

Jacques Rouillard

John Thomas Foster est notamment l’auteur de « Labor’s aims, ideals and activities broadcasted over radio », Canadian Congress Journal (Ottawa), 8 (1929), no 3 : 17–19. Les comptes rendus des réunions du CMTM parus dans la Patrie, la Presse et le Montreal Daily Star entre 1911 et 1934 nous ont fourni une grande part de l’information contenue dans sa biographie.

BAnQ-Q, E14, S1, 1960-01-033/1058, 525 ; 1960-01-033/1100, 280.— FD, Anglican, Saint Luke (Montréal), 12 sept. 1896.— Le Devoir, 3 avril 1934.— L’Illustration (Montréal), 4 avril 1934.— « John T. Foster est mort », le Monde ouvrier (Montréal), 7 avril 1934.— Le Monde ouvrier, 1er sept. 1928.— Montreal Daily Star, 3 avril 1934.— La Presse, 3 avril 1934.— Bernard Rose, « The passing of John T. Foster », le Monde ouvrier, 7 avril 1934.— « Among Canadian labor : sketches of well known figures in the labor movement in Canada », Canadian Congress Journal, 10 (1931), no 4 : 32–33.— « John Thomas Foster : an appreciation », Canadian Congress Journal, 13 (1934), no 4 : 9.— Jacques Rouillard, l’Expérience syndicale au Québec : ses rapports à l’État, à la nation et à l’opinion publique (Montréal, 2009).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jacques Rouillard, « FOSTER, JOHN THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/foster_john_thomas_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jacques Rouillard
Titre de l'article:    FOSTER, JOHN THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    11 oct. 2024