JONES, OLIVER, homme d’affaires et propriétaire foncier, né le 15 décembre 1821 à Head of Petitcodiac (Petitcodiac, Nouveau-Brunswick), septième enfant de Jacob Jones et de Hannah Corey ; il épousa Elizabeth Steeves, puis le 2 juin 1852, à Fredericton, Catherine Garden Simpson et, enfin, le 21 juillet 1863, à Charlottetown, Elizabeth Jane Beer ; de ces trois mariages, il eut 21 enfants dont 12 moururent en bas âge ; décédé le 15 novembre 1899 à Moncton, Nouveau-Brunswick.

On sait peu de chose sur l’enfance d’Oliver Jones, sauf qu’à l’âge de huit ans il passa une année au lieudit Bend of Petitcodiac (Moncton) avec sa sœur aînée Charlotte. À sa mort, son père lui légua environ £200 ; en 1839, le jeune homme retourna au Bend et se lança dans l’immobilier. Il acheta un terrain de quatre acres qui s’étendait du chemin Westmorland (rue Main) à la rivière Petitcodiac et sur lequel se trouvait le Monckton Hotel, construit en 1830. Jones exploita l’hôtel avec un associé, James Trites Dunlap, jusqu’en 1841, puis il lui vendit sa part pour £80. La même année, il fit construire le premier quai de Moncton, au pied de ce qui est maintenant la rue Duke. Il était aussi commerçant de bétail et spéculateur foncier.

Jones acheta en 1848 de John Starr Trites, pour la somme de £2 250, un terrain de 800 acres situé à l’ouest de Moncton. En 1857, il en fit défricher et assécher une bonne partie, ce qui marqua le début de la mise en valeur de cette région. En 1853, la Central Bank of New Brunswick avait fermé sa succursale de Moncton, forçant ainsi les citoyens à se rendre à Saint-Jean pour avoir des services bancaires. Sous la direction de Jones, plusieurs hommes d’affaires de Moncton et du sud-est du Nouveau-Brunswick parrainèrent donc un projet de loi qui visait à constituer juridiquement une banque à Moncton, projet que l’on sanctionna le 20 mars 1854. L’établissement, la Westmorland Bank, avait un capital de 60 000 $ (cours de Halifax). Jones se rendit à Saint-Jean pour amasser 30 000 $, dont une bonne partie en or. Durant ses 13 années d’existence, la banque eut toujours Jones comme président.

Vers 1855, Jones était l’un des notables de Moncton, érigé en municipalité depuis le 12 avril de cette année-là. Peu après la fondation de la Westmorland Bank, il ouvrit une tannerie avec un associé nommé James McAllister. Dès 1861, cette entreprise était la plus grosse de Moncton : elle avait 14 employés et un actif de 30 000 $. Connue plus tard sous le nom de Moncton Leather Company, elle fut en exploitation pendant presque 20 ans. Aujourd’hui encore, on trouve une rue Tannery dans ce secteur qui s’appelait alors Tannery Town. Par ailleurs, Jones fut associé à William S. Torrie dans une fabrique de savon et de bougies fondée en 1860, mais dès 1870 il s’en était retiré.

Lorsque les baptistes du Bend of Petitcodiac avaient décidé de se construire un temple en 1853, Jones leur avait offert un terrain et soumis une proposition de construction. Certaines de ses conditions étaient inacceptables pour les autres membres de la congrégation, mais on finit par accepter la proposition, qui lui permettait de disposer des bancs de l’église. Les droits de Jones suscitèrent des conflits entre lui et les autorités ecclésiastiques bien longtemps avant sa mort, et nombreux furent les fidèles qui regrettèrent leur décision. Élu maire de Moncton en 1859, il ne brigua pas les suffrages en 1860, ne milita jamais dans un parti politique ni n’occupa d’autre charge publique.

Jones tenta en 1862 de relancer la construction navale à Moncton, et il engagea William Henry Tyler Sumner, Abner Jones et Archibald MacKay pour construire quatre navires et trois barques. Les bâtiments furent achevés entre 1863 et 1865. Jones affirmait avoir perdu de l’argent à cause de ces navires ; compte tenu de la conjoncture mondiale, la chose parait certaine. Cependant, c’est la faillite de la Westmorland Bank, le 13 mars 1867, qui porta le plus dur coup à sa situation financière. Les déposants prétendirent qu’il avait « pillé l’actif » pour financer ses propres entreprises. C’est un fait qu’à compter de 1864 les états financiers de la banque révèlent une baisse des réserves, même si les créances mauvaises et douteuses étaient constantes depuis 1863. En outre, les deux caissiers (directeurs généraux) employés après 1863 étaient des parents de Jones, et jamais une vérification n’avait été faite dans les formes. Ces facteurs suscitèrent à l’égard « du tristement célèbre Oliver » une aversion qui allait lui survivre.

Jones participa en 1870 à la vente de terrains sur lesquels le gouvernement fédéral voulait construire les nouveaux ateliers de réparation du chemin de fer Intercolonial. Il lança ensuite une entreprise de courtage qui avait tout de l’affaire de prêt usuraire. En 1875, il dirigea, sans succès, la lutte contre la nouvelle érection de Moncton en municipalité. Fait significatif, il ne joua à peu près aucun rôle dans la croissance industrielle dont John Leonard Harris, Christopher Prince Harris et John Albert Humphrey furent les grands artisans. Son actif était constitué de terrains, d’hypothèques et de prêts en espèces, et il percevait ses comptes sans pitié. On raconte encore certaines des histoires qui circulaient alors au sujet du Shylock de Moncton.

Soit par besoin de sécurité, soit par orgueil, Oliver Jones se fit construire une villa en bois sur un terrain aménagé en parc, à l’extrémité ouest de la municipalité ; il en prit possession en 1877. On pouvait le voir se promener dans sa propriété, qui renfermait une patinoire intérieure et une fontaine. Une clôture à barrières ouvragées entourait le terrain, et deux lions de plomb coulé flanquaient l’entrée. Sa dernière initiative fut peut-être la plus bizarre. En 1883, il acheta un lot à flanc de colline au Rural (Elmwood) Cemetery et y construisit un caveau dont on a estimé le coût à 15 000 $. Frappé d’apoplexie le 28 octobre 1899, il mourut au matin du 15 novembre. Sa notice nécrologique fit une mention flatteuse des nombreuses entreprises auxquelles il avait participé, mais l’incident qui survint la nuit suivant son inhumation est beaucoup plus révélateur des sentiments de ses concitoyens. Un groupe d’hommes parvint presque à forcer la porte du caveau, et la famille dut y poster des gardes jusqu’à la fin de l’hiver.

C. Alexander Pincombe

En plus des références citées plus bas, les informations contenues dans la présente biographie ont été obtenues lors de mon entrevue avec monsieur Stanley S. Jones de Moncton, N.-B., petit-fils du sujet, le 28 avril 1975.  [c. a. p.]

N.-B., The revised statutes of New Brunswick [...] (3 vol., Fredericton, 1854–1855), 3 : 626–639.— Moncton Times, 15, 20 nov. 1899.— Biographical review : this volume contains biographical sketches of leading citizens of the province of New Brunswick, I. A. Jack, édit. (Boston, 1900), 126–128.— Emmerson Carroll et A. J. Tingley, Years of pilgrimage : 150 years for Christ in First Moncton United Baptist Church, 1821–1978 (Hantsport, N.-É., 1978), 21–22.— Esther Clark Wright, The Petitcodiac : a study of the New Brunswick river and of the people who settled along it (Sackville, N.-B., 1945), 41–48.— E. W. Larracey, The first hundred : a story of the first 100 years of Moncton’s existence after the arrival in 1766 of the pioneer settlers from Philadelphia, Pa. (Moncton, 1970), 116–120, 181–184.— L. A. Machum, A history of Moncton, town and city, 1855–1965 (Moncton, 1965), 68, 74–75, 106, 118.— C. A. Pincombe, « The history of Monckton Township (ca. 1700–1875) » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1969), 69–76, 134, 178–180, 191–192, 210, app. R, app. W.— R. J. Graham et J. A. Haxby, « The history and notes of the Westmorland Bank of New Brunswick », Canadian Paper Money Journal (Toronto), 13 (1977) : 41–51. La partie technique de ce compte rendu est d’excellente qualité et d’un grand intérêt numismatique ; le récit est condensé et quelque peu confus. Cependant, il fait une critique des actes discutables accomplis par Jones au cours des années qui ont mené à l’échec en 1867  [c. a. p.]— Moncton Times, 15 juin 1927.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

C. Alexander Pincombe, « JONES, OLIVER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jones_oliver_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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