LEA, WALTER MAXFIELD, cultivateur, rédacteur en chef et homme politique, né le 10 février 1874 à Tryon, Île-du-Prince-Édouard, fils de William Charles Lea et de sa deuxième femme, Annie Murphy ; le 18 octobre 1899, il épousa au même endroit Helena Esma Maud Mary Rogerson, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 10 janvier 1936 à Charlottetown.

Originaire du Lincolnshire, en Angleterre, la famille Lea s’installa vers 1818 dans la région de Tryon, à l’Île-du-Prince-Édouard, et plusieurs de ses membres devinrent des cultivateurs importants du district. Walter Maxfield Lea fréquenta l’école dans la ville voisine de Victoria (Victoria-by-the-Sea), qui se développait comme port et centre de services de la région. Il suivit une courte formation à la Nova Scotia School of Agriculture de Truro, puis il rejoignit son père pour travailler à la Riverside Farm, propriété familiale de plus de 200 acres, à l’ouest de Victoria, où l’on pratiquait une agriculture mixte. Une production abondante de lait et de matières grasses du lait était un gage de succès à une époque où l’industrie laitière se trouvait en plein essor dans la province. La ferme Lea, qui fournit la crémerie locale pendant plus de trois décennies, se signala par la qualité de ses bovins holsteins et ses chevaux percherons. Walter Maxfield fut très tôt un partisan enthousiaste des coopératives laitières et portait un intérêt particulier à l’amélioration du bétail par un élevage sélectif. Reconnu pour sa compétence et sa vision scientifique, il exerçait souvent la fonction de juge de concours de bétail dans des foires agricoles des Maritimes, ainsi qu’en Ontario et en Saskatchewan. Lea occupa un certain nombre de postes de direction au sein de la Holstein-Friesian association of Canada et, en 1921, après que son troupeau dut être abattu à cause d’une épidémie de tuberculose bovine, il soutint la campagne pour éradiquer cette maladie dans la province, opération que le gouvernement conservateur de James David Stewart réaliserait deux ans plus tard.

Lea avait 41 ans lorsqu’il brigua une charge publique, suivant les traces de son père, membre de la Chambre d’assemblée de 1872 à 1879. En 1915, il fut élu pour la première fois à l’Assemblée législative (comme on l’appelait depuis 1893), en tant que député de l’opposition libérale pour la circonscription de 4th Prince. Il reviendrait en 1919, serait défait en 1923, puis réélu en 1927, 1931 et 1935. Le premier ministre John Howatt Bell*, qui représentait également la région de Tryon, désigna Lea comme commissaire (ministre) de l’Agriculture, poste qu’il détiendrait de 1919 à 1923. Il fut chargé de la création de l’Agricultural and Technical School de la province, installée sur le site de la résidence du lieutenant-gouverneur, libéré par la cessation des activités de la Commission des hôpitaux militaires en 1920. Principalement financée par Ottawa, l’école serait fermée en 1925 par le gouvernement Stewart, lorsque les fonds fédéraux firent défaut.

Pendant plusieurs années, au milieu des années 1920, Lea fut rédacteur en chef de la section agricole du Guardian. Il aimait ce travail et n’y renonça qu’à la suite de sa réélection en 1927, quand son parti reprit le pouvoir et que le premier ministre Albert Charles Saunders* le nomma commissaire de l’Agriculture et secrétaire-trésorier de la province. Le programme législatif des libéraux accorda une place prépondérante aux questions liées à l’agriculture, et Lea sembla s’investir profondément dans les travaux de son ministère. Il rédigea un article intitulé « Improved live stock breeding » pour son rapport annuel de 1927 et, en 1928, il fit partie d’une délégation provinciale qui examina les pratiques agricoles en Angleterre, en Écosse et au Danemark. Après la nomination de Saunders à la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard, Lea fut appelé à former un gouvernement et il entra en fonction le 20 mai 1930, choisissant de cumuler les fonctions de premier ministre et de commissaire de l’Agriculture.

Les effets de la grande dépression ne se firent pas sentir à l’île aussi rapidement qu’ailleurs au Canada. Au début, on considéra la perte de marchés agricoles comme temporaire et Lea, premier agriculteur à diriger la province, réagit par un programme de restrictions. Dans « Economy in production », article publié dans le rapport annuel de son ministère pour 1930, il soutint que les agriculteurs pouvaient adopter des mesures simples qui les aideraient à réduire les coûts et, ainsi, à surmonter leurs difficultés économiques. Lea appliqua cette idée à la situation plus générale de la province et, dans le budget de 1931, le gouvernement diminua sa dette obligataire. Cette initiative allait cependant à l’encontre des attentes de la population, au moment où d’autres provinces commençaient à emprunter pour financer une aide pressante. Aux élections de 1931, Lea affronta également une opposition tory qui entretenait l’espoir d’améliorer les relations de l’île avec le gouvernement fédéral conservateur de Richard Bedford Bennett*.

Après le décompte des voix aux élections du 6 août, les conservateurs, toujours conduits par Stewart, remportèrent une majorité de 18 contre 12 à l’Assemblée législative. Lea conserva son siège par neuf votes seulement ; son leadership du Parti libéral ne fut pas remis en question. L’historien Edward MacDonald a fait remarquer que la victoire des tories, au moment où la dépression commençait tout juste à sévir, était « probablement la pire chose qui eût pu arriver aux conservateurs ». Au cours des quatre années suivantes, Lea sut utiliser le mécontentement populaire à l’avantage de son parti. Tout en s’efforçant d’équilibrer les petits revenus et les dépenses de la province, les conservateurs durent engager des frais d’investissement pour la reconstruction de deux importantes installations détruites par le feu durant l’hiver de 1931–1932, le Falconwood Hospital et le Prince of Wales College. En raison du déclin économique de la province durant les 60 années précédentes, les habitants de l’île étaient peu favorables à de nouveaux emprunts, et les libéraux purent attaquer les tories pour avoir accru la dette tout en préconisant un programme de restrictions.

La campagne de 1935 fut difficile pour Lea. Malade, il dut déléguer une bonne partie du travail à Thane Alexander Campbell*, avocat de Summerside et membre de l’Assemblée législative. On a souvent attribué une grande part du mérite de la victoire électorale à Campbell, mais Lea y avait joué plus qu’un rôle secondaire. Même s’il était hospitalisé au commencement de l’affrontement et demeura indisposé durant presque toute la campagne, il avait activement contribué à élaborer le plan d’attaque des libéraux, divulgué au début d’avril, soit plus de trois mois avant la tenue des élections. Lea ne fit qu’une apparition publique pendant la tournée électorale ; il prit toutefois la parole à la radio et fut soutenu avec une partialité enthousiaste par le Charlottetown Patriot.

Les conservateurs n’auraient vraisemblablement pas pu se maintenir au pouvoir, et ce, même sans une solide campagne de l’opposition ; d’ailleurs, la campagne elle-même ne fut probablement pas la cause du changement d’allégeance de l’électorat. La crise avait entamé la confiance du public en la capacité des conservateurs à réaliser des améliorations tant à Ottawa qu’à Charlottetown et, peu importe le parti au pouvoir, il aurait été blâmé pour les problèmes économiques de l’île. De plus, le remplacement du premier ministre à mi-mandat offrit aux libéraux une cible facile. William Joseph Parnell MacMillan*, médecin réputé de la capitale, avait succédé à Stewart après son décès dans l’exercice de ses fonctions en 1933, et son attitude à l’Assemblée législative contrastait avec la modestie campagnarde de Lea. MacMillan était un bon orateur et un débatteur habile, mais son style impétueux déplaisait aux électeurs moyens, dont beaucoup considéraient son gouvernement comme distant et inefficace.

Ainsi, le 23 juillet 1935, la victoire libérale surprit moins que son ampleur. Dans une province où les majorités étaient habituellement plutôt étroites et où le vote populaire dépassait rarement 51 % pour le parti gagnant, les libéraux obtinrent presque 60 %, anéantissant leurs adversaires dans bien des cas. Pour la première fois dans l’histoire du British Commonwealth of Nations, croyait-on, aucun membre de l’opposition ne fut élu ; le parti de Lea obtint les 30 sièges de l’Assemblée législative. « L’île vote pour une dictature libérale », prévint le Guardian, qui avait soutenu les conservateurs, tandis que le Summerside Journal, journal tory lui aussi, ne prit même pas la peine de rapporter l’effarante défaite. Le parti ne remporterait aucune autre élection provinciale pendant plus de deux décennies.

La première session du nouveau gouvernement commença le 25 septembre 1935 et ne dura qu’une journée. Lea devint premier ministre, ministre de l’Agriculture et secrétaire-trésorier de la province, et Campbell, procureur général. Un certain nombre de mesures financières furent approuvées, notamment la couverture d’un découvert créé par les conservateurs et l’annulation d’une émission d’obligations à intérêts élevés. L’absence complète d’opposition permit une adoption rapide et facile des projets de loi ; les libéraux jubilaient.

Lea semblait bien rétabli durant cette courte session et, en décembre, il se rendit à Ottawa pour participer à la conférence fédérale-provinciale convoquée par le premier ministre William Lyon Mackenzie King*. Un mois plus tard, cependant, il était gravement malade et, le 10 janvier 1936, il mourut d’une pneumonie au Prince Edward Island Hospital, à Charlottetown. Les notices nécrologiques délaissèrent la partisanerie habituelle, et MacMillan, son rival politique, le louangea comme « un vrai fils de la terre qu’il aima tant pendant de nombreuses années [...] sans aucun doute le plus remarquable agriculteur de cette province insulaire ».

L’héritage politique de Walter Maxfield Lea est probablement sa reconstruction du Parti libéral, mais à titre de premier agriculteur à diriger la province, son influence sur l’agriculture, qu’il encouragea et promut comme principale industrie de l’île, fut encore plus importante. Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement, il défendit une conception scientifique et professionnelle de l’agriculture, et il le fit avec la crédibilité que lui conféraient son propre succès et son autorité en la matière. L’hommage le plus éloquent reste peut-être l’épitaphe gravée sur sa tombe, au cimetière Tryon People : « Les gens lui faisaient confiance ».

Harry Tinson Holman

Walter Maxfield Lea est l’auteur de deux articles, « Improved live stock breeding » et « Economy in production », parus dans Î.-P.-É., Dept. of Agriculture, Annual report (Charlottetown), respectivement en 1927 : 29–31 et 1930 : 25–28.

PARO, Acc. 4077 (The Lea family of Prince Edward Island).— Charlottetown Patriot, 10–11 janv. 1936.— [G.] E. MacDonald, If you’re stronghearted : Prince Edward Island in the twentieth century (Charlottetown, 2000).— W. E. MacKinnon, The life of the party : a history of the Liberal Party in Prince Edward Island ([Charlottetown], 1973).— R. W. Manning, « Cows and convalescents : Government House as health and education centre, 1917–1924 », Island Magazine (Charlottetown), no 24 (automne–hiver 1988) : 19–24.— Minding the house (Weeks).— Walter Shaw, Tell me the tales (Charlottetown, 1975).

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Harry Tinson Holman, « LEA, WALTER MAXFIELD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lea_walter_maxfield_16F.html.

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Auteur de l'article:    Harry Tinson Holman
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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