LIETTE, PIERRE-CHARLES DE (di Lietto, Deliette, Desliettes), aide de camp d’Henri Tonty, commandant du fort Saint-Louis et de Chicago, et capitaine dans les troupes de la marine ; circa 1687–1721.

On ignore la date exacte de la naissance de Liette, ainsi que celle de sa mort et, de plus, il n’y a aucune preuve qu’il ait été marié. Il était de descendance italienne et cousin d’Henri et d’Alphonse Tonty, dont la mère s’appelait di Lietto de son nom de jeune fille. Ses parents vinrent sans doute en France vers 1650, avec les Tonty qui fuyaient l’Italie où ils avaient pris part à un soulèvement avorté. Liette immigra probablement en Nouvelle-France, avec son cousin Alphonse, en 1685.

Il arriva au fort Saint-Louis, au Rocher (Starved Rock), en 1687 et c’est ainsi qu’il commença une carrière de 15 ans au service d’Henri Tonty. L’année suivante, pour se familiariser avec la langue et les usages des Illinois, il accompagna un groupe d’entre eux à une chasse au bison. Dans un récit qu’il écrivit par la suite, Liette raconte qu’à l’époque de cette chasse, sa « grande jeunesse » lui fut un avantage, car il eut peu de peine à s’adapter à ce nouveau milieu. Au bout de trois ans, Tonty était assez satisfait des progrès de son cousin pour lui confier le commandement du fort Saint-Louis et, plus tard, le charger de diriger l’établissement des Illinois dans un nouveau territoire. Lorsque le fort fut évacué en 1692, les troupes et les Indiens du village allèrent s’installer à Pimiteoui (l’actuelle Peoria). Liette dut donner toute satisfaction dans l’accomplissement de cette tâche, car il servit ensuite, à titre de commandant par intérim, à Chicago où Tonty avait un entrepôt, et au fort Pimiteoui (appelé parfois Saint-Louis) jusqu’en 1702.

Cette année-là, Henri Tonty et François Dauphin de La Forest se retirèrent, avec leurs troupes, du territoire des Illinois. Comme la population indienne de cette région avait une grande importance, tant au point de vue militaire qu’au point de vue commercial, on ne pouvait l’abandonner à ses propres moyens et Liette resta seul parmi ces Indiens, pour y préserver l’influence française. Quand Liette retourna à Montréal, en 1711, il jouissait d’un grand prestige dans les assemblées des Illinois.

Tout le réseau d’alliances que les Français maintenaient parmi les tribus de l’Ouest se trouva menacé lorsqu’éclata la guerre des Renards en 1712. Il fallait absolument conserver la paix entre les Illinois et les Miamis, à l’intérieur de la sphère de l’influence française, car leur position géographique les rendait vulnérables aux attaques des Anglais et des Renards. Pour remédier à cette situation, le gouverneur Rigaud de Vaudreuil se conforma aux recommandations des missionnaires qui vivaient parmi les Illinois, ainsi qu’aux demandes d’un chef de cette tribu, Chachagouesse, et envoya Liette pour tâcher de neutraliser les propositions commerciales que les Anglais avaient faites aux Illinois et empêcher ces derniers de faire la guerre aux Miamis. Les relations entre les deux tribus s’aggravèrent pourtant, en 1713, après que les Miamis eurent attaqué, par surprise, les Illinois. L’année suivante, l’emprise que la Nouvelle-France exerçait sur eux se trouva de nouveau menacée, à la suite des entretiens que les deux tribus eurent avec les Anglais de la Caroline. Une telle évolution était d’une grande importance pour la colonie, car Vaudreuil espérait recruter 1 500 guerriers illinois et miamis pour faire la guerre aux Renards. Heureusement, la longue amitié que Liette entretenait avec les Illinois fit pencher la balance en faveur de la Nouvelle-France et, en 1715, il put retourner à Montréal après avoir mené à bien la mission qui lui avait été confiée. Son séjour y fut de courte durée. Au début de 1716, le gouverneur de Montréal, Claude de Ramezay, renvoya Liette au Rocher pour rétablir l’ancien fort Saint-Louis et maintenir la paix dans la région.

Quand, en 1717, le territoire des Illinois fut annexé à la Louisiane, Liette se trouvait encore parmi les Indiens, chez qui il travaillait en faveur des intérêts français. Il fut nommé capitaine dans les troupes de la marine de la Louisiane en 1720 mais démissionna presque immédiatement et retourna à Montréal. Un acte notarié, signé le 9 juin 1721, à la veille de son départ pour l’Ouest, est le dernier document sûr que l’on ait concernant Pierre-Charles de Liette ; après cela, les renseignements que l’on possède deviennent fragmentaires et, jusqu’à un certain point, contradictoires, Charlevoix* prétendit que Liette était mort chez les Natchez, peu avant décembre 1721. Il est pourtant possible qu’il se soit trompé car, entre 1722 et 1728, il y eut un Liette, qui servit dans les territoires des Natchez et des Illinois. Était-ce Pierre-Charles ? C’est possible, mais il s’agissait peut-être d’un fils d’Alphonse Tonty (autre que Charles-Henri-Joseph Tonty*, sieur de Liette, que l’on retrouve dans l’Ouest, après 1728) ; ou encore, tout comme François-Marie Bissot de Vinsenne et Philippe-Thomas Chabert* de Joncaire succédèrent à leurs pères parmi les Miamis et les Tsonnontouans, il est possible qu’un fils de Pierre-Charles, issu peut-être d’une mère illinoise, l’ait remplacé auprès des Illinois.

Au cours d’un séjour à Montréal, Liette écrivit le « Mémoire de De Gannes » conservé dans la Collection Ayer à la Newberry Library de Chicago. Bien que le mémoire soit signé par quelqu’un du nom de De Gannes, le contenu même de ce document révèle que Liette en est l’auteur. Dans une cinquantaine de pages imprimées, on trouve des renseignements précieux sur les Indiens illinois et miamis et sur les régions qu’ils habitaient. De plus, on y donne l’itinéraire parcouru par Liette au cours des premières années de son séjour dans l’Ouest.

Sauf pour les quelques voyages qu’il fit de temps à autre à Montréal, Pierre-Charles de Liette a passé toute sa vie dans l’Ouest, occupé à arbitrer les conflits entre tribus et à maintenir de bonnes relations entre la Nouvelle-France et les Indiens illinois. Bien que l’on ait peu de documents se rapportant à sa carrière, ce que l’on possède nous permet de dire qu’il s’acquittait bien de son service.

C. J. Russ

AJM, Greffe d’Antoine Adhémar, 18 août 1692, 11 août 1700 ; Greffe de Jacques David, 9 juin 1721. — AN, Col., B, 42, ff.337v.–338, 381v.–382 ; 43, f.47, 461 ; 48, f.741 ; Col., C11A, 33, pp.85–91, 164–166 ; 34, pp.305, 356–357 ; 35, pp.37–39, 150–155 ; 40, pp.23–24 ; 42, pp.21, 61–68 ; 48, pp.332, 336 ; 51, p.169 ; Col., C11G, 1, p.95 ; Col., C13A, 1, f.27 ; 7, ff.73v.–74, 124, 173, 307v., 311 ; 11, ff.89v.–96v. — Charlevoix a écrit dans son Histoire (1744), IV : 235, qu’au moment où il rencontra les Natchez à la fin de 1722, Liette était déjà mort ; c’est une erreur, car la lettre 30, reproduite dans le volume VI : 165–191, prouve que Charlevoix rencontra les Natchez à la fin de 1721. — Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39 : 133, 152 ; 1947–48 : 225, 230, 291. — Découvertes et établissements des Français (Margry), III : 495. — Memoir of De Gannes concerning the Illinois country, Ill. State Hist. Lib. Coll., XXIII : 302–395. — NYCD (O’Callaghan et Fernow), IX : 865. — Wis. State Hist. Soc. Coll., XVI : 300–307, 332s., 378. — Tanguay, Dictionnaire. — Sister Mary Celeste, The Miami Indians prior to 1700, Mid-America, XVI (1933–34 ; nouv. sér., V) : 225–234. — Jean Delanglez, The voyages of Tonti in North America, 1678–1704, Mid-America, XXVI (1944 ; nouv. sér., XV) : 255–300. — Sister Mary Borgias Palm, Kaskaskia, Indian mission village, 1703–1718, Mid-America, XVI (1933–34 ; nouv. sér., V) : 14–25.

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C. J. Russ, « LIETTE (di Lietto, Deliette, Desliettes), PIERRE-CHARLES DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/liette_pierre_charles_de_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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