Titre original :  Herbert Meredith Marler

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MARLER, sir HERBERT MEREDITH, notaire, homme d’affaires, homme politique et diplomate, né le 7 mars 1876 à Montréal, fils aîné de Josephine Charlotte Howard et de William de Montmollin Marler ; le 9 avril 1902, il épousa dans la même ville Beatrice Isabel Allan, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé le 31 janvier 1940 à Montréal.

Herbert Meredith Marler naquit au sein de l’élite marchande anglo-protestante de Montréal. Son père, notaire prospère, enseignait le droit civil à la McGill University. Les Marler vénéraient leur relation avec le huguenot David-François de Montmollin*, l’un des premiers ministres de l’Église d’Angleterre à immigrer dans la province de Québec après la Conquête. Herbert Meredith fréquenta la High School of Montreal, la Montreal Collegiate School et la McGill University. Il obtint une licence en droit civil en 1898 et s’associa à son père pour lancer une firme de notaires, la W. de M. and H. M. Marler. En 1902, il épousa une personnalité mondaine locale, Beatrice Isabel Allan, petite-fille d’Andrew Allan*, cofondateur de la ligne de vapeurs Allan, et de Mathew Hamilton Gault*, fondateur de la Compagnie canadienne d’assurance sur la vie, dite du Soleil. Herbert Meredith consolidait ainsi sa position dans l’establishment anglophone de Montréal. Les Marler possédaient des propriétés très admirées dans le Mille carré et à Senneville, près de Sainte-Anne-de-Bellevue. Le fils cadet d’Herbert Meredith, Howard Meredith, écrirait ceci : « Même s’il était toujours un père et un mari aimant et indulgent, il avait un caractère prompt et instable. Sa femme l’admirait beaucoup, et ses deux fils étaient terrifiés par leur père. »

Notaire prudent, doué pour gérer l’argent, Marler spécula dans le marché immobilier montréalais et à la bourse, mais jamais sur marge. Il connut un franc succès : en 1921, il affirmait que son revenu annuel se situait entre 50 000 $ et 70 000 $. En octobre 1914, peu après le début de la Première Guerre mondiale, Marler se joignit au 1st Regiment (Canadian Grenadier Guards) de la milice active. Il s’enrôla pour le service outre-mer dans le 245e bataillon d’infanterie en juillet 1916 et accéda au grade de major trois mois plus tard. On le démobilisa toutefois pour cause d’effectifs en surnombre au mois de mai suivant, sans qu’il ait quitté le pays. Pour le reste de la guerre, il agit à titre de responsable du carburant pour la province de Québec.

La fonction publique attirait Marler. En mai 1919, il entra au Conseil de l’instruction publique de la province. Deux ans plus tard, il offrit sa candidature aux libéraux dans la difficile circonscription montréalaise de Saint-Laurent–Saint-Georges, représentée par Charles Colquhoun Ballantyne, membre du cabinet dans le gouvernement libéral et conservateur national d’Arthur Meighen*. Le chef libéral William Lyon Mackenzie King* s’en réjouit. Comme bien d’autres, même s’il trouvait Marler dépourvu d’humour et excessivement cérémonieux, il l’aimait bien et appréciait ses qualités : le 10 juillet 1921, dans son journal, King décrivait le notaire comme un homme ambitieux, aimable, agréable et « de caractère noble ». Il escomptait que Marler, dont on connaissait bien l’opinion sur les tarifs élevés, saurait apaiser les inquiétudes de la communauté d’affaires protectionniste de Montréal à l’égard des libéraux favorables à la réduction des tarifs. King ne se trompait pas : le 6 décembre, les libéraux remportèrent de justesse la victoire dans l’ensemble du pays, et Marler défit facilement Ballantyne avec 7 386 voix, soit plus de 57 % du vote populaire.

Marler, qui avait un œil sur le ministère des Finances, commença sa carrière parlementaire comme député d’arrière-ban. Il présida en 1922 le Comité spécial sur les pensions, les assurances et le rétablissement social des anciens combattants, formé par la Chambre des communes, et il siégea aux comités permanents sur les banques et le commerce, sur les relations industrielles et internationales, sur la marine et les pêches, sur les mines et les minéraux, et sur les chemins de fer, canaux et lignes télégraphiques. Orateur ennuyeux et lourd, il acquit néanmoins une réputation d’expert en tarifs, finances et chemins de fer. Son assiduité au travail impressionna le premier ministre, qui commença, avant janvier 1924, à envisager de l’inclure dans son cabinet. Les deux hommes se brouillèrent toutefois avant toute invitation. Le 29 avril, exprimant le sentiment des manufacturiers de Montréal, Marler critiqua en Chambre la baisse de tarifs prévue dans le budget du gouvernement qui, dénonçait-il, allait à l’encontre de la tradition de stabilité des tarifs établie par l’ancien premier ministre libéral sir Wilfrid Laurier* et son ministre des Finances, William Stevens Fielding*. Ce jour-là, King nota dans son journal : « Il a gâché son avenir en tant que libéral. » En août, il y avait déjà une telle froideur entre eux que Marler refusa de participer à un rassemblement en l’honneur de King à Montréal.

Les deux hommes politiques avaient de bonnes raisons de régler leur différend : King était évidemment incontournable pour concrétiser les aspirations frustrées de Marler d’accéder au cabinet, et le premier ministre avait besoin de Marler pour conserver le soutien des libéraux des milieux d’affaires anglophones de Montréal en vue des élections générales suivantes. (Dans la négociation d’un accord commercial entre le Canada et les Antilles britanniques, au début de l’été de 1925, Marler avait montré son excellente connaissance des intérêts commerciaux de l’Est du Canada et joué un rôle notable.) Autre point aussi important, King voulait que Marler l’aide à préparer les libéraux à des élections qui se tiendraient en octobre. Le 14 août, ils se réconcilièrent dans la maison de campagne de Marler à Senneville. Dans son journal, le premier ministre écrivit : « J’ai parlé du besoin d’organisation du parti – il a dit qu’il trouverait ici 50 000 à cette fin et pourrait garantir 100 000. » King assura Marler de son entrée imminente au cabinet ; le 5 septembre, on l’assermenta comme ministre sans portefeuille.

La carrière de Marler au cabinet ne dura guère et se déroula sans éclat. Attaqué par l’influente Gazette de Montréal, il subit une défaite aux élections générales du 29 octobre, où le gouvernement libéral dut se contenter d’une fragile minorité. Marler ne se présenta pas aux élections de 1926, qui donnèrent la majorité à King, mais on le désigna l’année suivante comme candidat dans Stanstead, circonscription sûre des Cantons-de-l’Est. Plusieurs années s’écouleraient toutefois avant les prochaines élections, et Marler demeura entre-temps en marge de la politique, avec une revendication d’avancement politique que King jugeait légitime, mais de plus en plus maladroite.

Des restrictions d’immigration délicates, des perspectives commerciales prometteuses et la place grandissante de l’Asie dans le monde faisaient de Tokyo l’endroit tout indiqué pour que le service extérieur du Canada, en pleine croissance, établisse sa première légation en Asie. Marler n’était pas le premier choix de King pour diriger la nouvelle mission diplomatique du Canada au Japon ; il devint cependant une seconde option logique quand l’homme d’affaires de Québec George Washington Stephens déclina son offre. King avait confiance en son ancien collègue du cabinet, et l’estimait pour son intelligence et son éthique du travail. Le 5 janvier 1929, ayant appris que Marler acceptait le poste, le premier ministre écrivit dans son journal : « Il fera un ministre splendide, et il est la personne idéale pour inaugurer la légation en Orient. Il est très clair que c’est l’importance sociale de la fonction qui lui plaît, ainsi qu’à sa femme, de même que l’occasion de travailler dans le service public […] C’est une grande réussite qui sécurise Marler et en même temps nous soulage d’une situation politique nettement embarrassante. » King se réjouit également que Marler subventionne personnellement la légation, disposition que l’on attendait souvent des premiers chefs de missions diplomatiques du Canada. Le 11 janvier, le cabinet nomma Marler ministre de la légation à Tokyo, où ce dernier arriva en septembre. Hugh Llewellyn Keenleyside* et Kenneth Porter Kirkwood*, qui avaient tous deux une expérience diplomatique, devaient l’assister.

Le mandat de Marler ne fut pas parfait. Ses jeunes employés n’appréciaient guère la grande importance que sa femme et lui accordaient à l’apparat et à la tenue, et plusieurs observateurs canadiens, notamment King, se sentirent embarrassés par son incapacité à s’entendre avec les diplomates de la Grande-Bretagne, plus proche alliée du Canada. Les détracteurs de Marler dénonçaient aussi son attitude projaponaise et son empressement à avaliser la conquête de la Mandchourie (république populaire de Chine) par le Japon en 1931. Malgré tout, King et son successeur, le premier ministre conservateur Richard Bedford Bennett*, estimèrent que Marler avait fait du bon travail à Tokyo. L’importance que l’ancien homme d’affaires accordait au commerce bilatéral avec le Japon et la Chine pendant la grande dépression du début des années 1930 correspondait étroitement aux priorités économiques de Bennett. Plus encore, on acclama abondamment Marler pour l’érection d’une légation et d’une résidence officielle magnifiques au centre de Tokyo. Il investit personnellement 25 000 $ pour le projet, supervisa la construction et veilla à l’ameublement avec un goût exquis. En reconnaissance de ses efforts, le roi George V le fit chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges le 3 juin 1935.

Malgré son succès à Tokyo, sir Herbert Meredith avait un avenir incertain. Au début de 1934, il avait sollicité le poste de ministre canadien à Washington, mais le sous-secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Oscar Douglas Skelton*, se montra peu encourageant. Quand, après sa reprise du pouvoir en octobre 1935, King offrit l’emploi à John Wesley Dafoe*, rédacteur en chef du Winnipeg Free Press, celui-ci préféra conserver son franc-parler. Avec son expérience, Marler se présentait à nouveau comme un deuxième choix acceptable pour King. La nomination, annoncée en Chambre le 23 juin 1936, souleva une certaine opposition. Le 24 juillet, King consigna dans son journal que le cabinet n’était « pas enthousiaste à ce sujet », que les représentants du département d’État craignaient que les manières rigides de Marler ne conviennent pas au style informel de la société américaine, et que le haut fonctionnaire de la légation, Humphrey Hume Wrong*, ne veuille pas travailler sous sa direction. (En privé, Wrong affirma à Keenleyside que Marler était « stupide ».) King alla de l’avant ; il dit à Marler qu’il « serait à la hauteur et ferait du bon travail », mais lui demanda de rester « naturel ».

Le premier ministre regretta bientôt cette nomination. L’inaptitude de Marler à collaborer avec le personnel de l’ambassade britannique à Washington et le souci de son statut, qui s’aggravait avec l’âge, l’irritaient. Le 1er décembre, King manifesta sa colère devant ce qu’il appela une « suggestion insensée » maintes fois répétée d’élever la légation au rang d’ambassade. Le 24 juillet, il écrivit au sujet de sir Herbert Meredith et de lady Marler : « Leurs vies sont pleines de solennité, de prestige, de décorum – toutes les dorures du cadre – avec la réalité qui se consume. »

D’autres facteurs nuisaient à l’efficacité de Marler et à sa capacité à diriger le travail de la légation. Premièrement, les relations étroites qu’entretenaient King et le président Franklin Delano Roosevelt réduisaient la nécessité d’un intermédiaire diplomatique ; le 26 juillet 1937, après l’intervention de Marler dans des pourparlers hautement prioritaires sur le commerce bilatéral, King lui suggéra de « ne pas toucher à cela ». Deuxièmement, les dissensions entre Marler et Wrong sapaient le moral de la légation, où le ministre ne semblait pas inspirer un grand respect. Charles Stewart Almon Ritchie*, secrétaire particulier de Marler, écrivit dans son journal : « Il ressemble à un portrait profondément pompeux de lui-même peint pour être suspendu dans une salle de conseil. Ce n’est pas un homme à l’esprit vif – d’ailleurs, un de mes collègues secrétaires à la légation dit qu’il est “tout en ivoire au-dessus du cou” ».

Par surcroît, Herbert Meredith Marler essuya des revers dans sa vie personnelle. Il avait souffert d’une sérieuse pneumonie en 1933 et subi une chirurgie de la prostate en 1936. Par la suite, le déclin constant de sa santé le laissa de plus en plus malheureux et aigri. Il se trouva également impliqué dans les problèmes de son fils aîné alcoolique, George Leonard, qui scandalisa l’establishment canadien en poursuivant son père pour l’avoir fait interner dans un hôpital psychiatrique afin d’y suivre un traitement en 1938. Usé par cette tourmente et par le stress occasionné par la planification de la partie américaine de la tournée royale entreprise par le roi George VI et la reine Élisabeth, Marler fit deux crises cardiaques en avril 1939. Pendant sa convalescence, il s’effondra en juin, atteint d’une pleurésie, et fut rapatrié d’urgence à Montréal pour se rétablir. Après l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, il devint nécessaire pour le gouvernement King de nommer un ministre en bonne santé à Washington ; le 5 septembre, lady Marler offrit la démission de son mari souffrant, à son insu. Sir Herbert Meredith mourut le 31 janvier 1940.

Greg Donaghy

Sir Herbert Meredith Marler est l’auteur de Manifesto of Herbert Marler, Liberal candidate, St. Lawrence-St. George ([Montréal, 1921 ?]) et de Liberal policy, 1925 (s.l., [1925 ?]). Outre les sources mentionnées ci-après, BAC conserve de la documentation sur Marler dans d’autres fonds.

BAC, R234-0-2-F (Fonds de la Commission de la fonction publique), vol. 1245, dossier nominal ; R7635-0-6-F (Herbert Meredith Marler fonds) ; R10383-19-5-F (fonds William Lyon Mackenzie King fonds, journaux intimes), 1921-1940 ; RG25-A-2, vol. 2961, dossier 50 (Sir Herbert Marler) ; RG150, Acc. 1992-93/166, boîte 5930-44.— Edmonton Journal, 31 janv. 1940.— Gazette (Montréal), 15 oct. 1925, 15 déc. 1938, 18 juill. 1968.— Ottawa Citizen, 9 juill. 1929.— Spokesman (Drummondville, Québec), 22 janv. 1929.— Canadian directory of parl. (Johnson).— J. L. Granatstein, The Ottawa men : the civil service mandarins, 1935–1957 (Toronto, 1982).— John Hilliker et Donald Barry, le Ministère des Affaires extérieures du Canada (2 vol., Québec, 1990–1995), 1.— H. L. Keenleyside, Memoirs (2 vol., Toronto, 1981–1982), 1.— T. C. D. Lynhiavu, « Canada’s window on Asia : the establishment of the Tokyo legation in 1928–1931 », Rev. d’études canadiennes (Peterborough, Ontario), 31 (1996–1997), no 4 : 97–123.— H. [M.] Marler, Marler : four generations of a Quebec family (Montréal, 1987).— J. D. Meehan, The dominion and the rising sun : Canada encounters Japan, 1929–41 (Vancouver et Toronto, 2004).— C. [S. A.] Ritchie, The siren years : undiplomatic diaries, 1937–1945 (Londres, 1974).— M.-J. Therrien, « Canadian chanceries in Tokyo », dans Contradictory impulses : Canada and Japan in the twentieth century, Greg Donaghy et P. E. Roy, édit. (Vancouver et Toronto, 2008), 231–243.

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Greg Donaghy, « MARLER, sir HERBERT MEREDITH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/marler_herbert_meredith_16F.html.

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Auteur de l'article:    Greg Donaghy
Titre de l'article:    MARLER, sir HERBERT MEREDITH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2025
Année de la révision:    2025
Date de consultation:    4 déc. 2025