Titre original :  Minnie et Iktuktorvik au campement 'North Star' près de Cap Prince Alfred, Territoires du Nord-Ouest = Minnie and Iktuktorvik at ‘North Star’ camp near Cape Prince Alfred, Northwest Territories.

Musée canadien de l'histoire = Canadian Museum of History

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Uttaktuak (Uktuktowik, Iktuktorvik), aussi connue sous les noms de Sarah ou Nellie, Inuite du Cuivre (Inuinnait), couturière et artiste, née vers 1890 probablement dans la région des îles Baillie, au large de la côte nord du cap de Bathurst, Territoires du Nord-Ouest, fille de Gunnana et de Nivikanna ; elle épousa Peter Lopez (Lopes), et ils eurent deux filles et un fils, dont une fille qui vécut jusqu’à l’âge adulte ; décédée en août 1932 à la baie Tom Cod, Territoires du Nord-Ouest.

La plupart des renseignements dont on dispose sur Uttaktuak et sa famille concernent l’expédition canadienne dans l’Arctique (ECA), à laquelle Uttaktuak a participé. Ce projet, mené entre 1913 et 1918, avait deux objectifs principaux : explorer des territoires inconnus au nord de la partie continentale de l’Arctique et effectuer des recherches sur les habitants, la faune et l’environnement de la côte arctique canadienne. Pour les membres de l’ECA, les Inuits constituaient non seulement des sujets d’intérêt ethnologique [V. Qanajuq], mais aussi des partenaires précieux, dont les connaissances et l’expertise se révélèrent indispensables à la sécurité et au succès de l’expédition. Uttaktuak faisait partie des « assistants locaux » de l’ECA, et plusieurs membres de l’expédition la mentionnèrent dans des journaux personnels et des livres qu’ils écrivirent.

Ces sources en disent très peu sur la jeunesse d’Uttaktuak ou sur son mariage avec Peter Lopez, baleinier des îles du Cap-Vert, dont le navire fit naufrage en 1906 près du cap Parry, dans les Territoires du Nord-Ouest. La plupart des membres de cet équipage quittèrent l’Arctique, mais Lopez y resta pour trapper et chasser. En septembre 1914, le zoologiste Rudolph Martin Anderson*, chef du groupe de l’ECA assigné à l’exploration de la partie sud, nota que le baleinier Rosie H. avait quitté les îles Baillie, « piloté par Tom Emmsley, Jim Fiji et Peter Lopez (Noir du Portugal) » qui envisageaient de passer l’hiver à l’île Booth. En 1915, alors que Lopez était responsable du navire, Anderson écrivit que « la femme de Lopez », Uttaktuak, était à bord, ce qui indique qu’ils étaient probablement mariés à ce moment-là.

George Hubert Wilkins, photographe membre de l’expédition, nota que le couple s’était joint à l’ECA à la mi-août 1915 : « Pete Lopes, un Portugais du Rosie H., m’avait demandé du travail hier et, d’après ce que je peux entendre, il semble être un homme de bonne volonté et compétent, alors je l’ai engagé ce matin pour donner un coup de main à bord du Star […] Il a une femme esquimaude avec lui et elle nous fournira une aide supplémentaire pour la couture. » Uttaktuak et Lopez voyagèrent avec Wilkins sur la goélette à moteur North Star jusqu’à l’île Banks, où ils passèrent l’automne et le début de l’hiver de 1915, installés au camp de l’ECA à l’est du cap Kellet. Pendant ce séjour, Wilkins découvrit l’artiste accomplie qu’était Uttaktuak : « Dimanche, 5 décembre 1915. J’ai offert à Uktuktowik, la femme de Pete, un livre et quelques crayons de couleur. Elle adore dessiner et j’aimerais garder le livre comme témoignage de son art […] Je lui ai fourni une photographie d’un chien à copier. Elle semble avoir d’assez bonnes connaissances anatomiques, ou [peut-être] s’agit-il de déduction ou d’intuition ? Interrogée plus amplement, elle dit qu’elle n’évalue pas précisément les proportions, elle ne fait que les dessiner. » Malheureusement, ses dessins ne semblent pas avoir été conservés.

En 1916, Uttaktuak et Lopez voyagèrent vers le nord jusqu’à la pointe Peddie de l’île Melville avec le groupe de l’ECA assigné à l’exploration de la partie nord, que dirigeait Vilhjalmur Stefansson*. Lopez chassait le caribou et le bœuf musqué, alors qu’Uttaktuak écorchait les animaux, séchait la viande et confectionnait des vêtements d’hiver pour les hommes qui se rendraient en traîneau plus au nord à la recherche d’îles inconnues. Stefansson se réjouit des tâches accomplies par Uttaktuak : « Nous sommes arrivés au camp de base de [Storker Teodor] Storkerson le 16 octobre, que nous avons trouvé très accueillant sous la gouverne de Mme [Elvina] Storkerson et de Mme Lopez. Durant l’été, elles ont fait plus que leur part en aidant à sécher la viande et elles s’affairent maintenant à préparer des vêtements d’hiver chauds et des bottes d’été imperméables, sans lesquels notre travail serait difficile et le confort, impossible. »

Pendant l’hiver de 1916–1917, Stefansson consigna des détails sur l’histoire familiale d’Uttaktuak : « Elle était exceptionnellement intelligente, et avertie et lucide quant à la façon dont les choses s’étaient déroulées dans sa jeunesse […] Elle nous donna de bonnes informations et partagea beaucoup [d’histoires] sur le folklore et les pratiques de son peuple. » Les grands-parents paternels d’Uttaktuak, Kannraranna et Kotukkaq, venaient tous deux de l’est de la baie Langton. Du côté maternel, on retrouvait sa grand-mère, Siksorina, et deux grands-pères, Qiviyunna, le « mari principal », et Aqonaq, le « junior ». La mère d’Uttaktuak s’appelait Gunnana, et son père, Nivikanna, descendait d’un peuple qui vivait à l’est du cap Lyon. Ils avaient eu six enfants : une première fille, nommée Uttaktuak, qui mourut vers l’âge de quatre ans, suivie d’Arnaretuaq, d’Uttaktuak et de sa jumelle (qui mourut jeune elle aussi), de Qimiqsanna, leur seul garçon, et de Mamayauq, qui se joindrait également à l’ECA.

Lorsque l’expédition quitta le Haut-Arctique au printemps de 1917, Uttaktuak et Lopez se dirigèrent vers le sud en traîneau à chiens de l’île Melville à l’île Victoria, puis vers l’ouest, au cap Bathurst à bord de la goélette Polar Bear. Stefansson nota : « Nous avons aussi amené plusieurs de nos autres hommes qui désiraient devenir trappeurs là-bas, Pete Lopez, Jim Fiji et quelques Esquimaux. »

Les registres de la Hudson’s Bay Company (HBC) pour le poste de l’île Baillie indiquent qu’Uttaktuak et Lopez vécurent à la baie Harrowby de 1925 à 1928 au moins. Leur campement se trouvait du côté ouest de la péninsule du cap Bathurst, au sud du poste de la HBC, qu’ils visitaient plusieurs fois par année. Arrivé au poste de l’île Baillie en juillet 1925, l’un des matelots de pont du Baychimo, navire de ravitaillement de la HBC, rencontra Fiji et Lopez ; il décrirait ce dernier comme étant « vieux et grisonnant – et loin de chez lui ». À un certain moment entre 1928 et 1930, Uttaktuak et les siens partirent à l’est, à la baie Tom Cod (près du village plus tard nommé Paulatuk). Selon les comptes rendus de leurs visites annuelles, consignés dans les registres du poste de la HBC à Letty Harbour, cette période fut très difficile pour eux.

Uttaktuak et Lopez eurent deux filles et un fils ; leur plus jeune fille, Lucy, naquit à la baie Tom Cod en 1931. Dans le registre du poste de Letty Harbour figure, pour le 12 septembre 1932, cette note : « La femme de M. Lopez est morte subitement il y a environ deux semaines. » S’ensuivit cette autre note datée d’avril 1933 : « P. Lopez atteint du scorbut. » Alors qu’un groupe de personnes ramenait la famille à Letty Harbour, l’une des filles « mourut sur la piste » et on l’inhuma à la mission de Letty Harbour. Lopez se rétablit et travailla à Letty Harbour jusqu’en juillet 1933.

Après la mort d’Uttaktuak, Lopez envoya leur fille Lucy à l’école à Aklavik. Il s’installa à la mission catholique d’Aklavik, où il effectua des travaux pour les frères et le prêtre. Des décennies plus tard, Lucy se remémorerait que son père « pêchait pour leurs chiens, deux attelages plus le sien, et en hiver, [il] pêchait sous la glace avec des filets […] Il coupait du bois de corde été comme hiver au campement des frères […] Je ne le [voyais] que lorsqu’il [venait] au village. » Lucy n’en savait pas beaucoup plus sur son père ; elle avait environ huit ans quand il mourut. Elle se souvenait peu de sa mère, mais deviendrait une habile couturière comme elle. Edward Ruben, un aîné inuvialuit, désignerait les membres de la famille comme des « gens sympathiques ».

En 2011, le Musée canadien des civilisations, à Gatineau, au Québec, présenta une exposition d’envergure intitulée « Expédition canadienne dans l’Arctique (1913–1918) », où l’on remit à chaque visiteur une fiche d’information (avec photographie) sur un des membres de l’expédition, dont Uttaktuak. On présenta ensuite l’exposition un peu partout au pays. De nombreux visiteurs eurent ainsi l’occasion de s’imaginer, à l’instar d’Uttaktuak, chausser des kamiks et participer à l’ECA. Ils purent découvrir la couturière et l’artiste que fut Uttaktuak, tout comme l’aide qu’elle apporta aux membres de l’équipe dans la réalisation de leurs principaux objectifs.

David R. Gray

En septembre 2002, nous avons interviewé la fille d’Uttaktuak, Lucy Lopez Adams, à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, et Edward Ruben, à Paulatuk. Le Musée canadien de l’histoire (Gatineau, Québec) conserve une photographie prise par George Hubert Wilkins le 21 février 1916 et intitulée « Minnie et Iktuktorvik au campement “North Star” près de Cap Prince Alfred, Territoires du Nord-Ouest », PHOTOSHIST 51100 (une copie numérisée est accessible à : www.historymuseum.ca/collections/archive/3333433).

AM, HBCA, B.338/a (Baillie Island journals), 1926–1935 ; B.435/a (Letty Harbour journals), 1932–1935.— Dartmouth College, Rauner Special Coll. Library (Hanover, N.H.), Steffanson mss 62, box 1, folders 9–10 (John Wilkins papers, diaries, 15 août et 5 déc. 1915).— Ohio State Univ., Byrd Polar and Climate Research Centre Arch. Program (Columbus), SPEC.PA. 56-0006 (Sir George Hubert Wilkins papers).— D. W. Gillingham, « Through Canada’s Arctic on the S.S. Baychimo », Vancouver Sunday Province, 6 déc. 1925, Magazine sect. : 1, 3.— D. R. Gray, « The CAE’s human touch », Canadian Geographic (Ottawa), 133 (2013), no 1 : 23 ; « Peuples et connaisance du Nord : expédition canadienne dans l’Arctique (1913–1918) » : www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/hist/cae/indexf.html (consulté le 11 mai 2023).— Nuligak, Mémoires d’un Esquimau : la vie de Nuligak, Maurice Métayer, trad. (Montréal, 1972).— Vilhjalmur Stefansson, Cancer : disease of civilization ? An anthropological and historical study (New York, 1960) ; The friendly Arctic : the story of five years in polar regions (New York, 1921).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

David R. Gray, « UTTAKTUAK (Uktuktowik, Iktuktorvik) (Sarah, Nellie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/uttaktuak_16F.html.

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Auteur de l'article:    David R. Gray
Titre de l'article:    UTTAKTUAK (Uktuktowik, Iktuktorvik) (Sarah, Nellie)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2024
Année de la révision:    2024
Date de consultation:    2 oct. 2024