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BRAINERD, THOMAS CHALMERS, aide-chirurgien, officier dans l’armée, homme d’affaires et industriel, né le 27 septembre 1837 à Philadelphie, aîné des quatre enfants de Thomas Brainerd, pasteur, et de Mary Whiting, veuve de Daniel Wadsworth Whiting ; le 5 janvier 1865, il épousa à Saugerties, New York, Mari Laflin Boies, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 24 avril 1910 à Montréal et inhumé le jour suivant au cimetière Mont-Royal, à Outremont (Montréal).
L’ancêtre de Thomas Chalmers Brainerd, Daniel Brainerd, originaire d’Angleterre, arriva au Connecticut vers 1649. Thomas Chalmers vécut son enfance dans le presbytère adjacent à la célèbre église Old Pine Street de Philadelphie, où son père officiait. En 1855, après des cours particuliers, il entra au Yale College de New Haven, au Connecticut, où il obtint un diplôme du département d’arts libéraux en 1859. Il étudia la médecine au Jefferson Medical College de Philadelphie au moins pendant l’année scolaire 1859–1860.
En 1861, au début de la guerre de Sécession, Brainerd s’enrôla comme officier dans l’armée de l’Union et devint aide-chirurgien. Il fut notamment affecté au Columbian College General Hospital, à Washington, et au Broad Street Hospital, à Philadelphie. En 1863, premier lieutenant, il prit part au siège de Charleston, en Caroline du Sud, durant lequel il soigna sans répit un grand nombre de soldats blessés. Il fut chargé de l’administration simultanée de quatre hôpitaux militaires, dont l’immense Mower U.S. General Hospital de Philadelphie. Puis, après la guerre (qui prit fin en 1865), il servit en Arkansas. En mai 1866, il démissionna de sa commission d’officier en raison de la mauvaise santé de sa femme et délaissa la chirurgie. Au mois de juillet, il obtint les grades de capitaine et de major pour ses services loyaux et méritoires, avec effet rétroactif au 13 mars 1865.
Brainerd travailla ensuite dans le commerce du fer, puis dans la fabrication de la poudre explosive. En 1867, il entra à l’emploi de la Laflin Powder Company, présidée par son beau-père Joseph Milton Boies ; du poste d’agent, il accéda à celui de chef de département en 1869, puis de secrétaire vers 1870. En 1872, il devint également secrétaire du conseil de la Gunpowder Trade Association of the United States (GTAUS), formée cette année-là par les six plus importants manufacturiers de poudre explosive dans le but de fixer les prix dans l’industrie. De 1874 à 1876, il exploita sa propre fabrique de poudre près de York, en Pennsylvanie. En 1876, la GTAUS créa une filiale, la Gunpowder Export Company Limited, pour exporter ses surplus de production au Canada et en Angleterre ; Brainerd fut nommé à la présidence. Il établit sa famille à Montréal la même année afin de diriger la succursale canadienne et obtiendrait sa naturalisation britannique en 1884. Quand, soudainement, le marché américain entra en croissance, l’excédent de la GTAUS se dissipa et Brainerd comprit que, s’il voulait vendre des explosifs, il lui faudrait en faire lui-même.
Avec son ami Lammot Du Pont, chimiste et industriel américain, Brainerd acheta la Compagnie de poudre de Hamilton (CPH), en Ontario, à la fin de 1878. Son beau-père et son beau-frère Henry Martyn Boies acquirent aussi des actions. Brainerd en devint le président et Du Pont, un des administrateurs. L’entreprise, dont il transféra rapidement le siège social à Montréal, au 61, rue Saint-François-Xavier, possédait deux usines en Ontario : une de poudre noire à Cumminsville et une de nitroglycérine près de Kingston. La nitroglycérine permit aux propriétaires de fabriquer de la dynamite. Invention du chimiste suédois Alfred Nobel, ce puissant explosif était considéré comme sécuritaire parce qu’il résistait aux chocs et requérait un détonateur indépendant. En 1877, la CPH avait acquis la Windsor Powder Company de Windsor Mills (Windsor), au Québec. Vers la fin de 1883, elle achèterait l’Acadia Powder Company de Halifax pour prendre le contrôle de ce concurrent embarrassant.
Brainerd était maintenant disposé à répondre à la demande croissante en explosifs causée par la réalisation du chemin de fer canadien du Pacifique et d’autres chemins de fer, l’agrandissement du canal de Lachine et l’exploitation de mines (au Québec, par exemple, la mine d’amiante du canton de Thetford (Thetford Mines) [V. James King*] et celle de cuivre à Eustis). Les forces armées, les corps de police, les chasseurs sportifs et les défricheurs en avaient aussi besoin. Pour satisfaire tous ces clients, Brainerd décida de construire à Belœil (McMasterville), en 1878, une nouvelle usine qui deviendrait le joyau des actifs de la CPH et resterait en activité pendant 120 ans. Il choisit l’emplacement, planifia tous les bâtiments et supervisa les travaux. On commença à y produire de la poudre noire, de la nitroglycérine et de la dynamite dès 1879.
Du Pont mourut en 1884 lors d’une explosion dans son usine de fabrication de nitroglycérine de la Repauno Chemical Company à Gibbstown, au New Jersey. Brainerd acheta toutes les actions de la CPH que la succession de son fidèle ami possédait, ainsi que celles de son beau-père et de son beau-frère. Brainerd devint donc l’unique propriétaire de l’entreprise, dont le capital social passerait à 300 000 $ en 1896, puis à un million de dollars en 1899.
Le 9 octobre 1884, trois explosions consécutives détruisirent partiellement l’usine de Cumminsville. Heureusement, puisqu’elles survinrent pendant la pause du midi, seuls 5 des 200 employés périrent. Après la désaffectation de l’établissement industriel, la production de la poudre noire fut déplacée, la même année, vers Windsor Mills. Plusieurs autres accidents mortels arriveraient en ces lieux.
En janvier 1886, Brainerd et quatre partenaires, dont le futur premier ministre libéral-conservateur du Canada John Joseph Caldwell Abbott* et le sénateur conservateur John Hamilton*, fondèrent la Dominion Cartridge Company Limited avec un capital-actions de 100 000 $. L’entreprise, installée dans l’ancienne usine de poudre de la Pacific Powder Mill à Chatham (Brownsburg-Chatham), se spécialiserait dans la fabrication et la vente de cartouches, d’obus, de torpilles et de divers objets en cuivre jaune forgé. Brainerd en fut le premier directeur général, puis le président en 1888. Le siège social se trouvait à Montréal, au même endroit que celui de la CPH. La Dominion Cartridge Company Limited, qui s’approvisionnait à la CPH, domina le marché des munitions au Canada. L’agence de crédit Bradstreet augmenta progressivement sa classe, qui passa de C (bon) en 1888 à A (très haute) en 1910, année où elle attribuait aux ressources financières de l’entreprise une valeur située entre 300 000 $ et 400 000 $. En 1890, Brainerd avait créé une usine de poudre à Nanaimo, dans l’île de Vancouver, sa première dans l’Ouest canadien.
En 1900, la Nobel-Dynamite Trust Company de Londres acquit des intérêts dans la CPH. Brainerd voulait ainsi obtenir de l’aide pour la recherche et le développement des explosifs. Huit ans plus tard, une douzaine de travailleurs spécialisés de l’usine d’Ardeer, en Écosse, se joignirent à quelques compatriotes déjà présents à la fabrique de Belœil. On avait besoin de leur expertise pour démarrer la production de nouveaux explosifs, dont la gélinite, mettre en place la mécanisation des procédés de fabrication de la dynamite et former les employés locaux. La productivité et la sécurité s’en trouvèrent améliorées, ce qui s’avérerait très précieux, durant la Première Guerre mondiale, quand il faudrait répondre à la grande demande en explosifs des forces militaires alliées.
En 1904, une attaque paralysa partiellement Brainerd. Il céda alors la présidence de la CPH à son fils aîné, Dwight. Il prit sa retraite tout en siégeant au conseil d’administration jusqu’à son décès, en 1910. L’entreprise disposait cette année-là, selon Bradstreet, de plus d’un million de dollars en ressources financières et d’une cote de crédit Aa (incontestée). En 1911, elle fut vendue à la Canadian Explosives Limited, qui avait reçu ses lettres patentes le 18 novembre 1910 avec un capital-actions de 15 millions de dollars, et fusionna avec la Dominion Cartridge Company Limited, l’Acadia Powder Company, l’Ontario Powder Company, la Standard Explosives Limited, la Western Explosives Limited et la Victoria Chemical Company. En 1927, la Canadian Explosives Limited devint la Canadian Industries Limited, toujours en activité au début du xxie siècle et dont la production diversifiée dépasserait largement le secteur des explosifs.
En arrivant à Montréal en 1876, Thomas Chalmers Brainerd s’était fixé des objectifs très élevés. Il les atteignit brillamment en agissant en gestionnaire clairvoyant et efficace, tout en se livrant à une redoutable concurrence. Comme magnat canadien des explosifs, il marqua son époque pendant plus de 30 ans. Après sa mort, ses quatre fils (Dwight, Henry Boies, Winthrop et Herbert Whiting) travaillèrent dans le même domaine.
Nous n’avons pas eu la possibilité, au moment de la préparation de cette biographie, de consulter les archives de la Compagnie de poudre de Hamilton.
Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), « Documents de l’enregistrement de la citoyenneté de la Cour de circuit de Montréal (1851–1945) » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/immigration/citoyennete-dossiers-naturalisation/citoyennete-1851-1945-montreal/Pages/introduction.aspx (consulté le 30 mars 2017) ; R233-37-6, Québec, dist. Montréal (175), sous-dist. quartier Saint-Antoine (A) : 16.— FD, American Presbyterian Church, Montréal, 24 avril 1910.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec), 20 juill. 1901.— Daily Leader (Eau Claire, Wis.), 11 oct. 1884.— La Presse, 2 avril 1890, 30 janv. 1891, 17 juill. 1901.— Toronto Daily Mail, 10 oct. 1884.— Maurice Auclair, « Belœil, berceau de C.I.L. », Soc. d’hist. de Belœil–Mont-Saint-Hilaire, Cahiers d’hist. (Belœil, Québec), no 1 (1980) : 19–22.— Bradstreet’s commercial reports, 1888–1895, 1906, 1910–1912.— L. A. Brainard, The genealogy of the Brainerd-Brainard family in America, 1649–1908 (3 vol., [New Haven, Conn. ?], 1908), 1.— [Dwight Brainerd], Ancestry of Thomas Chalmers Brainerd (Montréal, 1948).— Catalogue of the officers and students in Yale college (New Haven), 1855–1859.— Catalogue of the trustees, professors, and students of the Jefferson Medical College of Philadelphia (Philadelphie), 1859–1860.— Catalogus senatus academici [...] in collegio Yalensi [...] ([New Haven], 1880).— J.-R. Cloutier, « Thomas Chalmers Brainerd et la poudrière de McMasterville », Soc. d’hist. de Belœil–Mont-Saint-Hilaire, Cahier d’hist. (Mont-Saint-Hilaire, Québec), no 102 (2013) : 3–32.— É.-U., Senate, Journal of the executive proc. (Washington), 14 juill. 1866 ; Journal of the proc. (Washington), 5 août 1861.— G. V. Henry, Military record of civilian appointments in the United States Army (2 vol., New York, 1869–1873), 1 : 58.— A history of chemistry in Canada, C. J. S. Warrington et R. V. V. Nicholls, compil. (Toronto, 1949).— [H. H. Lank et E. L. Williams], Du Pont Canada : coup d’œil rétrospectif sur ses antécédents et sur les personnalités marquantes de son histoire, Huguette Lavigueur, trad. (s.l., 1982).— J. H. Maule, « McMasterville, évolution explosive », Soc. d’hist. de Belœil–Mont-Saint-Hilaire, Cahiers d’hist. (Belœil), no 2 (1980) : 25–33.— A. P. Van Gelder et Hugo Schlatter, History of the explosives industry in America (New York, 1927).
J.-Roger Cloutier, « BRAINERD, THOMAS CHALMERS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brainerd_thomas_chalmers_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/brainerd_thomas_chalmers_13F.html |
Auteur de l'article: | J.-Roger Cloutier |
Titre de l'article: | BRAINERD, THOMAS CHALMERS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |