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CHAPPELL, CHARLES BENJAMIN (baptisé Benjamin Charles), charpentier et architecte, né le 10 octobre 1857 à Charlottetown, fils de William Chappell et de Mary Ann Turner ; le 25 septembre 1878, il épousa dans cette ville Louisa Jane Holman, et ils eurent deux filles, qui moururent avant lui, et deux fils ; décédé le 1er octobre 1931 au même endroit.
Charles Benjamin Chappell était l’arrière-petit-fils de Benjamin Chappell* qui, en 1774, quitta l’Angleterre pour s’établir à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), où il exerça les professions de charron, maître de poste et prédicateur laïque ; on le reconnaîtrait comme le père du méthodisme dans la colonie. Charles Benjamin apprit le métier de charpentier, à l’instar de son père et de son grand-père qui l’avaient exercé à Charlottetown.
Si l’on ignore quelles études fit Chappell, on peut envisager que sa formation en architecture demeura limitée. En 1883 ou au début de 1884, il s’associa avec Lemuel John (aussi connu sous les prénoms de John Lemuel) Phillips. Entrepreneur établi à Charlottetown depuis au moins les années 1870, Philips avait travaillé avec le constructeur et architecte Thomas Alley et, dès 1880, figurait comme architecte dans un répertoire de la ville. Dans une annonce publicitaire parue en 1889, les associés Chappell et Phillips vantèrent le fait qu’au cours des trois années précédentes, leur firme avait réalisé l’érection de « près de quarante édifices publics et privés » dans la région de Charlottetown. Dans le recensement effectué en 1891, Chappell était désigné architecte.
L’Île-du-Prince-Édouard passa du statut de colonie à celui de province en 1873 [V. James Colledge Pope*] et l’on transféra de nombreuses responsabilités gouvernementales de Charlottetown à Ottawa. En dépit du statut réduit de la capitale provinciale, la population de cette dernière augmenta au cours des trois décennies suivantes, et l’on consacra des investissements considérables tant aux infrastructures publiques qu’à la construction privée. La zone commerciale se transforma ; les magasins principalement en bois firent place aux édifices en brique et en pierre. Les incendies accélérèrent grandement ce changement. En 1884, le feu détruisit le district des affaires sur la rue Richmond, en face de Queen Square. Cette catastrophe incita l’architecte William Critchlow Harris*, alors à Winnipeg, à revenir dans sa ville natale pour participer à la reconstruction. Ce dernier ouvrit la voie en érigeant un magasin en brique de trois étages. Chappell et Phillips apportèrent également leur contribution : leur Brown Block reçut des éloges et, en 1892, ils avaient conçu tous les édifices sauf deux dans ce que l’on connaîtrait sous le nom de Victoria Row. Chappell se chargerait plus tard d’un grand nombre de propriétés commerciales dans des rues adjacentes.
Le succès du Brown Block amena probablement une importante commande pour Chappell et Phillips : en 1885, on leur demanda de créer un nouvel édifice pour l’administration municipale, qui accueillerait aussi le service d’incendie. Harris soumit une proposition spontanée, mais le conseil municipal la rejeta et, en 1887, attribua officiellement le contrat à la Chappell and Phillips. Harris protesta contre cette décision, affirmant que le plan contenait certaines de ses idées. Terminé l’année suivante, l’hôtel de ville comprenait trois étages et une tour de 80 pieds pour loger la cloche d’alarme incendie et permettre le séchage des tuyaux. Vers la même époque, la firme obtint un contrat pour la construction d’un nouveau marché de poissons. Par ailleurs, lorsque le marché public de la place principale brûla en 1902, c’est Harris, concurrent de Chappell, qui reçut le mandat de le reconstruire.
À partir de 1895, année où Phillips quitta la société pour se consacrer à d’autres projets, Chappell exercerait en solo pendant 20 ans. Toujours en concurrence avec Harris, il réussit à obtenir les contrats du nouveau Prince Edward Island Hospital et du Prince of Wales College [V. Alexander Anderson*]. On le choisit une fois de plus quand sir William Christopher Macdonald*, magnat du tabac, finança d’importants travaux d’agrandissement du collège, achevés en 1907. À la fin des années 1890, il réalisa des projets en Nouvelle-Écosse et, en 1901, il ouvrit un bureau à l’île du Cap-Breton, pendant une période d’expansion rapide attribuable à l’industrie du charbon, et à celle du fer et de l’acier. Il fournit également des plans d’édifices en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Après 1903, Chappell travailla surtout à l’Île-du-Prince-Édouard. Membre fondateur, en 1908, de l’Institut d’architecture du Canada, dont Alexander Francis Dunlop* devint le premier président, il siégea à son conseil les deux premières années.
En 1914, Chappell fit la connaissance de John Marshall Hunter, qui avait quitté Montréal pour Charlottetown en tant qu’architecte principal dans la reconstruction de la cathédrale catholique St Dunstan, gravement endommagée par le feu l’année précédente. Les deux hommes, qui établirent une relation personnelle et professionnelle, mirent sur pied la Chappell and Hunter en 1915. Ensemble, ils rénoveraient et concevraient de nombreux sites résidentiels, religieux et commerciaux dans la province. À la suite de la mort de Chappell, en 1931, au terme de huit mois de maladie, Hunter continuerait à exercer sous son seul nom.
Plus que tout autre architecte, Chappell changea le visage de Charlottetown entre le début des années 1880 et 1930. Son influence s’étendit au delà des propriétés commerciales : il exécuta des travaux d’agrandissement au St Dunstan’s College et produisit les plans d’un opéra, de la prison du comté de Queens et de plusieurs gares ferroviaires et églises de la région. Parmi les hôpitaux qu’il conçut figurent ceux de New Glasgow, de Glace Bay et d’Antigonish en Nouvelle-Écosse, celui de Pembroke en Ontario et celui de sa propre ville. Toutefois, son plus grand legs se perçoit dans l’architecture privée : ses livres dévoilent qu’il a conçu plus de 150 résidences, souvent situées dans des secteurs de Charlottetown en plein développement. Sa famille compta parmi les premières à s’installer dans le secteur qui deviendrait le prestigieux quartier de Brighton, dans une maison qu’il avait lui-même dessinée. Chappell créa non seulement un nombre impressionnant d’édifices, mais il appliqua aussi une variété de styles. Même si son travail ne reflétait pas l’unité que l’on retrouvait dans les bâtiments construits par Harris, Chappell fit montre, au cours de ses 45 années de carrière, d’une souplesse et d’une compétence dans la combinaison des motifs architecturaux qui rendirent ses propositions peut-être plus attrayantes aux yeux des clients. Dans beaucoup de ses constructions, il employa des éléments néoromans, notamment de grands arcs en plein cintre, des ornements en brique et des façades asymétriques ; en témoignent, entre autres, l’hôtel de ville et l’impressionnante résidence bâtie rue Prince pour le commerçant James Paton. L’édifice Morris de Victoria Row montre une influence du style à l’italienne. Chappell promut également le style Queen Anne – comme l’atteste l’imposante demeure de la rue West qu’il imagina pour James Eden, marchand de vin – et utilisa des éléments du style néocolonial, de plus en plus populaire à l’époque. Il contribua considérablement à l’héritage architectural de la ville. Selon le Guardian de Charlottetown du 2 février 2016, « il n’y a probablement pas une rue dans [la ville] qui ne compte pas au moins une maison de Chappell ».
Charles Benjamin Chappell conçut de nombreux édifices qui existent toujours ; plus de 50 d’entre eux figurent dans le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Son nom est associé à trois lieux historiques nationaux dans la province : il a œuvré comme architecte de l’hôtel de ville de Charlottetown et de la gare ferroviaire de Kensington, et à titre de l’un des principaux collaborateurs à la construction de Dalvay-by-the-Sea, extravagante résidence d’été du magnat du pétrole américain Alexander McDonald, rachetée en 1937 par le gouvernement fédéral et intégrée au parc national du Canada de l’Île-du-Prince-Édouard.
Les PARO conservent plus de 1 000 feuilles de plans et dessins architecturaux des cabinets dont Charles Benjamin Chappell a été un associé. Le fonds Chappell & Hunter, architects (Acc3607) contient des travaux de Phillips & Chappell et de Chappell & Hunter. La série 6, qui comporte des registres, des livres de comptes et une liste de tous les projets auxquels Chappell a participé, revêt un intérêt particulier. Le Chappell family fonds (Acc5130) renferme un certain nombre de documents à son sujet. Des renseignements sur la conception de l’hôtel de ville et le concours d’architecture pour le bâtiment du marché se trouvent dans les City of Charlottetown Council minute books (dans le fonds RG20). Une liste détaillée, bien qu’incomplète, des travaux de Chappell figure dans R. G. Hill, « Biographical dictionary of architects in Canada, 1800–1950 » : www.dictionaryofarchitectsincanada.org (consulté le 11 déc. 2017). Chappell a écrit : « The burial place of John Plaw », Architectural Rev. (Londres), 45 (1919) : 130–131.
PARO, Trinity United (First Methodist) Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, 18 août 1859.— Charlottetown Guardian, 1893–1945.— Daily Examiner (Charlottetown), 1880–1910.— Guardian of the Gulf (Charlottetown), 1945–1949.— H. [T.] Holman, « From house carpenter to architect : Charles B. Chappell and the changing face of Charlottetown », Island Magazine (Charlottetown), no 78 (automne–hiver 2015) : 2–12.— P. E. Rider, Charlottetown : a history (Charlottetown, 2009).— I. L. Rogers, Charlottetown : the life in its buildings (Charlottetown, 1983).
Harry T. Holman, « CHAPPELL, CHARLES BENJAMIN (baptisé Benjamin Charles) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chappell_charles_benjamin_16F.html.
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Auteur de l'article: | Harry T. Holman |
Titre de l'article: | CHAPPELL, CHARLES BENJAMIN (baptisé Benjamin Charles) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2022 |
Année de la révision: | 2022 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |