Titre original :  Corriveau

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CORRIVEAU (Corrivaux), MARIE-JOSEPHTE, dite La Corriveau, née à Saint-Vallier, près de Québec, et baptisée le 14 mai 1733, fille de Joseph Corriveau, cultivateur, et de Marie-Françoise Bolduc ; elle épousa en premières noces, le 17 novembre 1749, Charles Bouchard, cultivateur, inhumé le 27 avril 1760, de qui elle eut trois enfants, et en secondes noces, le 20 juillet 1761, Louis Dodier, cultivateur ; morte pendue à Québec, probablement le 18 avril 1763.

Il n’est guère de femme, dans toute l’histoire canadienne, qui ait plus mauvaise réputation que Marie-Josephte Corriveau, appelée communément La Corriveau. Cette malheureuse est morte voilà plus de deux siècles, mais elle continue de hanter les imaginations. On parle encore d’elle, de son crime réel et de ses crimes fictifs. Le 15 avril 1763, elle fut condamnée à mort par une cour martiale pour le meurtre de Louis Dodier, son second mari, survenu dans la nuit du 26 au 27 janvier 1763. Cet assassinat donna lieu à deux procès retentissants devant un tribunal militaire qui se réunit dans une des salles du monastère des ursulines de Québec et qui était composé de 12 officiers anglais et présidé par le lieutenant-colonel Roger Morris. Les procès-verbaux de ces procès, retrouvés en 1947 à Londres, permettent d’établir les faits très exactement et de les dégager de la légende qui les entoura par la suite.

Le premier procès, qui commença le 29 mars 1763, se termina le 9 avril suivant par la condamnation à mort de Joseph Corriveau, reconnu coupable de meurtre, et par la condamnation de sa fille Marie-Josephte, sa présumée complice, à la peine du fouet et du fer rouge. Mais ces sentences ne furent pas exécutées parce que les aveux de Joseph Corriveau – faits après le prononcé de la sentence, sous le conseil de son confesseur, le père Augustin-Louis de Glapion*, supérieur des jésuites – dénonçant sa fille comme étant la seule coupable, démontrèrent que l’avocat de la couronne, Hector Theophilus Cramahé*, avait erré dans son acte d’accusation et dans l’interprétation des faits. Son erreur est due au fait qu’il accepta le témoignage, d’ailleurs contradictoire, d’Élisabeth-Marguerite (Isabelle) Veau, dit Sylvain, nièce de l’accusé, celui, accablant, du moins en apparence, de Joseph Corriveau, homonyme et voisin de l’accusé, et enfin celui du loquace et imaginatif Claude Dion, un autre voisin. L’avocat de la défense, Jean-Antoine Saillant, avait tenté de démontrer dans sa plaidoirie les contradictions de ces témoignages.

La cour dut se réunir de nouveau le 15 avril pour entendre l’aveu de Marie-Josephte qui déclara avoir tué son mari de deux coups de hache à la tête pendant qu’il dormait. Une nouvelle sentence, rendue le même jour, précise que Marie-Josephte sera pendue et que son cadavre sera indéfiniment exposé dans les « chaînes », en conformité avec la loi anglaise (Statutes United Kingdom, 25, George II, 1752). L’exécution eut lieu sur les Buttes-à-Nepveu, près des plaines d’Abraham, probablement le 18 avril ; le gibet, dressé à la Pointe-Lévy (Lauzon, Québec), et la cage de fer demeurèrent à la vue des passants jusqu’au 25 mai au moins, alors qu’un ordre du gouverneur James Murray* en permit l’enlèvement. Quant à Joseph Corriveau, il fut renvoyé avec un certificat d’innocence, ainsi que sa nièce, Isabelle Sylvain, que l’on avait accusée de parjure au premier procès. Le pardon de Corriveau reçut la sanction royale de George III le 8 août suivant.

Tous ces faits inusités et d’autres, comme la découverte de la cage de fer dans le cimetière de Lauzon, vers 1850, frappèrent l’imagination populaire. Ils se transformèrent en légendes tenaces qui se racontent encore dans la tradition orale, et inspirèrent plusieurs contes fantastiques habilement exploités par quelques écrivains canadiens. Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé, dans Les Anciens Canadiens (Québec, 1863), a surtout mis en évidence les apparitions nocturnes de La Corriveau dans sa cage, suppliant un habitant attardé sur la route de Beaumont de la conduire à l’île d’Orléans au sabbat des feux follets et des sorciers. À la suite de sir James MacPherson Le Moine*, dans son article intitulé Marie-Josephte Corriveau, A Canadian Lafarge, Maple Leaves [...] (Québec, 1863), William Kirby*, dans son roman, The Golden Dog (New York, 1877), fait de La Corriveau une empoisonneuse de profession, descendante directe de la célèbre Catherine Deshayes, dite la Voisin, pendue à Paris en 1680. Plusieurs autres littérateurs et historiens, dont Louis-Honoré Fréchette*, dans son article intitulé Une relique, Le Monde illustré (Montréal), 7 mai 1898, et Pierre-Georges Roy* dans l’Histoire de La Corriveau, Cahiers des Dix, II (1937) : 73–76, ont raconté l’histoire de La Corriveau, mais sans parvenir à dissocier complètement les faits réels des fantaisies anachroniques ou des données légendaires et romanesques. Par exemple, on ne s’entend pas sur le nombre de meurtres – entre deux et sept – attribués à cette misérable femme et sur les moyens différents dont elle se serait servie pour les accomplir. La Corriveau a aussi inspiré des artistes : le sculpteur Alfred Laliberté* a fait d’elle un bronze remarquable – conservé au Musée du Québec représentant une jeune femme hagarde, courbée sous le poids de la fatalité et de la cage qui l’emprisonne.

Luc Lacourcière

Pour une bibliographie exhaustive, énumérant toutes les sources manuscrites et imprimées, les ouvrages de référence et les études, le lecteur consultera avec profit les deux articles de Luc Lacourcière : Le triple destin de Marie-Josephte Corriveau, Cahiers des Dix, XXXIII (1968) : 213242 ; Le destin posthume de la Corriveau, Cahiers des Dix, XXXIV (1969) : 239271.

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Luc Lacourcière, « CORRIVEAU (Corrivaux), MARIE-JOSEPHTE, dite La Corriveau », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/corriveau_marie_josephte_3F.html.

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Auteur de l'article:    Luc Lacourcière
Titre de l'article:    CORRIVEAU (Corrivaux), MARIE-JOSEPHTE, dite La Corriveau
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    9 nov. 2024