BERTHELOT DARTIGNY (d’Artigny), MICHEL-AMABLE, avocat, notaire, juge et homme politique, né le 10 août 1738 à Québec, huitième enfant de Charles Berthelot. marchand, et de Thérèse Roussel, fille du chirurgien Timothée Roussel* ; décédé le 10 mai 1815 au même endroit.

Michel-Amable Berthelot Dartigny fait ses études au séminaire de Québec, d’abord de 1749 à avril 1751, puis de janvier 1754 à juillet 1757. Le 24 janvier 1771, il est reçu avocat après avoir réussi l’examen imposé pour l’obtention d’une commission. Le 7 février, il annonce dans la Gazette de Québec qu’il s’est associé avec Jean-Antoine Saillant*, son cousin par alliance, pour exercer sa profession. Cette société sera dissoute trois ans plus tard. Entre-temps, Berthelot Dartigny avait reçu une commission de notaire le 28 janvier 1773 et, depuis ce moment, pratiquait le droit tant à titre d’avocat que de notaire. Le 20 juillet, il avait épousé, à Québec, Marie-Angélique Bazin, âgée de 22 ans, fille du négociant décédé Pierre Bazin.

En 1779, Berthelot Dartigny et ses confrères de la ville de Québec fondent la Communauté des avocats, qui compte environ dix membres. Les objectifs de ce corps consistent, entre autres, à faire respecter la profession, s’aider mutuellement, discuter des choses intéressant le barreau, sauvegarder ses prérogatives et prendre les mesures disciplinaires contre ceux qui manquent à l’honneur. En 1780, la communauté fixe la tenue vestimentaire des avocats aux audiences des tribunaux et, l’année suivante, obtient de la cour que la table du barreau et les bancs qui l’entourent soient réservés à l’usage exclusif des avocats et du shérif. N’importe qui auparavant pouvait s’asseoir â cette table et fouiller dans les papiers des avocats durant leur plaidoirie.

Le 6 décembre 1784, la Communauté des avocats, dont Berthelot Dartigny est trésorier, engage un combat capital. Dans une représentation au lieutenant-gouverneur Henry Hamilton*, l’organisme déplore « que quantité de personnes n’ayant aucune connaissance juridique et ayant fait faillite, après avoir suivi divers métiers et commerces jusqu’à un âge avancé, sollicitent pour dernière ressource une commission d’avocat ». Le projet demande que seuls les aspirants ayant travaillé pendant cinq ans chez un avocat soient admis à la profession. Le 11 décembre, les avocats de la communauté s’opposent à ce qu’un marchand failli, Alexandre Dumas, obtienne une commission d’avocat. Le 30 mars 1785, ils sont contraints de l’admettre, mais les réformes ne tardent pas à venir. En effet, une ordonnance du Conseil législatif du 30 avril stipule que pour obtenir une commission d’avocat les aspirants doivent désormais étudier régulièrement dans un cabinet d’avocat, un greffe ou un tribunal civil et qu’ils doivent subir un examen d’admission à la pratique du droit. De plus, l’ordonnance sépare les professions de notaire et d’avocat. Cette dernière stipulation donne le coup de grâce à la Communauté des avocats alors composée d’une quinzaine de membres, car plus de la moitié optent pour le notariat. Pour sa part, Berthelot Dartigny choisit, en mai 1786, de continuer à exercer la profession d’avocat. En décembre 1791, il obtient une commission provisoire de juge de la Cour des plaids communs pour le district de Québec, laquelle sera renouvelée à titre conditionnel en septembre 1793.

Entre-temps, Berthelot Dartigny avait acquis de nombreuses propriétés dans la ville. De 1778 à 1791, il avait acheté sept terrains vacants pour de petites sommes. De plus, en 1778, il s’était porté acquéreur d’un emplacement et d’une maison qu’il revendit l’année suivante avec un profit de 1 200#. Au cours de l’année 1779, il avait obtenu par adjudication une maison, rue Saint-Joseph (rue Garneau), puis avait acheté pour 2 300# comptant et une rente annuelle de 50# un terrain et une maison, rue Sainte-Famille. Lors d’une vente par licitation en 1788, il avait acquis un emplacement et une maison situés rue des Carrières où il acheta, trois ans plus tard, une autre propriété avec maison de pierre à deux étages pour 6 000#, dont 3 500# versées comptant. Pendant cette période, Berthelot Dartigny avait également consenti des prêts à des petites gens pour des sommes assez modestes. En outre, peut-être avec l’héritage reçu de son père mort à Paris en 1780, il avait prêté £300 à Pierre Du Calvet* en janvier 1786.

En plus de son activité de juriste et de ses transactions, Berthelot Dartigny s’intéresse à la vie politique. Favorable à la création d’une chambre d’assemblée, il signe une pétition en ce sens en 1788. Puis, lors de la première élection tenue au Bas-Canada en 1792, il se porte candidat dans la circonscription de Québec. Défait par Ignace- Michel-Louis-Antoine d’Irumberry* de Salaberry et David Lynd, il conteste l’élection. Dans la Gazette de Québec du 12 juillet 1792, il dénonce le fait que 62 électeurs prêts à lui accorder leurs suffrages ont été empêchés de le faire par la fermeture inopinée du bureau de scrutin, donnant ainsi 26 voix de plus à Lynd ; il publie également une brochure intitulée Conversation au sujet de l’élection de Charlesbourg. Cependant, ayant été élu dans deux circonscriptions, Salaberry opte pour celle de Dorchester, ce qui laisse un siège à pourvoir dans Québec. Berthelot Dartigny est alors proclamé élu sans opposition le 18 février 1793. À cette occasion, il fait distribuer aux pauvres une somme de 1 200ª. Le premier projet de loi qu’il présente en 1793 prévoit l’abolition de l’article 128 de la Coutume de Paris privant les aubergistes et les cabaretiers du droit de poursuivre en justice et de recouvrer des sommes dues pour provisions, liqueurs et autres articles vendus et consommés dans leurs maisons. Ce projet de loi, appuyé par trois députés seulement, est magistralement repoussé par la chambre d’Assemblée.

De nouveau candidat dans Québec en 1796, Berthelot Dartigny est défait. Il perd aussi en 1798 dans la circonscription de Cornwallis contre Pascal-Jacques Taché*. Mais à la suite de la mort de Jacques Viger, député de Kent, Berthelot Dartigny est enfin élu ; il représente cette circonscription à la chambre d’Assemblée de mars 1798 au 4 juin 1800. Aux élections de cette année-là, il revient à la charge avec succès dans Québec qu’il représentera jusqu’au 27 avril 1808. Lors des votes, Berthelot Dartigny se range régulièrement du côté du parti canadien. En février 1805, il fait partie du comité chargé de préparer et de rédiger un projet de loi pour la construction d’une prison dans chacun des districts de Québec et de Montréal. La proposition de financer les travaux par des droits sur les importations soulève une vive opposition de la part des marchands qui demandent, mais en vain, de faire porter la taxation sur la terre. Par contre, au cours de la session de 1808, sur le projet de loi concernant l’inéligibilité des juges à siéger à l’Assemblée [V. sir James Henry Craig ; Pierre-Amable De Bonne, Berthelot Dartigny appuie le parti des bureaucrates. En plus d’être député, il siège au sein de plusieurs commissions : en juin 1799, il est nommé commissaire pour l’érection d’un palais de justice à Québec, en juillet 1800, commissaire pour la gestion des biens des jésuites, en juin de l’année suivante, commissaire pour l’entretien et le soin des aliénés et des enfants trouvés, et, enfin, en mars 1808, commissaire pour la construction d’une prison à Québec.

Pendant ce temps, Berthelot Dartigny avait pris à son service, à divers moments, cinq apprentis avocats parmi lesquels se trouvaient son propre fils Amable*, celui d’Alexandre Menut et Charles-Étienne*, fils de Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry. Au cours de cette période, il n’avait guère investi dans la propriété immobilière, achetant seulement un terrain, rue Saint-Louis, en 1797, et deux petites maisons en pierre, rue des Carrières, en 1800 et 1801. L’année suivante, il avait obtenu une terre en récompense de ses services pour la défense de Québec lors de l’invasion américaine de 1775–1776 [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*]. En effet, le 5 juin 1788, il avait demandé des concessions de terre pour trois compagnies de milice qui avaient servi lors du siège de la ville, mais ce n’est qu’en 1802 que le gouvernement s’était rendu à cette requête. À partir de 1809, Berthelot Dartigny loue à bail plusieurs des maisons qu’il possède, y compris le second étage de sa résidence de la rue Sainte-Anne, pour des loyers variant de £40 à £120 par année chacun.

Berthelot Dartigny meurt en 1815 à l’âge de 76 ans. Il était le doyen du barreau de Québec. Veuf depuis novembre 1792, il laisse, selon son testament rédigé en 1813, tous ses biens à ses trois enfants vivants de même qu’une rente viagère annuelle de 365 shillings à sa servante. Parmi ses effets mobiliers se trouve une bibliothèque évaluée à £60 environ comprenant quelque 56 titres en 94 volumes, outre les numéros de la Gazette de Québec depuis 1774. Il détient des créances de £750 et, à l’exception des £416 dues à son fils aîné Michel et des £21 à sa fille Geneviève, femme du notaire Joseph Badeaux*, il ne doit que £87 à divers créanciers. Le 12 mai 1815, son corps est inhumé dans la chapelle de la Sainte-Famille de la cathédrale Notre-Dame, car ses héritiers n’ont pu obtenir la permission de le faire enterrer dans le petit cimetière de la chapelle conformément à ses dernières volontés.

Tant par ses activités juridiques que par sa participation à la vie politique et aux affaires, Michel-Amable Berthelot Dartigny avait acquis une certaine notoriété dans la région de Québec. Ainsi, la rue D’Artigny, ouverte en 1829 et située sur une terre qui lui avait appartenu, fut baptisée en son honneur. C’est à la suite du retour de son père en France, à l’automne de 1758, qu’il était entré en possession de ce bien roturier acquis des héritiers de Louis Rouer* d’Artigny par son père dix ans plus tôt. Il ajouta alors Dartigny à son nom, mais il fut le seul à utiliser ce double patronyme, ses enfants ne portant que le nom de Berthelot.

Claude Vachon

Michel-Amable Berthelot Dartigny est l’auteur d’une brochure intitulée Conversation au sujet de l’élection de Charlesbourg (Québec, s.d.). Son minutier (1773–1786) est conservé aux ANQ-Q sous la cote CN1-25.

ANQ-Q, CE1-1, 10 août 1738, 20 juill. 1773, 16 nov. 1792, 12 mai 1815 ; CN1-16, 18 avril 1805, 21 févr. 1809 ; CN1-26, 23 avril 1798, 25 avril, 11 mai 1812 ; CN1-83, 30 juill. 1781, 21 févr., 30 mars 1782, 23 sept. 1782, 2 sept. 1783, 2 mai 1787, 27 mars, 18 oct. 1794 ; CN1-92, 12 sept. 1797, 28 avril 1802 ; CN1-178, 11 sept. 1800, 30 sept. 1803, 10 août, 24 sept. 1805, 12 mai 1809, 19 avril, 18, 28 août 1810, 25, 28 févr., 8 avril, 10 mai 1811, 24 mars 1812, 26 janv., 12 mars, 12 mai, 21 juin 1813, 20 avril, 17 juin 1814 ; CN1-205, 2 sept. 1772, 3 avril, 22 mai, 22 sept. 1778, 9 janv., 15 mars, 31 déc. 1779, 7 janv., 16 août 1780, 30 juill. 1782, 4 nov. 1783, 12 juin, 17 août, 23 nov. 1784, 13, 26 août, 31 oct. 1785, 21 janv., 27 mars, 10 avril 1786 ; CN1-207, 7 mai, 9 juin 1774 ; CN1-224, 20 juill., 17, 29 août 1785, 13 févr., 5 juin, 15 sept. 1787, 28 juin, 28 août 1788, 19 févr., 29 avril 1789, 28 déc. 1790, 20 avril, 5, 10 mai, 17, 22 juin, 18 juill. 1791, 28 mars, 21 août 1792 ; CN1-230, 14 avril, 21 sept., 27 nov. 1792, 27 sept., 3 déc. 1793, 17 févr., 22 juill., 1er août, 17 déc. 1794, 10, 24 juill., 3 août, 5 oct. 1795, 11 août, 4 nov. 1796, 21 sept., 14 nov. 1797, 7 févr. 1798, 30 juill. 1800, 1er juin 1808 ; CN1-248, 24 juin 1774 ; CN1-262, 31 mai 1815 ; P1000–11–185.— APC, RG 68, 1 : 281s.— ASQ, mss, 13, 10 juin 1792.— « Acte de prise de possession de la cure de Québec par messire Joseph-Octave Plessis (2 juin 1792) », ANQ Rapport, 1921–1922 : 94s.— [André] Doreil, « Lettres de Doreil », Antoine Roy, édit., ANQ Rapport, 1944–1945 : h.-t., 2.— « Ordonnances édictées pour la province de Québec par le gouverneur et le conseil de celle-ci, de 1768 à 1791 [...] », APC Rapport, 1914–1915 : 168–172.— La Gazette de Québec, 7 févr. 1771, 24 févr. 1774, 15 janv. 1789, 12 janv., 12 juill., 22 nov. 1792, 10 juill. 1794, 29 mars, 5 avril 1798, 20 juin 1799, 27 déc. 1804, 17 sept. 1807, 24 mars 1808, 18 mai 1815.— Almanach de Québec, 1782 : 22 ; 1791 : 42, 82 ; 1792 :152, 158 ; 1794 : 67, 122, 125 ; 1799 : 71 ; 1800 : 81 ; 1801 : 75 ; 1805 : 20–22 ; 1810 : 21–23 ; 1815 : 48.— F.-J. Audet, « Les législateurs du B.-C. ».— F.-J. Audet et Fabre Surveyer, Les députés au premier Parl. du B.-C., 38–44.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Briand », ANQ Rapport, 1929–1930 : 132.— Charland, « Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte », BRH, 20 : 277.— Desjardins, Guide parl., 131, 136.— Lucien Lemieux, « Juges de la province du Bas-Canada de 1791 à 1840 ”, BRH, 23 (1917) : 87.— « Papiers d’État – B.-C. », APC Rapport, 1891 : 14. 203 ; 1892 : 162.— P.-G. Roy, Les juges de la prov. de Québec, 51.— Tanguay, Dictionnaire, 1 : 530 ; 2 : 159s., 250 ; 7 : 61.— Chapais, Cours d’hist. du Canada, I : 203 ; 2 : 117.— R. C. Dalton, The Jesuits’ estates question, 1760–1888 : a study of the background for the agitation of 1889 (Toronto, 1968).— J.-E. Roy, Hist. du notariat, 2 : 28, 60, 181.— P.-G. Roy, Les rues de Québec (Lévis, Québec, 1932), 10s.— Monique Duval, « L’histoire de Québec par ses rues ; l’esprit de famille régnait chez les Berthelot », Le Soleil (Québec), 16 janv. 1980 : G3.— « La famille Berthelot d’Artigny », BRH, 41 (1935) : 9s.— Hare, « L’Assemblée législative du B.-C. », RHAF, 27 : 372s., 376s., 379s.— Maréchal Nantel, « La Communauté des avocats », Cahiers des Dix, 10 (1945) : 263–291 ; « Querelles du palais », 9 (1944) : 271s.— J.-P. Wallot, « La querelle des prisons (Bas-Canada, 1805–1807) », RHAF, 14 (1960–1961) : 69s., 262, 265, 268.

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Claude Vachon, « BERTHELOT DARTIGNY (d’Artigny), MICHEL-AMABLE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/berthelot_dartigny_michel_amable_5F.html.

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Auteur de l'article:    Claude Vachon
Titre de l'article:    BERTHELOT DARTIGNY (d’Artigny), MICHEL-AMABLE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    1 déc. 2024