CARTIER, JACQUES, homme d’affaires, officier de milice et homme politique, né le 10 avril 1750 à Québec, fils de Jacques Cartier, dit L’Angevin, et de Marguerite Mongeon ; décédé le 22 mars 1814 à Saint-Antoine-sur-Richelieu, Bas-Canada.
Le père de Jacques Cartier, marchand qui vivait rue Saint-Jean, à Québec, profita de son amitié avec Michel-Jean-Hugues Péan*, qui jouait le rôle d’intermédiaire entre l’intendant Bigot* et les fournisseurs du gouvernement, pour obtenir jusqu’en 1757 une grande partie des contrats de fourniture de farine. Il se lança aussi dans l’exportation du sel et du poisson en France. Même s’il n’avait réussi à amasser qu’une très modeste fortune au moment de sa mort, elle avait été suffisante, apparemment, pour qu’il envoyât son fils Jacques à l’école d’enseignement secondaire de Jean-Baptiste Curatteau*, à Longue-Pointe (maintenant partie de Montréal), en 1767. Deux ans après, Jacques s’était établi comme marchand à Québec, peut-être avec l’aide financière de François Baby, pour lequel il semble avoir fait office d’acheteur de fourrures en 1771.
En 1770, Jacques et son frère Joseph s’étaient rendus dans la région du Richelieu pour y vendre du poisson. Jacques s’établit comme marchand indépendant à Saint-Antoine-sur-Richelieu en 1772, un an après la mort de son père. Le 27 septembre 1772, il épousa Cécile Gervaise, nièce du curé de sa paroisse, Michel Gervaise. Ils allaient avoir une fille, Cécile, et un fils, Jacques, père de sir George-Étienne Cartier*. Joseph, frère de Jacques, se fit marchand de l’autre côté de la rivière, à Saint-Denis.
Jacques Cartier achetait du blé et l’expédiait à partir de la vallée du Richelieu. Voie essentielle de communication entre la vallée du Saint-Laurent et les colonies américaines, et région la plus riche de la province de Québec pour la culture du blé, la vallée du Richelieu attirait l’attention de marchands comme George Allsopp, Gabriel Christie*, Edward Harrison* et Samuel Jacobs*. Au début de septembre 1775, Cartier offrit à Baby d’être son fournisseur si le marchand de Québec voulait spéculer sur le blé. Toutefois, les projets de Cartier furent soudainement interrompus lorsque les Américains envahirent la colonie à l’automne de 1775, en empruntant la vallée du Richelieu. Le 1er septembre encore, Cartier avait écrit à Baby : « Rien de nouveaux Icy. nous Sommes bien tranquille Lont ne parlle plus des Bastones. » Ironiquement, le général de brigade Richard Montgomery*était parti un jour plus tôt de Crown Point, dans la colonie de New York, avec un corps d’armée fort de 1 200 hommes, pour envahir la province de Québec. Contrairement à beaucoup de Canadiens, Cartier s’engagea du côté britannique, en servant comme officier de milice et en logeant chez lui des soldats britanniques. Ayant échoué dans leur tentative de s’emparer de Québec, les Américains furent repoussés jusqu’à Crown Point par la vallée du Richelieu, dès juillet 1776. Cartier ne tarda pas à remettre son entreprise sur pied ; en août, il signait un contrat de fourniture de blé avec le marchand montréalais Jacob Jordan*. En 1781, Cartier s’était lancé dans la meunerie, ayant accepté de payer annuellement à François-Claude Boucher 36 minots de blé contre le privilège de construire un moulin dans sa seigneurie de Contrecœur. Cartier fut probablement aussi marchand détaillant. Tout juste avant l’invasion américaine, il avait passé une commande de 15 quintaux de pièces de fer assorties à Baby, et, en 1798, il acheta de Charles-Joseph Lefebvre-Duchouquet, curé de Notre-Dame-de-Saint-Hyacinthe (Notre-Dame-du-Rosaire), un lot d’articles ménagers dont il était libre de se « demett[re] et dessais[ir] à son profit ».
Les affaires de Cartier paraissent avoir été prospères, puisqu’en 1782 il construisit la maison la plus imposante de la région, la maison aux Sept Cheminées, qui avait vue sur la rivière, aux limites de Saint-Antoine-sur-Richelieu. La maison était conçue en trois sections : elle comportait, à chaque extrémité, des chambres à l’épreuve du feu pour les marchandises, et une grande salle de réunion ou salon communiquant avec les bureaux, situés au-dessus. Cette propriété possédait son propre quai, de sorte que les bateaux pouvaient être chargés et déchargés directement aux magasins.
Dès les années 1780, l’entreprise de Cartier lui procurait suffisamment de capitaux pour lui permettre de prêter de l’argent aux habitants de la région. L’abbé Gervaise, à l’époque de sa mort en 1787, lui devait près de £900. Cartier fit vendre aux enchères les biens meubles et immeubles du défunt pour recouvrer la créance ; lui-même acheta, des propriétés de son débiteur, une ferme, deux terrains vagues et un moulin à blé, tous situés dans les environs de Saint-Antoine-sur-Richelieu. À la fin des années 1790, Cartier avait étendu son activité de prêteur au delà de la vallée du Richelieu. En 1798, il poursuivit avec succès Antoine Papineau, de Chambly, et Toussaint Truteau, de Montréal, en vue de récupérer £630. En 1803, il consentit un prêt de £1287 au spéculateur et propriétaire foncier québécois Joseph Drapeau, et un autre de £1 000 au notaire Jacques Voyer*, également de Québec. L’année suivante, il prêta 5 500# à Jean-Baptiste Blais, de Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, et, en 1808, £1485 à Jean-Baptiste Noël, seigneur de Tilly. Il acceptait à l’occasion que des dettes lui fussent remboursées sous forme de biens fonciers ; par exemple, en février 1807, il reçut de Drapeau un terrain dans la basse ville de Québec et, quelques mois plus tard, en règlement d’autres poursuites, plusieurs lots ruraux dans la région du Richelieu, qui valaient au total près de £240.
En 1800, Cartier lança une nouvelle entreprise commerciale : un service postal reliant Saint-Antoine-sur-Richelieu, Saint-Denis, Saint-Ours et William Henry (Sorel). Bien qu’une demande pour l’établissement d’un service postal dans la vallée du Richelieu eût été faite dès 1781 auprès de Hugh Finlay, maître général des Postes adjoint, Cartier semble être le premier à avoir mis son projet à exécution. Il étendit son service jusqu’à Saint-Hyacinthe, puis abandonna ce territoire parce que, comme le lui expliqua le notaire Louis Bourdages*, de Saint-Hyacinthe, son offre paraissait aux yeux des gens de l’endroit trop entachée de cupidité et qu’elle « sent[ait] un peu l’aristocratie mercantile ».
Député de la circonscription de Surrey à la chambre d’Assemblée de 1804 à 1809, Cartier y fut l’un des plus assidus ; il appuya de façon régulière le parti canadien contre le groupe ministériel. Major du 2e bataillon de milice de Boucherville à partir de 1800, environ, Cartier devint lieutenant-colonel dans la même région le 21 février 1808. En mai 1810, il écrivit à Baby, adjudant général de la milice, au sujet d’une dispute entre lui et son colonel, Joseph Boucher de La Bruère de Montarville. On ne connaît pas les détails de cette affaire, mais on sait qu’elle tournait autour de la proclamation publiée par le gouverneur Craig, à la fin de mars, pour se justifier d’avoir supprimé le Canadien, journal de Québec, et emprisonné plusieurs de ses rédacteurs. Professant avoir « Epousé La Bonne Cause Du Gouvernement » depuis 1775, Cartier demandait l’appui de Baby, tout en ajoutant qu’il démissionnerait si ce dernier jugeait qu’il avait eu tort. Dans cette éventualité, il écrivait : « Soyez persuadé – De tout mon ame que je serai aussi Bon Sujet & Loyal – Comme avant. » Cartier resta dans la milice et fut muté, vers 1813, dans le nouveau bataillon de Verchères.
Jacques Cartier mourut en mars 1814, année où naquit son illustre petit-fils. Sa nécrologie le décrit comme un homme généreux et bon, largement aimé et respecté. Cette dernière affirmation semble être corroborée par ses funérailles, qui eurent lieu le 24 mars dans l’église paroissiale de Saint-Antoine (Saint-Antoine-sur-Richelieu), « avec les honneurs dues à son rang [...] en présence d’un concours nombreux de personnes respectables » de Saint-Antoine-sur-Richelieu et des paroisses voisines. Il laissa une fortune évaluée à plus de 150 000#, somme importante pour l’époque. Ses biens comprenaient une bibliothèque composée en grande partie d’ouvrages d’histoire et de droit ; parmi les auteurs figuraient Bossuet, Voltaire, Guillaume Raynal et sir William Blackstone. La fortune de Cartier permit à son fils Jacques, lequel n’avait eu aucune part aux affaires de son père, de vivre la vie agréable d’un riche seigneur de village. Le neveu de Cartier, Joseph, prit la direction de l’entreprise, qui continua de prospérer sous sa gouverne.
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Henry B. M. Best, « CARTIER, JACQUES (1750-1814) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cartier_jacques_1750_1814_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cartier_jacques_1750_1814_5F.html |
Auteur de l'article: | Henry B. M. Best |
Titre de l'article: | CARTIER, JACQUES (1750-1814) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |