ROUSSEAUX ST JOHN, JOHN BAPTIST (baptisé Jean-Baptiste Rousseau, dit Saint-Jean), trafiquant de fourrures, interprète, homme d’affaires, officier de milice et fonctionnaire, né le 4 juillet 1758 dans la paroisse de La Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord), fils de Jean-Bonaventure Rousseau, dit Saint-Jean, et de Marie-Reine Brunet ; décédé le 16 novembre 1812 à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario).
Vingt ans environ avant la création du Haut-Canada, la famille Rousseau, de Montréal, inaugurait son activité commerciale dans la région de Toronto. À l’automne de 1770, Jean-Bonaventure, interprète au service du département des Affaires indiennes, reçut un permis l’autorisant à faire la traite sur les rives de la rivière Toronto (rivière Humber) avec les Indiens de l’endroit. Il transmit sa facilité pour les langues à son fils Jean-Baptiste, qui en fera bon usage quand il entrera à son tour au département des Affaires indiennes en 1775, à la veille de la Révolution américaine. Il est possible que Jean-Baptiste ait, au cours des campagnes militaires subséquentes, servi sous Luc de La Corne* et qu’il ait rencontré l’influent chef agnier Joseph Brant [Thayendanegea].
Le 14 juillet 1780, Rousseaux épousait Marie Martineau (Martineaut), à Montréal. On rapporte qu’en 1783 ils allèrent s’installer à Cataraqui (Kingston). Pendant quelques années, Rousseaux y passa les mois d’hiver après de longues périodes de traite à l’embouchure de la rivière Toronto (l’endroit de prédilection de son père) où il servait d’interprète pour le département des Affaires indiennes. On peut présumer que cette vie irrégulière contribua à la rupture de son mariage, à l’été de 1786, après que sa femme, « dans son aveuglement », eut une liaison avec un autre homme. Moins d’un an après, Rousseaux avait pris une deuxième épouse, Margaret Clyne (Cline, Klein), « autrefois prisonnière des Agniers », qui avait été adoptée par Brant. Ce dernier respectait le jugement et la capacité de Rousseaux, et cette union les rapprocha encore davantage. À deux occasions, par la suite, le couple renouvela son engagement, devant le ministre Robert Addison*, de l’Eglise d’Angleterre : la première fois à la maison de Brant, sur la rivière Grand, le 15 octobre 1795, et la deuxième fois à Niagara, le 30 juin 1807. Si aucun enfant n’était né du premier mariage de Rousseaux, six enfants naquirent du second, dont un fils prénommé Joseph Brant.
À la fin des années 1780, Rousseaux faisait la traite à la baie de Quinte et dans « les régions environnantes », qui comprenaient sans doute la région de Toronto. Quand la première équipe d’arpenteurs passa le long de la rive nord du lac Ontario, en 1791, elle fut accueillie à Toronto par « Mr. St. John », nom sous lequel on en était venu à le connaître à cet endroit. Cette même année, il commença à faire la traite avec les Six-Nations et construisit un moulin à blé près de l’emplacement actuel de Brantford. Vers 1792, il décida de vivre à l’année sur une étendue de terre de 500 acres, sur la rive est de la rivière Humber, sa femme et ses enfants l’ayant rejoint préalablement.
En 1792, Rousseaux était établi comme propriétaire de magasin, le premier probablement, dans ce qui deviendra bientôt la ville d’York (Toronto). Comme trafiquant et marchand général, il s’associa avec Thomas Barry, en 1794, et tous deux devinrent bientôt des clients réguliers de Richard Cartwright, marchand en vue de Kingston, qui ravitaillait la plupart des commerçants dans l’Ouest. Rousseaux continua aussi d’être interprète. Le 24 juillet 1793, le lieutenant-gouverneur Simcoe avait insisté pour qu’il lui fût attaché comme interprète personnel. Écrivant au lieutenant-gouverneur du Bas-Canada, Alured Clarke*, Simcoe alléguait que Rousseaux avait « tout ce qu’il [fallait] pour ce poste, [... qu’il était] également agréé de [... Brant] et des Agniers, de même que des Mississagués [...] et le seul qui posséd[ât] une grande influence sur l’une ou l’autre de ces nations ». Or, une fois, cette année-là, Rousseaux avait refusé d’aider Simcoe, « sous le prétexte de l’impossibilité de laisser son entreprise commerciale pendant une si longue saison ». Il servit toutefois d’interprète lors d’un conseil réuni à la rivière Humber, le 26 août 1793.
En 1795, en partie parce qu’on lui avait refusé des terres additionnelles sur la rivière Humber, Rousseaux quitta les lieux avec sa famille en direction de Head of the Lake (dans le voisinage de l’actuel port de Hamilton), et se fixa dans le canton d’Ancaster. Il avait fait un premier geste en ce sens, le 5 octobre 1794, en achetant de James Wilson sa part (50 p. cent) d’un moulin à farine et d’une scierie, propriétés de Wilson et de Richard Beasley*. En 1797, Rousseaux acheta aussi la part de Beasley. Faisant fond sur son expérience à York, il ouvrit un magasin général et entreprit un commerce actif avec les Agniers de Brant et d’autres tribus des Six-Nations installées en bordure de la rivière Grand. Il ouvrit aussi une auberge, de même qu’une forge, et accumula des propriétés foncières au cours des années. En 1796, en collaboration avec Wilson et Beasley, il avait acheté le lot no 2 des terres des Six-Nations, d’une superficie de 94 000 acres. Cette vente, entre autres, fut autorisée par le gouvernement le 5 février 1798. Peu après, Beasley acheta les actions de ses associés. Il est possible que l’activité économique de Rousseaux, pendant cette période, ait été financée en partie grâce à une garantie de £1000 de Brant, au nom des Six-Nations, en date du 20 juin 1798. Le 4 mai 1809, Rousseaux vendit ses moulins à l’Union Mill Company ; les actionnaires de cette compagnie, dont Abraham Markle*, avaient peut-être exploité ces moulins dès 1806.
Rousseaux était devenu un homme important, et il fut nommé percepteur des taxes pour le canton d’Ancaster. En outre, ce fils de l’ancienne province de Québec, qui avait déjà affirmé qu’il était un membre fidèle de « l’Église apostolique et romaine », devint franc-maçon le 31 janvier 1796 en adhérant à la loge Barton, récemment créée. Il continua à servir comme interprète et comme conseiller en matières indiennes, mais pas toujours, semble-t-il, à la satisfaction de ses supérieurs. Si l’administrateur Peter Russell apprécia souvent les services de Rousseaux, il lui arrivait de penser que ce dernier nuisait à la politique du gouvernement à l’égard des Indiens. Une fois, en 1798, Russell l’accusa de tenter de faire obstacle à un projet visant à diminuer les pouvoirs de Brant, de crainte que cela pût menacer ses intérêts économiques dans l’exploitation de moulins. En dépit de ces démêlés, Rousseaux fut maintenu en fonction par le département des Affaires indiennes, et il en vint également à jouer un rôle actif dans l’élite de la milice coloniale. Le 24 juin 1797, Robert Hamilton, lieutenant du comté de Lincoln, le nomma enseigne dans la milice. Le 15 juillet 1799, il reçut sa commission de capitaine dans la West Riding Militia of York, et, le 16 mai 1811, il était promu lieutenant-colonel du 2e régiment de la milice d’York. L’année suivante, il fut nommé capitaine du département des Affaires indiennes. Au début de juin 1812, à la veille de l’éclatement de la guerre avec les États-Unis, Rousseaux faisait rapport à William Claus*, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, sur l’activité à la rivière Grand des Tsonnontouans de l’état de New York. Ces derniers avaient été envoyés par le fameux chef Red Jacket [Sagoyewatha*], pour exhorter les Six-Nations à la neutralité.
Rousseaux était présent à la bataille de Queenston Heights, le 13 octobre 1812. Il mourut de pleurésie le 16 novembre, au moment où il visitait le fort George (Niagara-on-the-Lake). Il fut enseveli avec tous les honneurs militaires dans le cimetière de l’église St Mark, à Niagara. Il laissa ses biens à son épouse, à William Crooks, frère de James*, et à Abraham Markle. En plus des propriétés d’Ancaster, la succession de Rousseaux comprenait 500 acres de terre dans le canton de Barton, 400 acres dans le canton d’Oxford (East Oxford et West Oxford) et 200 acres dans le canton de Beverley. Il avait 69 comptes à recouvrer, qui laissaient à son crédit plus de £1 170, et il devait £1 151 12 shillings 1 penny. Ses principaux créanciers étaient les frères Crooks, marchands de Niagara, à qui il devait £312 5 shillings, et la firme montréalaise Auldjo and Maitland, à qui il devait £555 17 shillings 10 pence.
L’apport de John Baptist Rousseaux St John aux affaires indiennes, de même qu’au progrès d’York et d’Ancaster à leurs débuts, fut appréciable. Il fit aussi, manifestement, le pont entre deux régimes, le français, orienté vers l’ancien commerce des fourrures, et le britannique, sensible à l’implantation d’entreprises commerciales plus variées et, par-dessus tout, aux besoins d’une colonie de peuplement.
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Charles M. Johnston, « ROUSSEAUX ST JOHN, JOHN BAPTIST (baptisé Jean-Baptiste Rousseau, dit Saint-Jean) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rousseaux_st_john_john_baptist_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/rousseaux_st_john_john_baptist_5F.html |
Auteur de l'article: | Charles M. Johnston |
Titre de l'article: | ROUSSEAUX ST JOHN, JOHN BAPTIST (baptisé Jean-Baptiste Rousseau, dit Saint-Jean) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |