SEELY (Seeley, Seelye), JOSEPH, milicien, né en 1786, probablement dans la partie ouest de la province de Québec, fils d’Augustus Seelye (Sealey) ; il se maria et eut des enfants ; il vivait encore en 1814.

On possède peu de renseignements précis sur la famille Seely. Plusieurs familles du même nom, venant du Connecticut, habitaient le Nouveau-Brunswick ainsi que le district de Johnstown, dans le Haut-Canada [V. Caleb Seely* ; Peet Selee*], et il est probable qu’elles aient été apparentées. Joseph Seely affirmait que son père avait servi sous Amherst* pendant la guerre de Sept Ans, de même que dans une unité commandée par le capitaine James »Campbell pendant la Révolution américaine. Augustus Seelye figurait sur la liste des Loyalistes du canton de Lancaster, dans le Haut-Canada, mais la famille n’habita probablement jamais à cet endroit. En 1801, les Seely vivaient à Elizabethtown (Brockville, Ontario), où Joseph prêta le serment d’allégeance. Six ans plus tard, en sa qualité de fils d’un loyaliste, Joseph sollicita, dans une requête, 200 acres de terre ; on lui accorda des lettres patentes pour un lot situé sur le lac Gananoque, dans le canton de Leeds and Lansdowne, le 24 mars 1812.

Seely aurait pu vivre à cet endroit et y travailler dur, tout en étant heureux dans l’anonymat, n’eût été l’irruption de la guerre de 1812. « Étant bon sujet » du roi, il se porta volontaire et servit pendant neuf mois dans les dragons du capitaine Charles Jones*. Il s’enrôla ensuite dans le 1er bataillon de milice de Leeds, alléché par la « promesse » faite par le capitaine Adiel Sherwood* « d’un grade de sergent et de rations pour [sa] petite famille ». Une solde plus élevée dut apparaître comme un avantage à un jeune fermier d’avenir, et la fourniture de vivres, essentielle à une famille qui comptait sur l’homme pour défricher et ensemencer la terre puis en récolter les fruits. En avril 1813, les candidats nouvellement enrôlés reçurent l’ordre de partir pour Prescott, où ils furent groupés par compagnies le mois suivant.

Les espoirs de Seely furent rapidement annihilés. Sherwood n’avait pas recruté le minimum d’hommes requis pour son unité, et Seely fut affecté, comme simple soldat, à la compagnie du capitaine Archibald McLean*. Sa promotion au grade de sergent n’était pas envisagée, et les rations destinées à sa famille ne furent jamais remises. Après avoir servi quelque temps sous les ordres de McLean, Seely fut muté à un « emploi dans le génie ». Lésé, découragé, et sans doute inquiet du sort de sa famille, le jeune soldat déserta à la fin d’août. Vers le 20 novembre, il fut rattrapé « dans le camp ennemi », sur la rive américaine, par un détachement de la milice de Leeds et de Grenville sous le commandement du capitaine Herman Landen.

Cette année-là avait été critique pour le gouvernement de la province, tant civil que militaire. Les problèmes auxquels l’administrateur Brock avait eu à faire face s’aggravèrent sous ses successeurs Roger Hale Sheaffe* et Francis Rottenburg* : la désaffection était devenue monnaie courante et la désertion avait pris des proportions endémiques dans la milice ; la chambre d’Assemblée hésitait à permettre au gouvernement de recourir aux pouvoirs arbitraires pour régler les problèmes civils ; enfin, les premiers succès militaires d’Ogdensburg, dans l’état de New York, et de Frenchtown (près de Monroe, Michigan) avaient été rejetés dans l’ombre par la prise d’York (Toronto) par les Américains en avril, la défaite de Robert Heriot Barclay*, sur le lac Érié, et la déroute de Tecumseh et de Henry Procter* à la bataille de Moraviantown le 5 octobre. Les désordres qui avaient éclaté pendant l’occupation d’York avaient été particulièrement inquiétants [V. Elijah Bentley]. Dans une atmosphère chargée de crainte et de suspicion, même les juges comme William Dummer Powell* insistaient pour que l’on suspendît la procédure régulière de la justice civile afin d’intimider les sujets déloyaux. En juillet, peut-être à la suite de renseignements fournis par Powell, le gouverneur Prevost autorisa Rottenburg à convoquer des conseils de guerre, pour infliger des châtiments exemplaires. La croyance fort répandue qu’un tel geste ferait échec aux sujets déloyaux atteignit son sommet lors des « assises sanglantes » d’Ancaster, en 1814, où huit hommes furent exécutés [V. Jacob Overholser].

Accusé d’avoir déserté et d’être passé dans le camp adverse, et d’avoir aidé « à piloter une des embarcations de l’ennemi », Seely subit son procès devant un conseil de guerre, à Kingston, les 9 et 10 décembre 1813. Ce conseil était formé de 13 des principaux officiers de milice des districts de Johnstown, de Midland et d’Eastern. La poursuite était assumée par le juge-avocat général intérimaire Edward Walker. On laissa à Seely le soin d’assurer sa propre défense – tâche écrasante pour un simple soldat ; il plaida non coupable. Walker assigna quatre témoins : Herman Landen, Archibald McLean et deux soldats du détachement de Landen. Le but de Walker était simple : démontrer que Seely avait servi dans la milice jusqu’à la fin d’août et qu’il était, au moment de sa capture, dans un camp ennemi, aux États-Unis. Aucunement ébranlé, Seely conduisit sa défense avec un aplomb remarquable. Il ne nia pas les accusations, mais insista plutôt sur son loyalisme et celui de sa famille par le passé, sur ses états de service militaire, dignes d’éloge, et sur le motif raisonnable qui l’avait poussé à déserter : la non-réalisation de la promesse qui l’avait amené à s’enrôler.

On ne contesta pas les états antérieurs de service de Seely dans l’armée. Témoignant de sa loyauté, Landen, qui connaissait le prisonnier depuis 16 ou 18 ans, affirma qu’il n’y avait « personne à qui [il] aurait remis plus volontiers sa vie ». Il fit aussi mention du fait que Seely s’était battu avec « des Américains [...] parce qu’ils célébraient l’indépendance ». Après sa capture, Seely aurait eu un comportement extraordinaire. Landen raconta qu’il « pleura beaucoup et qu’il confia que même s’[il était] prisonnier, [il revenait] dans un pays aimé, et qu’[il n’avait pas été] heureux depuis qu’[il l’avait quitté] ».

Dans le discours que Seely prononça pour sa propre défense, il ne tenta pas de prouver son innocence, mais s’en tint plutôt aux circonstances entourant son cas. Chez lui, la loyauté était instinctive. Elle lui avait été inspirée par l’affection de sa famille et les traditions que lui avait enseignées son père loyaliste. Il affirmait : « C’est à contrecœur que j’ai quitté le pays dans lequel j’avais été élevé depuis mon enfance et auquel j’étais attaché par tous les liens de la loyauté, de l’amitié et de la parenté ; [je n’entretenais pas] la moindre ou lointaine idée d’aider ou d’assister un ennemi qu’on m’avait toujours appris à détester [...] Avec un tel père pour inculquer à sa famille les principes de la loyauté, il est presque impossible à l’un de ses membres de s’attacher à un gouvernement autre que celui auquel il appartient. » Seely n’avait été motivé que par l’injustice qu’on lui avait faite : « Je considérais la promesse de mon engagement comme nulle », disait-il. Toutes les conditions de son enrôlement avaient été violées. S’il avait été sergent intérimaire pendant quelques jours, sa demande pour un grade permanent avait été refusée, McLean ayant invoqué son manque d’instruction. Les rations supplémentaires, qui, de l’aveu de Landen, constituèrent « le motif pour lequel beaucoup d’hommes chargés de familles nombreuses s’enrôlèrent », ne furent jamais livrées. Si Seely était sur la liste des bénéficiaires, sa famille ne l’était pas, « par suite du trop grand nombre » de ses membres.

Le conseil trouva Seely coupable de désertion, mais l’acquitta sous le second chef d’accusation. Il fut condamné à sept années d’exil ; même si Rottenburg approuva le jugement du conseil, Seely n’eut toutefois pas à subir sa peine. Rottenburg, avant de quitter son poste, avait eu l’intention de gracier Seely, à la condition qu’il s’enrolât dans les New Brunswick Fencibles. Le 29 janvier 1814, il écrivit à son successeur, George Gordon Drummond*, sur cette question et d’autres s’y rattachant. Drummond agit en conséquence et, le 18 avril 1814, il annonça un « plein et entier pardon », en y ajoutant la clause suggérée. Il ne semble pas que Seely se soit soumis aux conditions posées. Il ne retourna pas non plus sur sa terre du lac Gananoque ; celle-ci fut vendue en deux portions bien des années après.

Joseph Seely aurait pu payer plus cher pour son aventure. Un autre milicien sans grade, jugé pour désertion par le même conseil de guerre, fut aussitôt fusillé. Toute la différence entre ces deux cas tient à l’adroite défense de Seely. L’habileté avec laquelle il sut allier le sentiment de défendre une juste cause avec celui de sa loyauté explique sans doute la sentence moins rigoureuse qu’on lui infligea, et son pardon par la suite. Il est fréquent, et peut-être compréhensible, de voir, dans les procès pour dissidence et trahison, des individus comme Elijah Bentley ou Abraham Markle* manifester leurs sympathies politiques pour les Américains. Il est prudent, aussi, de garder en mémoire un Ebenezer Allan ou un Andrew Westbrook* motivés dans leur action par les entraves, à leurs intérêts personnels. Enfin, il serait utile de ne pas oublier Joseph Seely pour se rappeler que, parfois, la vie de certains individus échappe à tout système d’interprétation.

Robert L. Fraser

AO, MS 4, J. B. Robinson letterbook, 1812–1815 : 31 ; MS 519 ; RG 1, A-IV, 16 ; C-IV, Lansdowne Township, concession 10, lot 21 ; concession 11, lot 22 ; RG 21, sect. A, Elizabethtown, Leeds and Lansdowne townships, census and assessment records.— APC, RG 1, L3, 456 : S 10/68 ; RG 5, A1 : 6532–6535, 6684–6709, 7820s. ; RG 8, I (C sér.), 166 : 54 ; 679 : 148s. ; 688C, Allan à Rottenburg, 14 août 1813 ; RG 9, 1, B7 : 296–299, 301, 331, 394–397.— Glengarry Land Registry Office (Alexandria, Ontario), Abstract index to deeds, Lancaster Township : 97s., 102 (mfm aux AO, GS 4043).— Leeds Land Registry Office (Brockville, Ontario), Abstract index te, deeds, Lansdowne Township : ff.195, 253 (mfm aux AO, GS 4563).— Doc. hist. of campaign upon Niagara frontier (Cruikshank), 5 : 94s.— « Grants of crown lands in U.C. », AO Report, 1928 : 74–76.— Reid, Loyalists in Ont., 279.— W. M. Weekes, « The War of 1812 : civil authority and martial law in Upper Canada », The defended border : Upper Canada and the War of 1812 [...], Morris Zaslow et W. B. Turner, édit. (Toronto, 1964), 191–204.

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Robert L. Fraser, « SEELY (Seeley, Seelye), JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/seely_joseph_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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