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ARCHIBALD, SAMUEL GEORGE WILLIAM, fonctionnaire, juge, avocat et homme politique, né le 5 février 1777 à Truro, Nouvelle-Écosse, troisième fils de Samuel Archibald, de cette même ville, et de Rachel Todd, du Massachusetts ; le 16 mars 1802, il épousa Elizabeth Dickson, d’Onslow, Nouvelle-Écosse, sœur de Thomas Dickson*, puis le 15 août 1832 Joanna Allen, veuve de William Birch Brinley ; décédé le 28 janvier 1846 à Halifax.
Petit-fils de David Archibald, qui était originaire de Londonderry (Irlande du Nord) et avait participé en 1762, avec ses trois frères, à la fondation de Truro, Samuel George William Archibald fut apparemment baptisé Samuel George Washington – indice des sympathies de sa famille –, mais il changea son dernier prénom pour augmenter ses chances de succès. Son père, acheteur et expéditeur de bois, mourut des fièvres aux îles Leeward quand lui-même n’avait que trois ans. Élevé par son grand-père jusqu’à l’âge de 15 ans, Archibald était déjà connu à l’époque pour son amour du plaisir et ses espiègleries, signes avant-coureurs de l’irrépressible gaieté qui le conduirait « toute sa vie à mêler le jeu au travail ».
De 1792 à 1796, Archibald étudia à Haverhill et à Andover, au Massachusetts, sous la surveillance de parents de sa mère. À son retour, il songea d’abord à se faire ministre presbytérien. Il fut ensuite protonotaire à la Cour suprême et greffier de la paix du district de Colchester, après quoi, vers 1800, il se mit à l’étude du droit dans le cabinet de Simon Bradstreet Robie*. Deux ans plus tard, il épousa Elizabeth Dickson, qui avait 15 ans et appartenait à une famille très influente dans la société néo-écossaise. Quelques mois après, il devint juge de la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments des districts de Colchester et de Pictou. Reçu attorney et barrister le 16 avril 1805, il fut élu l’année suivante député de la circonscription de Halifax, qui englobait alors les deux mêmes districts. Son grand-père et son père avaient siégé à l’Assemblée et son fils aîné, Charles Dickson*, y siégerait par la suite ; sa famille compta donc, en ligne directe, quatre générations de députés. À une certaine époque, Archibald et trois de ses beaux-frères Dickson siégèrent en même temps, ce qui fit dire à un esprit malveillant qu’ils se liguaient pour obtenir des crédits routiers en faveur de leurs commettants.
Dès le début de sa carrière, Archibald avait des atouts qui assureraient sa réussite aussi bien comme juriste que comme député. Peter Lynch, avocat de Halifax et historien, se souvenait de lui comme d’« un homme d’une beauté supérieure à la moyenne, [ayant] des manières aimables, une voix mélodieuse, une conversation captivante et une profonde connaissance de la nature humaine ». Il parlait, poursuivait Lynch, « avec beaucoup de facilité et d’élégance, ses phrases [étaient] bien rythmées, et sa façon de s’exprimer [était...] brillante ». Dès ses premiers jours à l’Assemblée, Archibald fut témoin d’un geste presque sans précédent : le lieutenant-gouverneur, sir John Wentworth*, rejeta l’élection de William Cottnam Tonge* au siège de président. Le compte rendu des débats n’indique pas si Archibald joignit sa voix au concert des protestations, mais lorsque le nouveau président, Lewis Morris Wilkins, annonça qu’il s’absenterait pour assister à une réunion du conseil d’administration du King’s College, Archibald fit adopter par la chambre deux propositions déclarant que le président se devait avant tout à l’Assemblée et qu’en convoquant Wilkins les administrateurs du collège avaient manqué de déférence envers la chambre. Toujours pointilleux sur les questions constitutionnelles, Archibald montra bien vite qu’il entendait résister à tout empiétement sur les droits de la Chambre basse.
D’une manière plus générale, durant ses premières années à l’Assemblée, Archibald s’intéressa de près à l’amélioration des routes, et surtout de celles qui allaient vers l’est à partir de Halifax. Un peu plus tard, il appuya fermement Thomas McCulloch et la Pictou Academy. Presbytérien scissionniste animé d’une foi profonde, « il ne disait jamais, sur le sujet [de la religion], aucune des hypocrisies à la mode » et ne prenait aucune « part active aux offices publics ». Par contre, il s’opposait à l’exclusivisme du King’s College et soutint McCulloch pendant deux décennies dans ses efforts pour rehausser le prestige de la Pictou Academy et obtenir en permanence pour elle une subvention annuelle. Tout en reconnaissant les faiblesses de McCulloch – il écrivit un jour au juge Peleg Wiswall : « l’Empereur est vraiment devenu le John Knox de la Nouvelle-Écosse et menace de vous dévorer tous un à un, vous les membres de l’Église d’Angleterre » – il lui arriva plus d’une fois de dire qu’il aurait bien aimé avoir le dixième de ses talents. Non seulement sa position sur la Pictou Academy créa-t-elle des conflits entre lui et les membres extrémistes du conseil de la province, comme Richard John Uniacke* père, mais elle l’empêcha de se lier véritablement à John Young et à sa famille qui, en tant que membres de l’Église d’Écosse, s’opposaient au scissionniste McCulloch.
Dès 1817, Archibald était devenu un membre important du barreau, et le lieutenant-gouverneur lord Dalhousie [Ramsay] fit de lui, avec William Hersey Otis Haliburton*, le premier conseiller du roi dans la province. Dans les années qui suivirent, il participa à la plupart des procès d’importance. En 1819, il obtint l’acquittement de William Q. Sawers, accusé de voies de fait sur la personne du docteur Matthias Francis Hoffmann*, mais quelques mois plus tard il ne parvint pas à faire condamner Richard John Uniacke* fils, poursuivi pour avoir tué William Bowie dans le dernier duel mortel de l’histoire de la province. Au cours d’une poursuite civile visant à obtenir des dommages-intérêts pour voies de fait, il admit la culpabilité de son client, Anthony Henry Holland*, mais il se moqua tellement des prétentions du plaignant, Edmund Ward*, que celui-ci faillit devoir quitter le tribunal. Par contre, à l’occasion d’un procès en diffamation au criminel, il emprunta un ton extrêmement sérieux et réussit à faire condamner Thomas Forrester par le jury en dix minutes. En 1835, il participa à la poursuite contre Joseph Howe* pour diffamation criminelle, mais il se contenta de prononcer un plaidoyer modéré, sachant très bien que, même si en droit Howe était coupable, il ne réussirait jamais à convaincre un jury de le condamner. Les comptes rendus de ces plaidoiries, quoique maigres, montrent bien « les multiples facettes de l’éloquence avec laquelle il s’adressait aux jurés ».
En fait, avec le temps, Archibald « en vint à mener ses procès et [...] à manier les jurés [...] avec une adresse inégalée », d’autant plus qu’il savait « éveiller toute la gamme des émotions ». « Jamais, disait le juge George Geddie Patterson, on n’a connu d’avocat qui ait tant de victoires à son tableau de chasse. » Tant ses contemporains que des historiens plus récents ont maintenu qu’il n’était ni érudit en matière de droit ni prêt à entreprendre la tâche fastidieuse de fouiller dans les recueils pour dénicher « l’aride détail juridique lié à une cause ». Selon A. A. Mackenzie, « dans les faits » il n’était pas « le grand juriste qu’évoque la légende familiale, mais un avocat à l’esprit vif qui racontait des histoires aux jurés, qui dans sa jeunesse se sortait d’embarras par son éloquence et qui plus tard s’en servit pour décrocher les emplois qu’il convoitait ». Peter Lynch, qui le vit à l’œuvre, nota qu’il employait au maximum ses assistants, en particulier James F. Gray. « En examinant rapidement les dossiers [de Gray], son patron en apprenait autant sur un cas que d’autres en auraient su après des heures d’étude et de labeur. » La suite de la carrière d’Archibald montre cependant que ces remarques ne lui rendent pas tout à fait justice.
De 1817 à 1830, la chance ne cessa pas de sourire à Archibald. Rarement refusait-il les causes des grands de la province, à moins de ne pouvoir faire autrement. En 1818, à titre de juge suppléant de la Cour de vice-amirauté, il participa au règlement des dernières causes relatives aux anciennes prises de guerre, et ce non pas surtout parce qu’il le désirait, mais parce qu’on le lui avait « demandé avec insistance dans un contexte tel qu’il aurait été malavisé de refuser ». La même année, il proposa la fondation d’une société provinciale d’agriculture et, en 1822, il ouvrit à ses frais un moulin pour moudre l’avoine à Truro. Bien plus tard, dans une remarque dirigée contre John Young, il souligna que, « au lieu de spéculer en théorie » sur les possibilités agricoles, il avait investi personnellement pour démontrer qu’elles étaient réalisables. Thomas Chandler Haliburton* a raconté qu’en 1824 Archibald était revenu d’un voyage en Grande-Bretagne et en Europe avec une foule d’anecdotes sur le Vieux Monde, car il avait vu Paris, « fait escale à Bruxelles, parlé à Strasbourg et fait des provisions à Whitehall ». Il reçut également un doctorat honorifique en droit de l’University of Glasgow et accepta le siège de juge en chef de l’Île-du-Prince-Édouard après avoir reçu l’assurance qu’il n’aurait pas à vivre là-bas. En novembre 1824, il passa trois semaines dans l’île afin d’accomplir la tâche pour laquelle il avait été nommé : mettre de l’ordre dans le chaos qu’était devenue la Cour suprême.
Simon Bradstreet Robie étant entré au Conseil de la Nouvelle-Écosse en 1824, le poste de président était vacant lorsque la chambre se réunit l’année suivante. Archibald fut élu président par acclamation et le demeura jusqu’en 1841. Après sa mort, Howe eut pour lui ce compliment : « Jamais nous n’avons vu président plus digne et plus imposant occuper le fauteuil de quelque Assemblée législative que ce soit. » En 1824, on accusa Archibald et d’autres avocats qui siégeaient à la chambre d’imposer sans nécessité à la province quatre nominations judiciaires majeures. Deux ans plus tard, il allait bénéficier de l’expansion des tribunaux qui en avait résulté. Robie ayant obtenu l’un des nouveaux postes, celui de maître des rôles, il lui succéda à titre de solliciteur général. Par contre, comme il ne résidait pas à l’Île-du-Prince-Édouard, son rendement comme juge en chef de l’île soulevait une vive insatisfaction là-bas. N’ayant jamais envisagé sérieusement d’abandonner sa grosse clientèle et ses importantes fonctions en Nouvelle-Écosse ni de renoncer à ses espoirs d’y devenir juge en chef, il démissionna de son poste à l’île en 1828.
L’année 1830 fut la plus faste de la carrière d’Archibald : il était « l’ornement du barreau, l’aigle de l’[Assemblée], et le boute-en-train des cercles mondains ». Il donnait dans sa spacieuse résidence de Halifax des dîners splendides où son esprit raffiné et ses talents de conteur – peut-être les plus grands de la province – s’exprimaient mieux qu’en toute autre circonstance. Selon son biographe, Israel Longworth, son domaine campagnard de Truro, où il séjournait plusieurs semaines par an, était l’un des points d’attraction de la province où « la magnifique rivière [rivière Salmon] décrivait de gracieux méandres [... entre] des ormes gigantesques ». Les Dalhousie, les Kempt et « les simples habitants des environs y bénéficiaient de son hospitalité et chantaient ses louanges ». Mais le dernier objectif d’Archibald – devenir juge en chef – allait être contrecarré par la querelle du Brandy en 1830 [V. Enos Collins*]. Dans une série de discours, prononcés nécessairement en comité, il affirma que la perception des revenus, loin d’être une simple formalité, découlait d’un pouvoir lié à la nature même de l’Assemblée. « Les conséquences seront désastreuses, disait-il, si nous laissons le Conseil de Sa Majesté se servir de nous comme d’un instrument et préparons les projets de loi sur le revenu comme ils nous dictent de le faire [...] nous avons un droit, qui pour l’Anglais et l’homme libre est le plus cher de tous les droits – celui de nous taxer nous-mêmes, sans qu’aucun pouvoir au monde n’intervienne ou ne nous dicte notre conduite. » Et surtout, il soulignait que sa qualité de président et de « gardien naturel des droits et privilèges de la chambre » lui imposait d’intervenir. Galvanisée par ces déclarations, la chambre maintint sa position, même si celle-ci entraînait, avec le rejet des projets de loi de finances et d’affectation de crédits, tous les inconvénients qui y étaient liés. Ravi, Howe déclara qu’en raison de ses discours Archibald était « plus éminent qu’il ne l’a[vait] jamais été dans toute sa carrière politique », et Jotham Blanchard se montra presque aussi louangeur. Au cours des élections qui suivirent, les votants condamnèrent en masse le conseil et Archibald remporta la victoire dans la circonscription de Halifax. Mais sa position était celle d’un défenseur de la constitution, non celle d’un partisan des causes populaires ou d’un réformiste, et elle soulevait des espoirs qu’il ne pourrait pas combler.
D’après les partisans du conseil, Archibald s’était aliéné la confiance populaire dès avant la querelle du Brandy « en raison de ses intrigues peu franches pour recevoir une promotion » et, au cours de « la dernière tempête, [il n’avait] fait que se nuire tout en trompant autrui ». Les intrigues en question avaient marqué la course au poste de juge en chef, laquelle battait son plein dès 1829. Trois candidats se présentaient au poste occupé par Sampson Salter Blowers, âgé de près de 90 ans et dont les forces diminuaient : Richard John Uniacke père, âgé et frêle lui aussi, mais qui en raison de ses longues années de service comme procureur général avait une prétention particulière au poste ; Brenton Halliburton*, juriste aux talents modestes, bien traité par le gouvernement puisqu’il était devenu juge puîné moins de quatre ans après son admission au barreau, mais qui avait exercé la plupart des fonctions de juge en chef pendant une longue période, ce qui renforçait sa candidature ; et Archibald, qui méritait une promotion à cause des nombreux services rendus à la couronne. Ce dernier aurait pu prendre le siège de juge puîné rendu vacant par la mort de James Stewart en 1830, mais il estimait avoir déjà une situation supérieure à celle-là.
Uniacke mourut en octobre de la même année et le lieutenant-gouverneur, sir Peregrine Maitland*, nomma Archibald procureur général par intérim. Toutefois, Maitland et le conseil intervinrent dans la course au poste de juge en chef en annonçant l’envoi de Halliburton à Londres pour protester contre la réduction des droits sur le bois étranger importé en Grande-Bretagne ; c’était là la raison officielle, mais en réalité on l’y envoyait pour lui donner l’occasion de plaider en faveur de sa promotion. Archibald n’avait donc d’autre choix que de se rendre lui-même à Londres. On se demanda dans la capitale néo-écossaise s’il n’avait pas fait appel à lady Mary FitzClarence, fille naturelle de Guillaume IV, qu’il avait reçue royalement l’année précédente à sa résidence de Halifax.
Apparemment, l’éloquence d’Archibald impressionna le marquis de Lansdowne qui, dit-on, le pressa d’entrer au Parlement britannique mais obtint pour toute réponse : « Je suis déjà la tête d’une Assemblée, je ne tiens pas à devenir la queue d’une autre. » Après avoir retardé sa décision, le vicomte Goderich, secrétaire d’État aux Colonies, nomma Halliburton juge en chef le 4 décembre 1832, alléguant qu’il avait rempli fort longtemps cette fonction. Quant à Archibald, dont on avait confirmé la nomination au poste de procureur général, Goderich proposa de hausser son salaire en attendant qu’une place plus avantageuse puisse lui être offerte. Les Haligoniens bien informés étaient certains qu’Archibald avait perdu le poste de juge en chef dès le moment où il avait pris la tête de l’Assemblée dans la querelle du Brandy.
Archibald avait connu deux autres épreuves en 1830 : la mort de son second fils et de son épouse, Elizabeth Dickson, femme accomplie avec qui il avait eu 15 enfants (dont Edward Mortimer*) et qui partageait son goût pour la vie mondaine. Moins de deux ans plus tard, il épousa une veuve, Joanna Brinley ; le couple allait avoir trois filles. Archibald ne se consola jamais de la perte de sa première femme, peut-être parce que la seconde n’aimait pas les mondanités ; toutefois son deuxième mariage fut tout aussi heureux que le premier.
À compter de 1830, Archibald se trouva de plus en plus en désaccord avec la majorité des députés. En 1832, à l’encontre de Howe et de Young, il se prononça pour la commutation des redevances dues à la couronne sur les terres en retour d’un versement annuel de £2 000 par le gouvernement. Ceux qui suggérèrent alors qu’il était « personnellement intéressé » à augmenter les revenus imprévus de la couronne afin de faciliter le paiement des salaires prélevés sur eux, dont celui qu’il touchait à titre de procureur général, semblent avoir été injustes et excessifs. Deux ans plus tard, un certain Ichabod ne se montra pas moins partial en déclarant, dans l’Acadian Recorder, qu’Archibald avait essayé de faire augmenter son salaire de procureur général à un moment « où le trésor [était] presque à sec, où il [fallait] prunter pour affecter la moindre somme à la voirie et où le commerce languissait » sous l’effet d’une faillite générale.
Au fond, Archibald ne correspondait pas à la légende qui faisait de lui un partisan des causes populaires. Jusqu’en 1830, le statu quo faisant l’objet d’un large consensus, on avait pu compter sur lui pour s’opposer à tout retour en arrière, comme dans la querelle du Brandy. Mais au fil des années 1830, à mesure que Howe découvrait les vices fondamentaux du gouvernement provincial et invitait les électeurs, par le truchement du Novascotian, or Colonial Herald, à se donner un nouveau type d’Assemblée et de député, Archibald se trouva de plus en plus dans la position de celui qui observe avec déplaisir un style politique contraire à ses penchants. Dès juillet 1836, l’Acadian Recorder participait résolument au combat contre l’ordre établi en publiant sous le pseudonyme de Joe Warner les lettres de John Young. Entre autres choses, ces lettres accusaient Archibald d’une foule de délits publics, y compris l’indulgence pour le gaspillage et l’extravagance. Howe, qui lui portait un respect considérable, trouvait cette critique beaucoup trop dure puisque, en dépit des « complots et plans » qu’on lui attribuait, Archibald n’avait pas la moitié des « avantages » que possédaient le secrétaire de la province, sir Rupert Dennis George, le receveur des douanes, Thomas Nickleson Jeffery, et d’autres hauts fonctionnaires. En fait, alléguait Howe, « si [Archibald] avait montré moins de scrupules à se soumettre à une certaine petite clique de la province, il aurait pu se débrouiller beaucoup mieux ».
Aux élections de 1836, Archibald eut à faire face, dans la nouvelle circonscription de Colchester, à un adversaire énergique : Isaac Logan, qui appartenait à la nouvelle fournée de candidats et reprenait les arguments de Warner. Avec une amertume rare chez lui, il traita Warner de « fabricant de calomnies et de diffamations » et Logan de « pauvre petit colporteur [préoccupé de vendre] sa marchandise ». « Mon nom, poursuivait-il, survivra et demeurera lié au comté de Colchester alors même que celui de Joe Warner sera pourri comme ses restes et puant comme le tas de fumier qu’il sera devenu. » Archibald tenta aussi de « régler son compte » à Young au cours de la première session de la nouvelle législature, où on déposa des propositions qui visaient à interdire l’exportation de céréales et de pommes de terre parce que les récoltes avaient été mauvaises. Lorsque, selon son habitude, Young s’opposa à ce que l’Assemblée agisse au mépris des principes de l’économie politique, Archibald se moqua de l’idée de recourir à des doctrines tirées de l’œuvre d’Adam Smith pour empêcher l’Assemblée d’intervenir en un temps de famine et de misère. « Faut-il comprendre, demanda-t-il, que nous ne devrons jamais légiférer à l’encontre de certaines lois et règles établies par des théoriciens politiques ? » Ce devait être son dernier affrontement avec Young, qui mourut en octobre 1837.
Au cours de cette session, Archibald ne fit pas d’autres interventions majeures en chambre : en dépit de sa réélection au siège de président, il avait perdu son ascendant sur les députés. Les réformistes, qui s’étaient multipliés à la vitesse de l’éclair, obtenaient la majorité sur la plupart des questions et se laissaient guider par Howe et Laurence O’Connor Doyle*. Archibald ne dit presque rien sur les Douze Résolutions de Howe mais, de toute évidence, il n’aimait pas voir les réformistes bouleverser les habitudes tranquilles de la chambre. Il fut absent les derniers jours de la session pour cause de maladie ; les journaux parlèrent d’érysipèle, mais il s’agissait plutôt d’une grave attaque d’apoplexie. Il ne s’en remit jamais tout à fait et, dans les dernières années de sa vie, souffrit d’« une paralysie des muscles qui déformait ses traits et faisait parfois qu’il avait du mal à articuler, quand il n’en était pas totalement incapable ». Néanmoins, il se trouva assez bien en décembre pour présenter les principales propositions adoptées à l’occasion d’une assemblée publique qui désapprouva la rébellion du Bas-Canada et qui exprima sa détermination à s’occuper des familles des soldats partis faire échec à l’insurrection. Il continua de présider les sessions législatives jusqu’à la fin de 1840, mais sans se mêler à la vigoureuse défense de la cause populaire que poursuivait la Chambre basse.
En 1840, Archibald fut pris dans un dilemme. L’Assemblée exigeait le rappel du lieutenant-gouverneur sir Colin Campbell parce qu’il refusait de reconnaître que la dépêche écrite le 16 octobre 1839 par le secrétaire d’État aux Colonies conférait « une constitution nouvelle et améliorée » aux colonies. Lorsque Campbell lui demanda de se prononcer sur cette missive, Archibald lui répondit que, même s’il était inconvenant de sa part de s’opposer aux souhaits de l’Assemblée, le lieutenant-gouverneur avait le droit de connaître son opinion à titre de procureur général. Il poursuivit donc en disant douter que cette dépêche pouvait être interprétée dans le sens de l’Assemblée et croire que Campbell avait eu raison d’attendre un supplément d’instructions de la part du secrétaire d’État aux Colonies. Ces vues montrent combien « les opinions de la majorité de la chambre s’étaient éloignées de celles de son président ».
Quand, en octobre 1840, le nouveau lieutenant-gouverneur, lord Falkland [Cary*], reconstitua le Conseil exécutif, Archibald se trouva en tête de la liste des nouveaux conseillers mais, après les élections tenues cette année-là, il ne put reprendre le fauteuil de président de la chambre, parce que Londres avait décidé de modifier la coutume néo-écossaise pour la rendre conforme à la règle britannique. Forcé de choisir entre le poste de président et celui de procureur général, Archibald résolut de conserver le second. Il ne resta pas très longtemps à l’Assemblée : le 29 avril 1841, après la mort de Charles Rufus Fairbanks, il fut assermenté comme maître des rôles, fonction qu’il exerça jusqu’à ce que, cinq ans plus tard, une violente attaque d’apoplexie le tue instantanément. Ceux qui craignaient que son manque de connaissances juridiques et son peu de goût pour le travail ne fassent de lui un médiocre maître des rôles furent surpris de son application. Sans être un grand juge, il était, de l’avis général, très bon ; son rendement n’était certainement pas inférieur à celui des autres maîtres, Robie, Fairbanks et Alexander Stewart*.
Par son éloquence et sa prestance, Samuel George William Archibald donna une note de dignité et de raffinement à l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse. Ce fut fort justement que le Sun, journal de Halifax, dit de lui qu’il comptait « parmi les plus aimables des hommes ». Comme le précisait Howe : « Le juge Archibald n’avait ni méchanceté ni malveillance – faire plaisir aux autres et partager ce plaisir était chez lui un besoin naturel – mais il n’éprouvait jamais d’agrément à faire souffrir autrui. » Par contre, Israel Longworth n’a pas raison de prétendre qu’« aucun homme n’a autant contribué à façonner les institutions et les destinées de la Nouvelle-Écosse ». L’Assemblée, dès qu’elle s’engagea dans un programme de réforme modérée, devint pour lui un milieu tout à fait inhospitalier. Cependant, il faut au moins reconnaître qu’en défendant la constitution, il barra la route aux réactionnaires.
PANS, MG 1, 89, particulièrement no la ; 979–980.— Acadian Recorder, 1830–1836.— Novascotian, 1830–1846.— John Doull, Sketches of attorney generals of Nova Scotia (Halifax, 1964).— Israel Longworth, Life of S. G. W. Archibald (Halifax, 1881).— G. [G.] Patterson, Studies in Nova Scotian history (Halifax, 1940).— Peter Lynch, « Early reminiscences of Halifax – men who have passed from us », N.S. Hist. Soc., Coll., 16 (1912) : 199–201.
J. Murray Beck, « ARCHIBALD, SAMUEL GEORGE WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/archibald_samuel_george_william_7F.html.
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Auteur de l'article: | J. Murray Beck |
Titre de l'article: | ARCHIBALD, SAMUEL GEORGE WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |