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LALEMANT, CHARLES, premier supérieur des Jésuites de Québec (1625–1629), missionnaire à Québec (1634–1638), procureur à Paris de la mission de la Nouvelle-France (1638–1650), frère de Jérôme Lalemant et fils d’un lieutenant criminel de Paris, né le 17 novembre 1587, décédé à Paris le 18 novembre 1674.
Charles Lalemant entre au noviciat de Rouen le 29 juillet 1607. Il étudie la philosophie au collège de La Flèche (1609–1612), enseigne aux classes de grammaire au collège de Nevers (1612–1615), fait sa théologie à La Flèche (1615–1619), sa troisième année de probation à Paris sous la direction du célèbre père Antoine Le Gaudier (1619–1620). Il est ensuite professeur de logique et de physique au collège de Bourges (1620–1622) ; d’octobre 1622 à mars 1625, il est principal du pensionnat au collège de Clermont.
Chargé d’établir une mission de la Compagnie de Jésus au Canada, il quitte Dieppe en avril 1625 en compagnie des pères Énemond Massé, Jean de Brébeuf et de deux frères coadjuteurs, et il arrive à Québec en juin. Les Jésuites n’avaient la sympathie ni des directeurs de la Compagnie de Montmorency, ni des colons chez qui circulait le pamphlet Anti-Coton. Mais les Récollets les accueillirent avec une grande charité et leur donnèrent l’hospitalité en attendant qu’ils aient une maison à eux. Le père Lalemant ne fut pas lent à se rendre compte que le progrès de la colonie était entravé par ceux-là mêmes qui auraient dû le promouvoir : les de Caën, intéressés au seul commerce des fourrures. Un changement s’imposait. Aussi, dès son arrivée, en 1626, le père, Philibert Noyrot, qui jouissait d’un grand crédit à la cour, reçut l’ordre de se rembarquer pour la France afin de s’y employer au bien de la colonie. L’un des résultats de cette démarche fut la révocation de l’édit de Nantes pour la Nouvelle-France. Le père Noyrot envoya à ses confrères de Québec des provisions qui n’arrivèrent jamais à destination. D’après le père Chrestien Le Clercq, elles auraient été saisies à Honfleur par Raymond de La Ralde et Guillaume de Caën. C’est pourquoi, à l’automne de 1627, le père Lalemant repasse en France. Le bateau qui le ramène en 1628 et que commande Roquemont de Brison tombe aux mains des Kirke, qui font le père prisonnier, le dirigent sur la Belgique, d’où il rentre en France. Nouveau voyage en 1629, interrompu par un naufrage au détroit de Canseau ; Lalemant doit rentrer en France sur un vaisseau de pêche basque qui fait à son tour naufrage près de Saint-Sébastien, en Espagne [JR (Thwaites), IV : 229–244]. Malheurs personnels qui font place dans l’âme apostolique du Père Lalemant à un malheur plus grand : Québec est aux mains des Anglais et l’œuvre missionnaire est déjà renversée.
Mais, sans tarder, Lalemant travaille à relever les ruines. Il provoque des croisades de prières dans les monastères de Paris ; recteur du collège d’Eu, puis de celui de Rouen, il suit de près les négociations qui aboutiront au traité de Saint-Germain-en-Laye (1632). En décembre 1631, il à la certitude que le Canada sera rendu à la France, et il demande à revenir. Son vœu ne sera exaucé qu’en 1634 et il rentrera définitivement en France en 1638. C’est lui qui assiste Champlain dans sa dernière maladie et qui célèbre la messe des funérailles. La lettre qu’il adresse à son frère Jérôme, le 1er août 1626, nous révèle son âme. Il ne se fait pas d’illusions sur les difficultés de l’apostolat missionnaire : « La conversion des Sauvages demande du temps. Les premieres six ou sept annees sembleront steriles à quelques uns. Et si j’adjoutois jusqu’ à dix ou douze, possible ne m’éloignerois-je pas de la vérité. Mais est ce à dire pourtant qu’il faille tout quitter là ? Ne faut-il pas des commencemens par tout ? Ne faut-il pas des dispositions pour arriver où on prétend ? Quand à moy je vous confesse que Dieu me fait cette misericorde, qu’encor que je n’esperasse aucun profit tout le temps qu’il luy plaira me conserver en vie, pourveu qu’il eust nos travaux agreables, et qu’il voulust s’en servir comme de preparation pour ceux qui viendront apres mous, je me tiendrois trop heureux d’employer et ma vie et mes forces, et n’épargner rien de ce qui seroit en mon pouvoir, non pas mesme mon sang pour semblable sujet. » Claire vue des difficultés jointe à la force d’âme pour les surmonter, qualités précieuses chez un fondateur de mission. Il n’a pas travaillé en vain. La résidence qu’il avait érigée à Québec accueillera le père Paul Le Jeune en 1632, et il y vivra lui-même de 1634 à 1638. En fait, le zèle du père Lalemant s’est surtout exercé auprès de la population française de Québec. Il y laissa de si bons souvenirs que, 12 ans après son départ, la Communauté des Habitants le proposera à la reine comme premier évêque de Québec.
En 1626, quand il avait signalé au général de la compagnie le retour du père Noyrot en France et le but de son voyage, qui était d’informer certains bienfaiteurs et même ses confrères de Paris des besoins de la mission des Jésuites de la Nouvelle-France, le père Lalemant avait ajouté que, après le retour du père Noyrot au printemps, il serait nécessaire que quelqu’un le remplaçât pour prendre soin en France de la mission canadienne. Ce que suggérait le père Lalemant, c’était un procureur de la mission ; poste qu’il allait occuper le premier et qui lui permettra de jouer un rôle très important dans la fondation de Montréal. Son intervention personnelle auprès de M. Jean de Lauson, futur gouverneur de la Nouvelle-France, obtient la cession de l’île à la Société de Montréal. C’est lui qui présente M. de Chomedey de Maisonneuve à Jérôme Le Royer de La Dauversière. Il a également tenu un rôle décisif dans la venue à Montréal de Jeanne Mance, de Louis d’Ailleboust de Coulonge et de sa femme, Marie-Barbe de Boullongne.
Comme feront ses successeurs à Paris, les pères Le Jeune et Ragueneau, le père Lalemant exerçait le ministère de la prédication et de la direction spirituelle. En 1660, il publiait La vie cachée de Jésus-Christ en l’Eucharistie, ouvrage réédité en 1835, 1857 et 1888. Le père Lalemant mourut à Paris le 18 novembre 1674, à l’âge de 84 ans. Moins spectaculaire que celle des Le Jeune et des Ragueneau, sa contribution à l’histoire du Canada est très importante. En particulier, il occupe une place de choix dans la galerie des personnages qui n’ont jamais vu Montréal, mais à qui il faut demander l’explication de ses origines héroïques.
On sait que le père Charles Lalemant à été supérieur de la maison professe de Paris et, pour un temps, vice-provincial. C’est en cette qualité que, le 3 février 1652, il autorise Cramoisy à publier la Relation de 1651.
Le père Lalemant était un infatigable correspondant. Sa lettre au père Jérôme, du 1er août 1626, était la soixante-huitième de l’année, et ce n’était pas la dernière. Que sont devenues ces lettres ? Nous ne le savons pas.
Champlain, Œuvres (Laverdière).— JR (Thwaites), passim.— Le Clercq, First establishment of the faith (Shea) ; Premier établissement de la Foy.— E. R. Adair, France. and the beginnings of New France, CHR, XXV (1944) : 246–278. —Campbell, Pioneer priests, II : 247–276.— Robert Le Blant, Le Testament de Samuel de Champlain, 17 novembre 1635, RHAF, XVII (1963–64) : 273–277.— Léon Pouliot, Le R. P. Charles Lalemant, s.j. (1587–1674), dans Ville ô ma ville (Montréal, 1941), 63–71.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, I : 137ss.
Léon Pouliot, « LALEMANT, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lalemant_charles_1F.html.
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Auteur de l'article: | Léon Pouliot |
Titre de l'article: | LALEMANT, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 6 nov. 2024 |