LANE, AMBROSE, officier dans l’armée et dans la milice, homme politique, fonctionnaire et juge, né probablement en 1791 dans le comté de Tipperary (république d’Irlande), fils du colonel John Hamilton Lane ; le 19 août 1817, il épousa Mary Smith, et ils eurent six enfants ; décédé le 7 septembre 1853 à Charlottetown.

Ambrose Lane commença sa longue carrière militaire en 1807 en s’enrôlant comme enseigne dans le 99e d’infanterie (qui devint le 98e en 1815). Il passa au grade de lieutenant en 1811 et fut affecté en Amérique du Nord en 1812. Quatre ans plus tard, Lane reçut le commandement d’un détachement à Charlottetown. Après la réduction des effectifs de l’armée en 1818, il fut mis à la demi-solde et s’installa à l’Île-du-Prince-Édouard, où il assuma les fonctions de capitaine dans la milice et, en 1819, celles de major de la garnison à Charlottetown.

Lane se tailla bientôt une situation sociale et politique dans la société de l’île par son mariage avec une des filles du lieutenant-gouverneur Charles Douglass Smith. Son beau-père était un homme au tempérament autocratique, engagé dans une lutte pour se libérer de la dépendance de la chambre d’Assemblée. Lane partageait avec le lieutenant-gouverneur le même caractère acerbe et son mépris des hommes politiques coloniaux. En décembre 1818, Smith nomma Lane au Conseil de l’Île-du-Prince-Édouard et l’utilisa, ainsi qu’un autre de ses gendres, John Edward Carmichael*, pour donner à son gouvernement l’indépendance qu’il désirait par rapport aux factions politiques. Les hommes politiques de l’île s’élevèrent contre ce népotisme qui non seulement réduisait leur propre rôle dans le gouvernement, mais confirmait également les soupçons de corruption qu’ils entretenaient à l’endroit de l’exécutif. Par exemple, en tant que greffier (1818), juge instructeur (1818) et maître (1819) de la Cour de la chancellerie, Lane se trouvait fort bien placé, comme greffier, pour établir ses propres honoraires, puis, comme maître en chancellerie, pour juger toute plainte que soulevaient ces honoraires.

Dépités de leur manque d’autorité sur l’obstiné lieutenant-gouverneur, les notables de l’île, dont Paul Mabey*, Donald McDonald, John MacGregor et John Stewart*, formèrent un comité qui tint une série de réunions publiques au printemps et à l’été de 1823. Ces réunions aboutirent à l’adoption de résolutions critiquant la rectitude et la constitutionnalité de la conduite de Smith. Dans ces résolutions que l’on fit circuler, on examina plus particulièrement le manque de qualifications de Lane pour occuper ses postes judiciaires et on y vit un exemple flagrant d’influence familiale abusive. Tout cela se termina par le spectacle d’un procès truqué, à la Cour de la chancellerie, qui retint l’attention des habitants de l’île pendant les mois d’octobre et de novembre de cette année-là. Les membres du comité qui avaient formulé les résolutions furent accusés d’outrage au tribunal pour avoir attaqué la conduite de Lane en tant qu’officier de justice. Leur véritable crime était, bien sûr, d’être des adversaires politiques. Comme chancelier de la cour, Smith déclara les défendeurs coupables. Or, ce fut une victoire à la Pyrrhus. En effet, Londres remplaça Smith par John Ready*, l’année suivante, et les défendeurs ainsi que leurs alliés remportèrent une éclatante victoire aux élections de 1824.

Lane survécut aux conséquences et aux enquêtes qui suivirent et s’adapta, non sans quelque malaise, au nouveau pouvoir des hommes politiques de l’île. Bien qu’ayant perdu son poste de maître en chancellerie en 1825, il conserva ses autres fonctions militaires et judiciaires, ainsi que son siège au conseil. En fait, tout en s’intégrant à l’élite de l’île, il fut l’un des piliers de la nouvelle classe dirigeante qui devint le family compact des décennies 1830 et 1840. D’août 1828 à mai 1829, il remplit les fonctions de secrétaire colonial de l’île et fut nommé juge suppléant de la Cour suprême en novembre 1829, sous la direction d’Edward James Jarvis, sans toutefois recevoir de traitement. En 1831, il reçut le grade intérimaire de capitaine à la demi-solde dans l’armée régulière et devint, avec Coun Douly Rankin, sous-inspecteur et adjudant de district dans la milice de l’île, postes qu’il occupa jusqu’à sa mort.

Au conseil, Lane resta résolument conservateur. Il s’opposa aux partisans de l’escheat et du gouvernement responsable et défendit les intérêts des propriétaires. Quand le lieutenant-gouverneur sir Charles Augustus FitzRoy sépara le Conseil législatif du Conseil exécutif en mars 1839, Lane fut exclu des deux organismes, mais dès septembre, à la demande expresse de FitzRoy, il recouvra un siège au Conseil exécutif sans avoir perdu son rang. De 1842 à 1853, il fut le doyen du conseil. À ce titre, il exerça les fonctions d’administrateur de l’île en septembre et octobre 1847, durant une absence temporaire du lieutenant-gouverneur sir Henry Vere Huntley*, puis d’octobre 1850 à mars 1851, entre les mandats de sir Donald Campbell* et de sir Alexander Bannerman*. Il siégea aussi au Central Board of Health, fut membre du conseil d’administration de la Central Academy et devint l’un des membres fondateurs de la Central Agricultural Society.

Personne fière et irascible, Ambrose Lane se fit des ennemis autant à cause de son caractère que de son credo politique. Néanmoins, comme homme de talent qui avait une longue expérience, sans mentionner son influence dans la société, il occupa toute sa vie une charge publique importante dans une île qui eut souvent un besoin pressant d’hommes doués de telles qualités.

M. Brook Taylor

PAPEI, Acc. 2552/46 (« Report of the committee on the state of the colony, 21 Marsh 1825 ») ; Acc. 2810/25 ; RG 1, Commission books, 2 août 1828, 18 mai, 16 nov. 1829 ; RG 6, Court of Chancery, minutes, 27 juin, 16 sept. 1818, 26 mai 1819 ; RG 16, Land registry records, 1814–1853.— PRO, CO 226/34 : 164, 186 ; 226/36 : 79 ; 226158 : 29–30.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, marriages, and burials (mfm aux PAPEI).— Supreme Court of P.E.I. (Charlottetown), Estates Division, liber 4 : fo 256 (testament d’Ambrose Lane, 3 oct. 1853) (mfm aux PAPEI).— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1841 : 151.— Islander, 9 sept. 1853.— Prince Edward Island Gazette, 7 août 1819.— Prince Edward Island Register, 11, 25 oct., 1er, 15 nov. 1823, 3, 17, 24 janv., 18 mai 1824, 5, 31 mars, 11, 27 oct. 1825, 19 juin 1827, 22 avril 1828, 22 juin 1830.— Royal Gazette (Charlottetown), 3, 24 janv., 14 févr., 3 avril 1832, 2, 9 avril, 14, 21 mai 1833, 18 mars 1834, 2 déc. 1835, 12 mars, 10 sept. 1839, 15 mars 1842, 28 sept. 1847, 20 août 1850.— Duncan Campbell, History of Prince Edward Island (Charlottetown, 1875 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972), 66–67, 108.— Canada’s smallest prov. (Bolger), 66–96.— Frank MacKinnon, The government of Prince Edward Island (Toronto, 1951), 44–48.— A. B. Warburton, A history of Prince Edward Island from its discovery in 1534 until the departure of Lieutenant-Governor Ready in A.D. 1831 (Saint-Jean, N.-B., 1923), 336–343.

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M. Brook Taylor, « LANE, AMBROSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lane_ambrose_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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