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DOYLE, LAURENCE (Lawrence) O’CONNOR, avocat, directeur de journal et homme politique, né le 27 février 1804 à Halifax, Nouvelle-Écosse, fils aîné de Laurence Doyle et de Bridget O’Connor ; il épousa en 1833 à l’île Madame, Nouvelle-Écosse, Sarah Ann Driscoll (décédée le 25 janvier 1841) ; décédé le 28 octobre 1864 à New York.
Les possibilités d’accès à l’éducation qui s’offraient à Laurence O’Connor Doyle, fils d’un négociant catholique de Halifax, étaient limitées : la Halifax Grammar School était sous la surveillance de l’Église d’Angleterre et le King’s College de Windsor, Nouvelle-Écosse, exigeait que ses étudiants adhèrent aux Trente-neuf Articles de l’Église d’Angleterre. Doyle, par conséquent, passa sept ans au Stonyhurst College, un établissement catholique dans le Lancashire, en Angleterre, avant de revenir à Halifax en 1823 pour étudier le droit sous la direction du vieux procureur général Richard John Uniacke*. Il était encore en apprentissage dans le cabinet d’Uniacke lorsqu’il rédigea la pétition des catholiques demandant à l’Assemblée de modifier le serment du Test. Le 22 janvier 1828, Doyle devint avoué et, le 27 janvier 1829, avocat. Par la suite, il pratiqua le droit à Halifax.
Durant ce temps, il adhéra avec Joseph Howe*, Thomas Chandler Haliburton et d’autres, à la société littéraire « The Club », réplique de « Noctes » du Blackwood’s Magazine, en Angleterre. Les vigoureuses satires humoristiques de cette société sur les sottises et le maniérisme de l’époque parurent irrégulièrement dans le Novascotian entre le 8 mai 1828 et le 23 juin 1831. Avec le temps, Doyle s’était fait la réputation d’un incorrigible faiseur de calembours, que Howe prenait pour l’homme le plus spirituel qu’il ait jamais rencontré.
Il n’était que naturel pour un jeune homme dans la position de Doyle, avec sa personnalité et ses talents, d’être entraîné dans les remous politiques accompagnant la lutte pour l’obtention d’un gouvernement responsable. Lorsqu’en 1832, trois nouvelles circonscriptions électorales (une pour le comté de Cap-Breton et une pour chacun des deux cantons d’Arichat et de Sydney) furent ajoutées aux deux qui existaient déjà à l’île du Cap-Breton, Doyle décida de se porter candidat à l’élection partielle dans le comté de Cap-Breton. Mais, après un séjour dans l’île, il choisit le siège d’Arichat de l’île Madame, et il affirmera plus tard : « Je serais tout aussi honoré de représenter le seul canton catholique de la province que le comté le plus vaste. » Son allié politique, William Young*, décida de briguer les suffrages dans l’un des deux sièges du comté de Cap-Breton, et la rancune contre ces deux intrus de Halifax se manifesta du haut des hustings. En outre, la vieille jalousie entre Arichat et Sydney fut ressuscitée en partie, parce que Sydney était devenu port franc à la suite du nouvel essor dû à l’exploitation des mines de charbon en 1828. Doyle pensait que l’opposition la plus farouche lui viendrait de la part des partisans de Richard Smith, surintendant de la General Mining Association, une société anglaise établie à Sydney, et candidat à l’un des deux sièges du comté de Cap-Breton contre Young et James Boyle Uniacke*. Selon Doyle, Smith était l’agent d’un organisme beaucoup trop puissant dans la province et ses rapports avec Sydney priveraient le reste de l’île d’une représentation équitable. Doyle fit campagne dans les deux circonscriptions. Lui-même, Young et Uniacke furent élus, mais l’élection de Young fut contestée et Smith sortit finalement victorieux.
On se rendit bien vite compte à la chambre d’Assemblée que Doyle était un réformateur convaincu. Il soutenait que l’île du Cap-Breton méritait plus que 5 sièges dans une Assemblée qui en comptait 44 parce que « sa superficie et sa population [...] égalaient un cinquième de celles de toute la province ». En 1834, le solliciteur général Charles Rufus Fairbanks* soumit un projet d’amélioration des routes principales de la colonie au moyen d’un emprunt de £100 000 à l’Angleterre. Doyle saisit l’occasion pour recommander des modifications au service des ponts et chaussées. C’est aux membres de l’Assemblée que revenait traditionnellement le droit d’affecter les sommes d’argent à la construction des routes principales et de répartir le reste parmi les comtés pour l’entretien des routes secondaires, ainsi que le droit de désigner les commissaires à la voirie dans leur circonscription. Doyle appuya vigoureusement la proposition de Fairbanks visant à mettre fin à ce favoritisme qui, à son avis, avait engendré la corruption, mais la chambre se montra réticente à abandonner cette pratique. Il affirma aussi que l’île du Cap-Breton avait besoin d’au moins 200 milles de routes principales et que l’expansion des voies de communication ferait progresser la province d’un demisiècle.
Il critiqua le gouvernement britannique lorsque celui-ci annonça en 1834 son intention de percevoir des redevances sur les terres si l’Assemblée ne s’engageait pas à verser une subvention annuelle de £2 000 pour les traitements du lieutenant-gouverneur, du secrétaire de la province et des juges. Il tourna en dérision « la tragique farce de cette institution des redevances sur les terres ». Doyle souhaitait assurer un gouvernement plus autonome à la province. Au début de 1836, il proposa à l’Assemblée d’adresser une requête au roi afin de faire état du mécontentement que provoquait l’envoi de ressortissants britanniques pour combler des postes dans la colonie et, en particulier, dans le bureau des Douanes. Ce procédé, disait-il, était « insultant et blessant pour les autochtones et habitants du pays, de la bourse desquels les traitements [étaient] actuellement soutirés ».
Il exprima ses opinions sur les réformes constitutionnelles en Nouvelle-Écosse, à l’occasion de l’appui qu’il donna à la résolution qu’Alexander Stewart présenta en 1834 pour demander des modifications dans la composition, la procédure et les fonctions du Conseil de la Nouvelle-Écosse. Son option pour des séances publiques au Conseil devint un des thèmes de la campagne électorale suivante. Lors d’une assemblée électorale tenue à Halifax le 9 novembre 1836, il présenta une résolution, appuyée par Howe, voulant qu’on demande aux membres de l’Assemblée de Halifax de s’engager à ne pas participer activement aux affaires du Conseil tant et aussi longtemps que ses réunions seraient tenues à huis clos. Au cours de la session qui suivit, Doyle proposa une série de résolutions demandant que les séances du Conseil soient ouvertes au public. Il fut aussi d’accord avec Stewart en 1834 sur le fait que la composition du Conseil, dont tous les membres, sauf un, résidaient à Halifax, laissait à désirer ; « c’est le sentiment de ne pas avoir de voix au Conseil, déclara-t-il, qui rend [la population de l’île du Cap-Breton] mécontente [...] et l’incite à rompre ses rapports. » Il pensait cependant que la proposition de Stewart visant à augmenter le nombre des membres du Conseil, en y invitant des membres additionnels de la province, devrait être modifiée et qu’elle devrait inclure des dispositions en vue d’élire l’ensemble du Conseil. Il appuya une résolution, qui fut défaite, en faveur d’un conseil « composé en partie par un représentant de chaque comté et de chaque district, lequel serait élu par les francs-tenanciers d’un certain rang ».
Doyle continua à promouvoir des réformes après sa réélection à la fin de 1836 dans le canton d’Arichat. Il appuya fortement les 12 résolutions de Howe, dont le point culminant fut une requête à la couronne visant à obtenir un conseil législatif électif ; il réprouva la décision que prit lord Glenelg, ministre des Colonies, en 1837 de créer un conseil exécutif et un conseil législatif séparés sans pour autant apporter une modification substantielle à leur composition. Pour renforcer le contrôle de la population sur ses représentants, il patronna le Quadrennial Act préconisant un mandat de quatre ans pour l’Assemblée au lieu de sept ; la loi fut adoptée par l’Assemblée en 1837 mais ne fut sanctionnée qu’en 1840.
Aux élections de 1840, Doyle posa de nouveau sa candidature dans le canton d’Arichat, mais la retira en faveur de Henry Martell, respectant ainsi une entente, conclue quatre ans auparavant avec ses commettants acadiens, aux termes de laquelle il s’était engagé à appuyer Martell lorsque celui-ci se présenterait. Doyle ne retourna à la chambre qu’en 1843. Entre temps, il se produisit trois faits de nature à encourager les réformistes : un message de lord John Russell, en date du 16 octobre 1839, leur apprit que dorénavant les conseillers nommés seraient « révocables à volonté » ou que leur nomination se ferait pour des raisons politiques, et qu’ils demeureraient en charge tant et aussi longtemps qu’ils seraient utiles au lieutenant-gouverneur ; le lieutenant-gouverneur Colin Campbell* fut rappelé en 1840 et, finalement, James Boyle Uniacke se rallia à eux. Toutefois, les réformistes n’étaient pas unanimes à appuyer Howe, Uniacke et James McNab lorsque ceux-ci décidèrent de se joindre au gouvernement de coalition avec James William Johnston* et les conservateurs au cours de cette année. Doyle approuva le refus de Herbert Huntington* d’accepter un poste car, comme il devait le déclarer plus tard, la coalition ne comprenait pas suffisamment de réformistes.
Au début des années 40, Doyle s’intéressa de plus près aux affaires des Irlandais. Membre de la Charitable Irish Society de Halifax depuis 1828, il en fut le vice-président en 1828–1829, de 1838 à 1841 et en 1846–1847, ainsi que le président de 1829 à 1832, en 1843–1844 et en 1847–1848. Il fut aussi le premier président de la St Mary’s and St Patrick’s Temperance Society de Halifax en 1843. De plus, c’était un partisan ardent de la révocation de l’union entre la Grande-Bretagne et l’Irlande. Le mouvement en faveur de cette révocation fut ravivé en Irlande au début des années 40 par Daniel O’Connell, emprisonné en 1843. Au cours de cette même année, Doyle présida des réunions de la Repeal Association de Halifax, fut membre de son comité de correspondance et rédacteur du Register, un journal de Halifax qui s’occupa des affaires de l’Irlande, au moins du 10 janvier au 30 mai 1843. Le printemps suivant, il prit en charge la direction de la section politique du journal.
Lors des élections de 1843, Doyle s’inquiéta de la « méfiance » qu’éveillaient les catholiques et les Irlandais de Halifax chez leurs alliés libéraux. « Notre patriotisme trop ardent et trop véhément, devait-il faire remarquer, est allé jusqu’à porter ombrage à une fraction de la presse libérale. » Doyle aurait dû être candidat dans le comté de Halifax mais les quatre représentants de cette circonscription à l’Assemblée législative ayant été choisis de nouveau comme candidats dans l’intérêt de la cause de la réforme, le groupe catholique se trouva ainsi ignoré. Doyle était persuadé que cela était attribuable à son action en faveur de la cause irlandaise et exprima son mécontentement en disant qu’il était « contraire à l’esprit libéral et injuste de priver toute la population catholique de la ville de son droit de représentation parce que lui-même sympathisait avec la cause de ses compatriotes irlandais ». Les catholiques ne participèrent pas aux élections et furent en partie responsables de ce que, dans le canton de Halifax, le réformiste William Stairs fut défait par le tory Andrew Mitchell Uniacke. Mais étant donné qu’à l’époque les élections n’avaient pas encore lieu en même temps dans toutes les circonscriptions, une réconciliation permit à Doyle d’être porté, avec Howe, sur la liste des candidats réformistes dans le comté de Halifax ; ils furent élus tous les deux sans opposition. Il se peut que ce soit cette brève défection des catholiques qui permit au gouvernement de J. W. Johnston de rester au pouvoir de 1843 à 1847.
À la fin de 1843, désenchantés par la tournure des événements, les trois réformistes quittèrent le gouvernement de coalition, et la. lutte pour l’obtention d’un gouvernement responsable entra dans sa phase finale. Le parti réformiste remporta la victoire aux élections de 1847 et Doyle fut élu dans le canton de Halifax. Le 2 février 1848, il obtenait un portefeuille dans le nouveau cabinet réformiste. Il démissionna du Conseil exécutif le 2 octobre 1850, tout en continuant de représenter le canton de Halifax de 1851 à 1855. Son intérêt pour les réformes et les problèmes locaux ne diminuait pas. Depuis longtemps, il prônait un système général d’éducation, accessible à toutes les classes sociales, et s’en fit le défenseur à l’Assemblée dès 1840. Doyle appuya la Horton Academy de Wolfville, Nouvelle-Écosse, mais s’opposa à ce qu’on y crée un collège universitaire, parce qu’à son avis la colonie ne disposait pas des ressources nécessaires pour soutenir financièrement une université. En 1845, il présenta à l’Assemblée une motion dirigée contre la pratique imprévoyante d’octroyer des subventions aux collèges confessionnels. À l’instar de beaucoup de libéraux, il se dressa contre la pression exercée par les sociétés de tempérance sur les hommes politiques. Il utilisa son aptitude à manier le ridicule pour qualifier de verbiage les interventions des membres de la chambre qui prônaient la tempérance tout en se disputant les montants perçus à titre de droits d’entrée sur le rhum.
En 1844, lorsque la légalité de la réannexion de 1820 de l’île du Cap-Breton à la Nouvelle-Écosse fut mise en question devant le comité judiciaire du Conseil privé, Doyle se porta à la défense de ses anciens commettants : « Si les habitants de l’île du Cap-Breton, déclara-t-il, ont été dépouillés de leurs droits contre leur volonté et s’ils désirent maintenant un gouvernement autonome, qu’on le leur accorde. » Doyle joua aussi un rôle prépondérant dans la tentative d’élargir la base du droit de vote qui était lié à la possession d’une propriété de 40 shillings et de mettre fin à la pratique consistant à transférer temporairement des titres de propriété pour créer des votes. En janvier 1851, il fut le promoteur d’une loi destinée à améliorer le système électoral en accordant le droit de vote à tous les hommes qui avaient payé la taxe des pauvres ou une taxe de comté durant l’année précédant une élection. Tout en extirpant certains maux, cette mesure ouvrait elle-même la porte à des abus, notamment lors de la préparation de la liste des contribuables et de l’établissement des reçus d’impôt.
Pendant de nombreuses années, Doyle avait revendiqué le droit de la province à ses ressources minières qui étaient entièrement contrôlées à cette époque par la Général Mining Association. En 1850, il fut nommé membre d’un comité des mines et minerais chargé d’examiner les activités de cette compagnie dans l’exploitation des mines de charbon de la Nouvelle-Écosse. Le comité recommanda de recourir au comité judiciaire du Conseil privé pour clarifier les droits qu’avait la compagnie sur le plan légal et de demander au gouvernement britannique de mettre fin au monopole. En 1858, des mesures furent prises pour abolir ce monopole et remettre à la province le contrôle de ses mines de charbon. Doyle, comme bien d’autres, s’intéressa au développement du chemin de fer qui, selon lui, pouvait répondre à une autre de ses préoccupations, à savoir une « union plus serrée et plus intime » à l’intérieur d’un empire britannique puissant.
En 1855, il se retira de l’Assemblée et, quelques années plus tard, déménagea à New York pour y demeurer avec sa sœur et pratiquer le droit. Il y décéda à l’âge de 60 ans. En 1855, Joseph Howe devait s’exprimer à son sujet en ces termes chaleureux : « c’était le seul homme qu’il eût connu à ne pas avoir d’ennemi [...] ; s’il était possible de conférer l’omniprésence et l’immortalité par suffrage universel, tout le monde voterait pour qu’il égaie de sa présence toutes les solennités jusqu’à la fin des temps ».
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Charles Bruce Fergusson, « DOYLE, LAURENCE (Lawrence) O’CONNOR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/doyle_laurence_o_connor_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/doyle_laurence_o_connor_9F.html |
Auteur de l'article: | Charles Bruce Fergusson |
Titre de l'article: | DOYLE, LAURENCE (Lawrence) O’CONNOR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |