MERCER, ANDREW, officier d’état civil chargé de délivrer des permis de mariage, fonctionnaire, né peut-être dans le Sussex, en Angleterre, vers 1778–1784, décédé à Toronto, Ont., le 13 juin 1871.

Tout ce que nous savons avec certitude des débuts d’Andrew Mercer, c’est qu’il arriva à Québec à la fin de l’année 1800 ; il accompagnait Thomas Scott*, le nouveau procureur général du Haut-Canada. Mercer déclara un jour que sa mère, Mary Mercer, n’était pas mariée, et, comme il entretenait des rapports étroits avec Scott, on racontait qu’il pouvait bien être le fils naturel de ce dernier.

Ils arrivèrent à York (Toronto) au début de 1801 et Scott fit de Mercer son secrétaire. Mercer fut ensuite désigné au poste de second greffier au Conseil exécutif (1803–1820), puis il se vit confier la charge d’imprimeur du roi en 1816, sans doute grâce à l’influence de Scott. Mercer fut trésorier dans le corps de milice du district de Home pendant la guerre de 1812 ; fait prisonnier à la prise de York en avril 1813, il fut bientôt libéré. Il fut nommé juge en 1833. Après 1809, Mercer eut pendant quelques années des intérêts commerciaux, d’abord dans un magasin général avec un associé, Samuel Smith Ridout*, puis, plus tard, dans une importante entreprise de prêts et d’hypothèques qu’il avait mise sur pied.

On a beaucoup parlé de sa philanthropie mais on sait seulement qu’il fit, en 1851, un don de 1 000 acres de terrain, situé dans des cantons marécageux, à la fondation de l’University of Trinity College. À partir de 1827, et bien qu’il fût riche, il habitait à Toronto dans une petite maison sise à l’angle des rues Bay et Wellington, dont la valeur, dira-t-on plus tard, « justifiait à peine une assurance » ; en outre il avait la réputation d’être « presque mesquin ».

En 1818, Mercer délivrait des permis de mariage à York, mais lui-même n’en eut jamais. Il engagea en 1850 une ménagère illettrée et voleuse, Bridget O’Reilly, dont le caractère emporté le terrorisa, semble-t-il, jusqu’à la fin de sa vie. En 1841 elle donna naissance à un fils qui fut baptisé sous les noms d’Andrew Francis Mercer et qui, selon l’opinion générale, était le fils d’Andrew alors septuagénaire ; la femme accusa d’ailleurs ce dernier de l’avoir séduite. Il assura la subsistance de l’enfant et lui donna des terres mais il n’en fit jamais son héritier, et on rapporte qu’à une certaine occasion il affirma qu’il « lèguerait sa fortune au gouvernement ».

Mercer mourut subitement en 1871, sans laisser de testament. Comme la succession devait passer à la couronne à moins qu’on ne trouve des héritiers légitimes, le gouvernement de la province s’empressa de se prévaloir immédiatement du droit de déshérence et, en 1872, le procureur général Adam Crooks* fut nommé curateur. On permit à la domesticité de demeurer dans la maison et l’on entreprit des recherches en Angleterre et au Canada en vue de retrouver des héritiers ; de plus, des dispositions furent prises, non sans besoin, pour remettre de l’ordre dans cette succession de $180 000, constituée en bonne partie de terrains, d’hypothèques, de prêts et de titres.

En 1875, Oliver Mowat*, à qui, l’année précédente, on avait confié le poste de curateur, entama les démarches pour faire entendre la cause à la Cour de la chancellerie qui vérifierait l’authenticité des réclamations des héritiers éventuels. C’est à ce moment-là que Bridget O’Reilly et son fils exhibèrent inopinément un certificat de mariage, daté du mois précédant la naissance du fils, et un testament les nommant légataires universels. L’audition des revendications commença en janvier 1876 ; John Beverley Robinson* représentait la couronne. John Joseph Lynch*, l’archevêque catholique, John Montgomery et d’autres personnes appuyèrent les revendications du jeune Mercer ; ce dernier, toutefois, refusa de se présenter à la barre des témoins pour y être interrogé. Samuel Hume Blake*, le vice-chancelier, déclara faux les deux documents et rendit jugement en faveur de la province.

Malgré cela le jeune Mercer refusa d’évacuer la propriété de la rue Bay et il s’ensuivit une série de poursuites judiciaires. Cette cause finit par faire jurisprudence en matière constitutionnelle car il fallut déterminer si, en vertu des articles 102 et 109 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, le droit de déshérence appartenait au gouvernement de la province ou au gouvernement fédéral. Les cours d’Ontario rendirent leur jugement en faveur de la province, la Cour suprême du Canada appuya la demande du dominion et finalement le comité judiciaire du Conseil privé d’Angleterre rendit son jugement au bénéfice de l’Ontario en 1884. La province prit alors possession de la propriété de la rue Bay et la mit en vente.

Le gouvernement d’Ontario avait dans l’intervalle liquidé le reste de la succession. La clinique Andrew Mercer Eye and Ear Infirmary fut fondée au Toronto General Hospital, grâce à la somme de $10 000 offerte à cette fin en 1878 ; une somme de $106 000 permit la construction de l’Andrew Mercer Ontario Reformatory for Females qui ouvrit ses portes en 1880 et se maintint en service jusqu’en 1969. Les frais d’assistance judiciaire avaient englouti une part importante de la fortune, y compris une bonne partie des $30 000 que Mowat avait eu la générosité de fournir au jeune Mercer.

Les causes judiciaires et les établissements de bienfaisance valurent à la mémoire d’Andrew Mercer une pérennité qu’il n’avait pas cherchée. Ne retenant que le nom et ne connaissant pas les faits, les générations suivantes virent en lui un bienfaiteur de la cause de la rééducation des femmes.

Frederick H. Armstrong

APC, FO 1, E1, 47, pp. 283, 291 ; FO 1, E14, 10, pp. 158s. ; FO 1, L3, M6/332, no 37.— FO 5, A1, 26, pp. 12 067–12 069 ; FO 5, A1, 27, pp. 12 563s., 12 799s., 26 686s. ; FO 7, G16, C, 9, p. 48 ; FO 8, I, A1, 690, pp. 166s. ; FO 68, 1.— PAO, Alexander Campbell papers, 18 nov. 1881, 31 mai 1883 ; Chancery Court files, 1875, 55, Mercer v. attorney-general ; Chancery Court files, 1878, 526, Attorney-general v. O’Reilly ; Chancery Court files, Misc. 1934, John Robertson, Memorandum re A. Mercer and Thomas Scott ; RG 8, I-7-b-2, 1878, no 34 ; RG 8, 1879, no 33 ; RG 8, 1882, no 51 ; RG 8, 1888, no 30 ; Ridout papers, 1809, agreement of partnership.— Trinity College Archives (Toronto), Minutes of the council, 20 févr. 1851, 27.— Attorney general of Ontario v. Mercer (1883), 8 App. Cas. 767 (P.C.) reversing (1881), 5 S.C.R. 583, which reversed (sub nom.) Attorney general of Ontario v. O’Reilly (1880), 6 O.A.R. 576, which affirmed (1878), 26 Gr. 126 (Ch.).— Sessional Papers of Ontario, IX (1877), 2e partie, no 7 ; X (1878), 4e partie, no 38 ; XII (1880), 4e partie, no 34 ; XIII (1881), 4e partie, no 48.— Statutes of Ontario, 1878, c.l ; 1879, c.38.— Globe (Toronto), 14 juin 1871, 15 nov. 1875, 14–22 janv. 1876.— Scadding, Toronto of old, 55, 84, 269, 363, 366.— Town of York, 1793–1815 (Firth), 140, 281.— Hist. of Toronto and county of York, II : 109.— J. E. Jones, Pioneer crimes and punishments in Toronto and the Home District [...] (Toronto, 1924), 46.— Landmarks of Toronto (Robertson), I : 46–48, 433.

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Frederick H. Armstrong, « MERCER, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mercer_andrew_10F.html.

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Auteur de l'article:    Frederick H. Armstrong
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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