AUCLAIR, JOSEPH, prêtre catholique, né à Jeune-Lorette (Loretteville, Québec), le 16 juin 1813, fils d’Étienne Auclair, cultivateur, et de Marie-Jeanne Blondeau, décédé à Québec le 29 novembre 1887.

Joseph Auclair termine ses études au séminaire de Québec en 1836 et prend la soutane à l’automne de la même année. Contrairement à une coutume ayant cours à cette époque, il ne semble pas qu’il ait desservi une paroisse durant ses trois années de formation théologique. Ordonné prêtre le 21 septembre 1839, il œuvre d’abord, à titre de vicaire, dans la paroisse Saint-Joseph (à Lauzon) et, en septembre 1841, il est transféré à Québec où il fait du ministère jusqu’en septembre 1847 dans la paroisse Saint-Roch, en compagnie du curé Zéphirin Charest*.

En ces années, la ville de Québec est encore le principal port d’entrée des immigrants britanniques, Irlandais pour la plupart. Ces milliers de miséreux, quand ils ne sont pas atteints du choléra ou du typhus, errent dans les rues à la recherche d’un gîte et d’un emploi. Le marché du travail est d’autant plus saturé que l’économie de Québec, basée presque exclusivement sur le commerce du bois et la construction navale, subit les contrecoups de l’abolition des tarifs protecteurs britanniques et de l’introduction de la nouvelle technologie du fer et de la vapeur dans la construction des navires. Une main-d’œuvre trop abondante et de longues périodes de chômage, surtout quand les glaces paralysent toute activité portuaire, tels sont les aspects les plus tragiques de la situation sociale, plus particulièrement dans la paroisse ouvrière Saint-Roch, et dont l’une des conséquences morales, selon le clergé, est l’alcoolisme. Celui-ci tente d’y remédier en fondant, le 15 novembre 1840, la Société de tempérance de la paroisse Saint-Roch de Québec. Sans doute aussi, comme à la paroisse Notre-Dame, le clergé de Saint-Roch tient-il une comptabilité rigoureuse des pauvres à secourir et leur distribue-t-il de la nourriture, des vêtements et du bois de chauffage.

La fatalité qui s’acharne sur Québec en ces années fournit au clergé l’occasion de redoubler d’activité. En mai 1845, un terrible incendie consume 1630 habitations, en très grande majorité situées à Saint-Roch. Deux ans plus tard, une épidémie de typhus sème la panique à Québec, sans toutefois faire les mêmes ravages que les choléras antérieurs. Atteint de la maladie alors qu’il dispense son ministère à l’hôpital de la Marine et des Émigrés, Auclair accepte tout de même la cure de Sainte-Marie, dans la Beauce, en septembre 1847. À peine rendu, il doit revenir à Québec, à l’Hôpital Général, où il échappe à la mort après quelques semaines de soins. En Beauce, Auclair poursuit le combat que le clergé a amorcé sous le signe de la tempérance. Avec plusieurs de ses paroissiens, il signe une pétition au début de 1849 afin que le gouvernement adopte des mesures contre l’intempérance et suspende les permis d’auberge. En outre, comme ses collègues des autres paroisses, il surveille étroitement les maisons d’enseignement.

En septembre 1851, la démission de l’abbé Louis Proulx* laisse vacante la cure inamovible de Notre-Dame de Québec dont la plupart des titulaires avaient accédé à l’épiscopat. Ce poste prestigieux exige de son titulaire des qualités peu communes en raison de la composition sociale hétérogène de cette paroisse englobant la haute ville, lieu de résidence de la bourgeoisie de Québec, et les quartiers ouvriers des faubourgs et de la basse ville. La même année, l’archevêque Pierre-Flavien Turgeon* appelle Auclair à ce poste, comptant sans doute sur son expérience dans le milieu ouvrier, sur sa culture littéraire et la simplicité de ses manières pour le faire accepter de tous les paroissiens.

Soucieux de redresser les mœurs et de préserver la foi catholique de l’influence protestante, le curé Auclair s’intéresse particulièrement à l’éducation. À Québec, deux organismes, la Société d’éducation, fondée en 1821 par le clergé et les laïcs pour soutenir les premières écoles, et la Commission scolaire catholique, régissent le système des écoles publiques. Le curé de Notre-Dame encourage et surveille l’une et l’autre. Commissaire d’écoles et membre du Bureau d’examinateurs pour les instituteurs du district de Québec, Auclair réanime la Société d’éducation et invite la Société de Saint-Vincent-de-Paul à établir des cours du soir en anglais et en français. Dans le domaine des sciences et du commerce, l’enseignement ne semble pas encore répondre aux attentes des Canadiens français ; périodiquement, le curé déplore l’inscription des catholiques aux écoles protestantes anglaises. En 1862, il croit mettre leur foi à l’abri en fondant l’Académie commerciale de Québec. Il voit dans l’instruction une solution à la misère et à la pauvreté d’une partie de ses fidèles et considère que l’école est destinée à moraliser les pauvres, c’est-à-dire à « réduire le nombre des vagabonds et des mauvais sujets ». Ainsi en témoigne un des prônes rédigés en 1866 pour venir en aide à la Société d’éducation : « Il vaut mieux aujourd’hui moraliser la population pauvre [...] que d’avoir plus tard à payer une nombreuse police. »

Auclair est particulièrement sensible aux misères engendrées par le chômage chronique qui sévit alors à Québec. Ses cahiers de prônes fournissent des descriptions détaillées et émouvantes de la situation des groupes défavorisés. Il croit ainsi pouvoir susciter la générosité des mieux nantis. Ici, il annonce un bazar au profit des prisonnières et des prostituées de l’asile du Bon-Pasteur ; ici encore, il quête pour l’hospice Saint-Joseph-de-la-Maternité qu’il a lui-même fondé en 1852 afin d’héberger temporairement les filles-mères, accueillir les enfants illégitimes et ainsi prévenir l’infanticide, ou pour les pauvres et les chômeurs qui n’ont même pas de bois pour se chauffer. Là, il dresse un tableau saisissant de la situation économique et lance un appel pathétique à la générosité des fidèles épargnés par la récession, la paralysie saisonnière de l’activité portuaire ou les rigueurs de l’hiver. « Un hiver des plus durs [...], répète-t-il souvent, point d’ouvrage pour une partie de la classe ouvrière, prix extraordinairement élevés des choses les plus nécessaires à la vie. « D’ailleurs, l’aumône est pour lui « une obligation au même titre que le précepte de sanctifier le dimanche ».

Il semble qu’Auclair soit trop conscient des conséquences diverses du sous-emploi dans sa paroisse pour accueillir favorablement la formation des syndicats ouvriers et l’utilisation de la grève comme moyen de revendication. En tout cas, il ne trouve pas de mots assez durs pour fustiger leurs gestes : « Vous travaillez à la ruine de votre âme, s’écrie-t-il, et vous achevez la ruine de votre ville qui n’est déjà que trop avancée. »

Auclair demeure curé de Notre-Dame pendant 36 ans, soit jusqu’à sa mort. En dépit d’une cécité croissante durant les 12 dernières années de sa vie, il refuse obstinément de démissionner, abandonnant malgré lui les tâches administratives et acceptant avec beaucoup de réticence les assistants désignés par son supérieur, Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau*. L’archevêque réussit quand même à persuader Auclair, dans les derniers mois de sa vie, de laisser la place à un curé desservant, puis de se retirer à l’Hôpital Général où il s’éteint lentement 11 jours plus tard.

Pendant son ministère à Notre-Dame de Québec, Auclair a occupé plusieurs autres postes prestigieux qui, fort curieusement, lui ont été attribués surtout après 1874, au moment où la maladie commence à affecter ses capacités. Il fut membre du conseil général de l’archevêque de 1851 à 1887, grand vicaire des diocèses de Sherbrooke et de Rimouski en 1874 et vicaire général non résidant du diocèse de Chicoutimi en 1878. Enfin, en 1882, l’archevêque Taschereau le désigna comme un des assesseurs de l’Officialité métropolitaine de Québec. Il devait au moins deux de ses titres à l’amitié le liant aux évêques de Chicoutimi et de Sherbrooke, Dominique Racine et son frère Antoine, chez qui il se rendait chaque année se reposer des fatigues du ministère.

René Hardy

Joseph Auclair, Le congrès (Québec, 1875) ; Les danses et les bals : sermons, notes et documents par le curé de N.-D. de Québec (Québec, 1879).

AAQ, 61 CD, Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce.— ANQ-Q, État civil, Catholiques, Saint-Ambroise (Loretteville), 17 juin 1813.— AP, Notre-Dame de Québec, Cahiers de prônes, 26 janv., 13 mai, 2 sept. 1855, 24 févr., 31 août, 7 déc. 1856, 10 oct. 1858, 30 janv. 1859, 6 mai, 7 oct. 1860, 14 avril 1861, 12 janv., 27 avril, 4 mai, 3 août 1862, 14 févr. 1863, 22 janv., 24 déc. 1865, 10 juin 1866, 27 janv., 7 juill. 1867, 1er mars 1868, 29 nov. 1869, 2 oct., 11 déc. 1870, 11 juin 1871, 10 nov. 1872, 14 nov. 1875.— ASQ, mss, 678 ; Polygraphie, L : 9g, 15b, 16f ; Séminaire, 9 : no 41 ; Univ., carton 103 : no 38.— Le Courrier du Canada, 2 déc. 1887.— La Minerve, 1er déc. 1887.— Catalogue de la bibliothèque de feu Rév. M. Joseph Auclair, curé de Québec (Québec, 1888).— André Simard, Les évêques et les prêtres séculiers au diocèse de Chicoutimi, 1878–1968 ; notices biographiques (Chicoutimi, Québec, 1969).— Cyprien Tanguay, Répertoire général du clergé canadien par ordre chronologique depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours (Québec, 1868), 141.— G.-P. Côté, Notice biographique sur le Révérend J. Auclair, curé de Notre-Dame de Québec, décédé le 29 novembre 1887 (Québec, 1888).— Albert Faucher, Québec en Amérique au XIXe siècle, essai sur les caractères économiques de la Laurentie (Montréal, 1973).— J. Hamelin et Roby, Hist. économique.— René Hardy, « Aperçu du rôle social et religieux du curé de Notre-Dame de Québec (1840–1860) » (thèse de d.e.s., univ. Laval, 1968).— André Labarrère-Paulé, Les instituteurs laïques au Canada français, 1836–1900 (Québec, 1965), 147.— Sœur Marie-de-la-Joie [Jacqueline Picard], « La crèche Saint-Vincent-de-Paul et l’enfant né hors mariage (1901–1915) » (thèse de d.e.s., univ. Laval, 1965).— L’œuvre d’un siècle : les Frères des écoles chrétiennes au Canada (Montréal, 1937), 279s.— Ouellet, Hist. économique.— Honorius Provost, Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce : histoire civile (Québec, 1970).— René Hardy, « L’activité sociale du curé de Notre-Dame de Québec : aperçu de l’influence du clergé au milieu du XIXe siècle », HS, no 6 (nov. 1970) : 5–32.

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René Hardy, « AUCLAIR, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/auclair_joseph_11F.html.

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Auteur de l'article:    René Hardy
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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